Une proposition du loi "visant à rétablir le vote par correspondance", présentée par le MoDem, mercredi 26 janvier, a été assez largement rejetée. Les députés ont invoqué un risque accru de fraudes au scrutin, un vote qui pourrait s'exercer sous influence, ou encore la perte de solennité du geste électoral.
L'auteur de la proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance, Jean-Noël Barrot (MoDem), l'avait initialement déposée le 2 juin 2020, juste après les élections municipales qui avaient vu le taux d'abstention exploser, dans un contexte sanitaire qui n'avait guère encouragé les citoyens à se déplacer.
Et pourtant, Jean-Noël Barrot l'a rappelé, le taux de participation avait, à la même période, augmenté lors de scrutins électifs en Allemagne et aux USA, où le vote par correspondance est installé depuis plusieurs années. Rappelons qu'en France, il a existé entre 1946 et 1975, année de son abrogation en raison de fraudes caractérisées. Aujourd'hui, il subsiste en tant qu'exception, pour les détenus et l’élection des députés des Français établis hors de France.
Au lendemain des dernières élections régionales et départementales, le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, avait lancé une mission d'information, menée par Stéphane Travert (La République en marche) et Xavier Breton (Les Républicains), afin de lutter contre la baisse de la participation des Français lors des élections. Parmi les 28 préconisations dévoilées en décembre dernier, figurait l'expérimentation du vote par correspondance et du vote par Internet "lors de prochaines élections locales ou de référendums d'initiative locale, dans les communes volontaires."
Jean-Noël Barrot a repris mot pour mot cette formulation, via un amendement à l’article 1er de sa proposition de loi, qui propose le recours à "une simple expérimentation du vote par correspondance postale lors des élections municipales de 2026 sur une base volontaire". Une manière, par cette notion d'expérimentation, d'anticiper les éventuelles réticences liées aux contraintes d’ordre logistique et opérationnel.
Ciblant les électeurs "les plus vulnérables", ainsi que les huit millions de citoyens qui n’habitent pas la circonscription dans laquelle ils sont inscrits, le rapporteur a insisté sur le fait que "rien n’obligerait les électeurs à y recourir".
Un argument qui n'a pas suffi à battre le scepticisme des députés, en particulier ceux de La République en marche, alors que le groupe LaREM et le groupe MoDem appartiennent tous les deux à la majorité présidentielle. Thomas Rudigoz (La République en marche), a évoqué le risque accru de "vote sous influence (...) familiale, clientéliste voire communautaire", idée reprise quelques minutes plus tard par Raphaël Schellenberger (Les Républicains).
Cet argument selon lequel l'acte de voter doit reposer sur le vote à l’urne et l’isoloir pour éviter tout vote sous influence, a été jugé "sérieux et légitime", par le rapporteur lui-même. Cependant, celui-ci y a répondu en arguant que "le vote par procuration heurte bien plus frontalement le caractère personnel et secret du vote".
Quant à l'inquiétude suscitée par le risque de fraude, Jean-Noël Barrot a tenu à rappeler qu'"à l’étranger aucune étude n’a démontré que cette technique de vote n’induirait davantage d’irrégularités". La députée socialiste Cécile Untermaier, dont le groupe s'est prononcé en faveur de la proposition de loi, a d'ailleurs considéré que "le traumatisme des fraudes au vote postal en 1975 [pesait] injustement lourd". Elle a cependant voulu souligner que pour lutter contre l'abstention, la nécessité de "simplifier l’inscription sur les listes électorales", constituait une mesure tout aussi importante que celle relative au vote par correspondance.
Erwan Balanant (MoDem) est également venu en renfort de son collègue. Se disant "profondément attaché à la liturgie électorale" constituée par des dimanches précis durant lesquels tous les Français sont invités à se rendre au bureau de vote, les rituels constitués par l'urne et l'isoloir, il a cependant enjoint les députés à "sortir de la nostalgie démocratique, d'un conservatisme qui n’aide pas à l’engagement de nos jeunes".
Ces arguments n'ayant pas convaincu une majorité de députés au sein de la commission des lois, les articles de la proposition de loi ont été rejetés. Le texte sera débattu dans l'Hémicycle, jeudi 3 février, lors de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe MoDem.