Zéro artificialisation nette : l'Assemblée examine un texte proposant une série d'adaptations

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Photo du chantier de l'EDF Lab, un centre de recherche d'Électricité de France en cours de construction en 2014 sur le plateau de Saclay, sur la commune de Palaiseau en France.L'artificialisation de ces terres agricoles historiques en Île-de-France soulèvent tensions et conflits d'usages. Crédits photo : Wikipédia / Lionel Allorge (licence Creative commons)
Photo du chantier de l'EDF Lab, un centre de recherche d'Électricité de France en 2014 lors de sa construction sur le plateau de Saclay, sur la commune de Palaiseau en France. L'artificialisation de ces terres agricoles historiques en Île-de-France soulève tensions et conflits d'usages. Crédits photo : Wikipédia / Lionel Allorge (licence Creative commons)
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 21 juin 2023 à 09:30, mis à jour le Lundi 6 novembre 2023 à 16:31

L'Assemblée nationale s'apprête à examiner une proposition de loi, venue du Sénat, contenant une série d'adaptations destinées à "faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette" des sols à l'horizon 2050. Le texte vise notamment à répondre aux inquiétudes et critiques formulées par les élus locaux. 

Quel équilibre le législateur doit-il trouver entre les engagements environnementaux internationaux de la France et le développement de ses territoires ? Comment continuer à construire et développer ces derniers en préservant le plus possible les terres agricoles, naturelles et forestières ? C'est sur ces questions sensibles que vont se pencher les députés, à partir de ce mercredi 21 juin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. 

Selon une étude de France Stratégie en 2019, 20 000 hectares de surfaces agricoles, naturelles et forestières sont artificialisées chaque année en France, soit l'équivalent de Paris intramuros. Toujours selon l'étude, sans mesure prise, c'est une superficie équivalente au Luxembourg qui pourrait être artificialisée d'ici à 2030. Or, la transformation des sols entraîne de nombreuses dégradations environnementales (érosion de la biodiversité, amplification des risques naturels comme les inondations, etc.) affectant la capacité de la France à s'adapter au changement climatique. Cette prise de conscience récente a nourri une réaction des pouvoirs publics pour préserver les sols sans empêcher le développement des territoires, via de nouveaux outils de politiques publiques.

Problème : certaines mesures suscitent inquiétudes et critiques, à l'image de l'objectif "zéro artificialisation nette" (ZAN) des sols, consacré par la loi Climat et résilience en 2021. Sa mise en œuvre est particulièrement décriée par les élus locaux qui évoquent notamment un "flou juridique". Résultat, après avoir mis en place une mission de contrôle l'année dernière, le Sénat a élaboré une proposition de loi qui a été adoptée au Palais du Luxembourg au mois de mars. C'est ce texte "visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de 'zéro artificialisation nette' au coeur des territoires" (disponible ici) qui est maintenant examiné à l'Assemblée. 

"Favoriser le dialogue territorial"

Selon l'exposé des motifs du texte initial, la proposition de loi tente de corriger les problèmes apparus lors des travaux de la mission de contrôle du Sénat, pointant notamment des "décrets d'application inadaptés, voire incohérents" ainsi que des "outils manquants" pour traduire les objectifs de la loi en actes.

Si l'exposé des motifs indique que la proposition de loi ne souhaite pas remettre en cause "les grands objectifs du ZAN (c'est-à-dire l'objectif de réduction de 50% de l'artificialisation en 2031 et l'atteinte de 'zéro artificialisation nette' en 2050)", elle propose plusieurs mesures à travers quatre chapitres pour faciliter sa mise en œuvre : "favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée" ; "accompagner les projets structurants de demain" ; "mieux prendre en compte les spécificités des territoires" ; et "prévoir les outils pour faciliter la transition vers le 'ZAN'."

Parmi les mesures-clefs du texte : un allongement des délais réglementaires pour mettre en conformité les documents d'urbanisme par rapport à l'objectif ZAN, l'exclusion des "projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique" des calculs de l'objectif ZAN, la création d'une "conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols", des calculs compensatoires en cas de conversion d'espaces artificialisés en espaces naturels, agricoles ou forestiers.

Un texte largement amendé en commission

Après un premier rapport d'information de la loi Climat et résilience au mois de janvier dernier, l'initiative législative sénatoriale offre aux groupes parlementaires une occasion inédite d'amender le dispositif ZAN, adopté il y a deux ans.

Les députés n'ont pas manqué l'occasion de réécrire, voire de supprimer plusieurs dispositions du texte. Les articles 2, 5, 6, 8, 9, 11 et 12 bis ont ainsi été supprimés lors de l'examen en commission. Plusieurs amendements de suppression desdits articles ont été soutenus par les groupes La France insoumise et Ecologiste, ainsi que par Renaissance et le gouvernement. 

D'autres dispositions ont également été réécrites dans le texte issu de la commission (disponible ici) : les députés, à l'initiative des élus insoumis, écologistes et Liot, ont par exemple adopté à l'article premier un calendrier plus resserré de transposition dans les documents d'urbanisme de l'objectif ZAN, de 42 mois initialement prévus à 36 mois, et une liste plus restreinte des projets d'aménagement pouvant échapper à la prise en compte de l'objectif ZAN, à l'initiative des députés Horizons.

Par ailleurs, à ce stade, le texte a été renommé : proposition de loi visant à "renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols".

Plusieurs lignes au sein du gouvernement

C'est donc un texte dégarni de plusieurs dispositions initiales qui est examiné à partir de ce mercredi en séance publique. Outre les traditionnelles lignes de clivage entre groupes parlementaires, des appréhensions différentes affleurent sur le sujet au sein du gouvernement. 

Les Echos relatent que le ministère de l’Économie pousse pour exclure de l'objectif ZAN les grands projets d'aménagement du territoire, tandis que le ministère de la Transition écologique pousse au contraire pour les y inclure. Vision minimaliste des conséquences des activités humaines sur son environnement d'un côté, vision maximaliste de l'autre : le débat se jouera en plusieurs étapes et sur plusieurs textes d'ici l'été : après la proposition de loi du Sénat, c'est sur le projet de loi "Industrie verte" que ce clivage devrait également apparaître.

forfait" réservé de 15.000 hectares par an car, sans cela, "c'est l'esprit même de la trajectoire de sobriété que nous finissons par menacer".

 

Zéro artificialisation nette ?

Intronisé par le plan Biodiversité en 2018, au coeur des débats de la Convention citoyenne pour le Climat en 2020, l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN) a été consacré par la loi Climat et résilience de 2021. Il vise à :

  • Réduire par deux le rythme d'artificialisation des sols d'ici à 2030 par rapport à 2011 ;
  • Atteindre le ZAN en 2050 ; à cette date théorique, toute artificialisation d'un sol en France serait compensé par la renaturation équivalente d'un autre.

Ces deux objectifs sont censés permettre de réduire l'emprise de l'homme sur son environnement et permettre, par une préservation accrue de la biodiversité, de réduire les impacts du changement et du réchauffement climatique sur le territoire français.