Dépendance des agriculteurs aux pesticides : la France a manqué le virage de la "mécanisation"

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par Maxence Kagni, le Jeudi 23 novembre 2017 à 17:09, mis à jour le Mardi 5 janvier 2021 à 17:14

Selon le député Dominique Potier, auteur en 2014 d'un rapport parlementaire sur les pesticides et l'agro-écologie, les agriculteurs français disposent d'un matériel qui n'est pas suffisamment moderne. Résultat : du gaspillage et un épandage excessif.

Malgré une véritable "révolution culturelle" sur la place des pesticides dans notre agriculture, la France n'arrive pas à réduire son utilisation de produits phytopharmaceutiques. Auditionné par ses collègues de la mission d'information parlementaire chargée d'étudier la question, Dominique Potier (PS) est revenu sur les conclusions de son rapport paru en 2014.

"On ne sait pas classer un bon pulvérisateur"

Pour l'élu Nouvelle gauche de Meurthe-et-Moselle, les politiques publiques sont "en échec" et produisent des résultats très loin d'atteindre les résultats fixés il y a dix ans, à savoir une baisse de 50% de l'utilisation des pesticides en France :

A l'hectare de blé, on utilise moins de produits phytopharmaceutiques, mais globalement, il y a plus d'hectares de blé, il y a une perte de la diversité des cultures, un recul des prairies permanentes...Dominique Potier

Selon lui, la France est passée à côté d'un élément primordial : la mécanisation de son matériel. "Encore aujourd'hui, on ne sait pas classer un bon pulvérisateur, un mauvais pulvérisateur, avoir une politique de financement, de réglementation adéquate en la matière...", regrette-t-il.

L'utilisation accrue du biocontrôle, cette méthode de protection des végétaux par l’utilisation de mécanismes naturels, n'est donc pas la seule piste de réforme. La lutte contre le gaspillage, aidée d'une meilleure mécanisation, pourrait entraîner une réduction de l'utilisation des pesticides à hauteur de 20 à 25% en cinq ans, selon Dominique Potier.

CETA : des produits canadiens parfois "cinq fois plus toxiques"

Dominique Potier propose un "changement de système" pour atteindre, à terme, une baisse de 50% de l'utilisation des pesticides. L'élu prône une modification de la PAC, qui valoriserait davantage les cultures à "haute valeur environnementale" ainsi que la création d'une agence européenne de recherche et de certification.

 

L'élu socialiste propose également la mise en place d'un délégué interministériel. Il met surtout en cause le CETA (traité de libre-échange entre le Canada et L'union européenne, ndlr), qui ne répond pas suffisamment, selon lui, au besoin de protection du consommateur français qui pourrait être amené à consommer des produits canadiens ayant une "toxicité cinq fois supérieure à ce qu'on autorise dans notre pays" :


Je suis stupéfait qu'on imagine un CETA où la seule réponse de correction serait de dire 'on va marquer simplement que c'est canadien et il y aura toujours des publics assez bêtes et assez pauvres pour acheter ces produits'...Dominique Potier

Le "biocontrôle" en pleine croissance

Un peu plus tard dans la matinée, les députés ont auditionné Philippe Guéret, le président du groupe M2I, une entreprise spécialisée dans le biocontrôle.

L'industriel a pu évoquer la croissance rapide de ce secteur qui pèse "trois milliards d'euros au niveau mondial" alors qu'il y a "dix ans en arrière", le chiffre était "proche de zéro".

 

Vu par beaucoup comme une alternative crédible à l'utilisation massive des pesticides, le biocontrôle, dans lequel investissent beaucoup de PME, est encore mal structuré. Auditionnés le 16 novembre, les experts de l'ANSES avaient prôné un meilleur encadrement de ces entreprises, souvent en grande difficulté pour remplir leurs dossiers d'autorisation de mise sur le marché.

Les insecticides demeurent nécessaires

Le recours au biocontrôle n'est cependant pas une solution parfaite pour l'instant, comme l'a reconnu lui-même Philippe Guéret. Quand il s'agit de réduire les dégâts provoqués par des nuisibles, l'efficacité de ces produits est de "90%", ce qui est "toujours inférieur" aux produits conventionnels.

Ce chiffre est d'ailleurs plus bas encore lorsque la "pression des insectes" est "très forte" :

On ne pourra pas se passer aujourd'hui d'insecticides.Philippe Guéret

Le président du groupe M2I précise toutefois que "l'utilisation" conjointe du biocontrôle et des produits phytopharmaceutiques permettra de "réduire significativement" l'utilisation de ces derniers.

 

>> Retrouvez notre dossier spécial sur la mission parlementaire sur les phytopharmaceutiques