Raconté à la première personne dans les pas du réalisateur iranien, ce documentaire est un récit choral qui dévoile une galerie de personnages hauts en couleurs, représentatifs de cette population iranienne à bout de forces et de patience : un petit couple de grands adolescents qui rêvent de vivre leur amour au grand jour et en toute liberté, un chauffeur de taxi, farouche opposant, et sa mère qui tente coûte que coûte de le protéger, une peintre qui essaie tant bien que mal d’exercer son art malgré le joug de la censure, un médecin soignant clandestinement les manifestants, un jeune homme prêt à tout pour trouver de l’argent…
Prévu pour durer quelques semaines ou mois, le tournage s’est finalement poursuivi pendant près d’un an et demi à travers l’Iran, au gré des rencontres et du courage de ceux qui ont accepté de se confier. Tout y est : les raisons de la colère, les préparations de manifestations, l’espoir, la peur, les désillusions, les conflits familiaux, les solidarités spontanées, les petites bulles de bonheur, la mort qui rôde…
Qui sont ces protestataires prêts à tout risquer au nom de la liberté ? Au-delà des manifestations, à quoi ressemble leur quotidien ? Que se passe-t-il dans leurs têtes, dans leurs cœurs, dans leurs familles ? Des images et des témoignages rares et précieux, d’autant plus émouvants que leur Révolution tant espérée n’a pas abouti.
Diffusions :
"Je suis le benjamin d'une famille nombreuse du sud du pays. Ma famille était aimante mais pauvre : je me souviens que, chaque année, à la rentrée des classes, ma mère pleurait car nous n'avions pas d'argent pour nous inscrire à l'école ni pour acheter des livres, des vêtements, des sacs ou des chaussures. Au quotidien, notre nourriture se résumait à du pain et du thé avec, parfois, un peu de pâtes. Nous mangions de la viande une fois par an, peut-être une fois tous les deux ans. C’était vraiment une vie difficile, de la survie. J’ai tout essayé pour nous en sortir. Aller à la mosquée tous les jours quand j’avais 12 ans pour prier Dieu de nous venir en aide, travailler dans le bâtiment à 13 ans, fabriquer et vendre clandestinement du vin à 14 ans, faire de la contrebande à 15. Et puis à 16 ans, j’ai eu envie de poursuivre mon rêve de toujours : travailler dans le cinéma. J’ai appris à lire à partir de tout ce qui me tombait sous la main. Je me suis cultivé. Et je suis parti à Téhéran. A force de me battre, mon rêve est devenu réalité, j’ai pu commencer à travailler comme ingénieur du son et directeur de la photographie.
Et puis, Mahmoud Ahmadinejad est devenu président. Les sanctions ont augmenté. La vie s’est encore durcie. La liberté s’est encore amenuisée. J’ai commencé à m’intéresser à la politique pour essayer de comprendre ce qui n’allait pas dans mon pays.
Après avoir réalisé mon premier film indépendant, j’ai été sélectionné par un festival de documentaires en Europe. J’y ai rencontré une journaliste et réalisatrice française, Virginie. Nous avons sympathisé et échangé sur nos envies de raconter le monde. J’y ai aussi découvert ce que voulait dire « vivre » en Occident. Une vie où l’on peut chanter, danser, rire, embrasser sa petite amie quand on le veut, n’importe où, sans avoir peur, sans risquer la prison ou la mort. En rentrant en Iran, j’ai commencé à revendiquer publiquement. J’ai été arrêté et mis en prison. J’ai finalement été relâché mais on m’a interdit de quitter le pays.
Et quelques semaines plus tard, Mahsa Amini a été tuée par des agents du gouvernement à cause du hijab. J'ai été bouleversé et j'ai pris ma caméra pour commencer à réaliser un documentaire sur la révolution. Ce mouvement « Femmes, Vie, Liberté » et mes valeurs profondes se rencontraient enfin. Comme je fais partie de la classe inférieure de la société iranienne et que j'ai vécu parmi les pauvres, j'ai décidé de parler de cette révolution avec le regard de ces gens. Ils m'ont donné la force d'être ce que je suis aujourd'hui. La société iranienne et la pression de la vie m'ont appris à n'avoir peur de rien. De la même manière que les personnages de ce film.
J’ai décidé de faire ce film pour mon peuple. Ma seule façon de me battre est de réaliser un documentaire sur ce qui se passe en Iran. C'est ma mission la plus importante. Et je suis sûr qu'il ne s'agit plus d'une protestation civile qui peut être facilement réprimée. C'est une révolution, une grande révolution pour le monde. Elle pourrait changer l'Iran mais aussi le Moyen-Orient. Cette révolution se concrétisera parce que la société tout entière s'est réveillée et que ce régime rend son dernier souffle. En tant que personne lambda, citoyen ordinaire, je sens qu'il est de mon devoir de raconter cette révolution, de la filmer, de l'inscrire dans l'histoire."
"Depuis 15 ans, j’ai toujours eu une double casquette. A la fois réalisatrice de documentaires et magazines pour la télévision et militante dans le secteur de l’humanitaire et des droits de l’homme, notamment auprès d’Amnesty international. A force de parcourir la planète pour mes deux métiers, j’ai réussi à tisser des liens forts avec tout un réseau de réalisateurs engagés du monde entier, nous retrouvant régulièrement à l’occasion de grands faits d’actualité ou de festivals. C’est par ce réseau que j’ai fait la connaissance de Shooresh.
Ca a été, et c’est toujours, particulièrement émouvant de le voir découvrir la « liberté occidentale » comme il dit. Ce qui, pour nous, est la routine, de l’acquis, a été un choc pour lui. Et à l’inverse, même si je le soupçonnais évidemment, comprendre toutes les difficultés et les dangers auxquels mes collègues iraniens – et la population iranienne en général - étaient confrontés a été également très violent pour moi.
Alors, quand il m’a annoncé qu’il avait envie de documenter cette révolte « Femmes, Vie, Liberté », que je suivais avec attention et espoir, et qu’il avait envie que nous coréalisions ce film ensemble, j’ai évidemment tout de suite été partante.
Ces batailles pour changer l’histoire d’un pays ou d’une région se jouent sur le long terme. Avec notre documentaire, nous voulons donner à ces révolutionnaires une pérennité. C’est, malheureusement un peu la seule chose que, d’Europe, nous pouvons faire pour eux. Faire en sorte qu’ils ne soient pas oubliés. Réussir à saisir pourquoi, un jour, tous ces individus qui ont tellement enduré de choses ont décidé que c’en était trop. Comment, quand on a connu une vie de répression et de dictature, on trouve le courage d’agir. Comment s’organise cette résistance. Comment on trouve l’équilibre entre lutter contre le régime et rester en vie. Ces jeunes gens sont tous des héros qui peuvent faire basculer un pays et une région. Nous voulons leur donner toute la lumière et toute la place qu’ils méritent."