Dans la course aux voitures électriques, les constructeurs européens ont pris du retard face à la Chine qui, à coups de subventions, parvient à proposer des modèles moins chers. En réaction, la Commission européenne a annoncé que les importations de véhicules électriques chinois se verraient dorénavant imposer une surtaxe allant jusqu’à 36 %. Pékin menace de mesures de rétorsion. Faut-il les craindre ? Débat et analyse dans "Ici l'Europe", avec les eurodéputés Christophe Grudler (Renew) et Estelle Ceulemans (S&D).
L'Europe doit-elle avoir peur de la Chine, ou faut-il lui tenir tête ? La question, récurrente, s'est installée dans le débat à Bruxelles ces dernières semaines, suite à la décision de la Commission d'imposer une surtaxe aux véhicules électriques chinois à compter du 1er novembre. Cette mesure, prise à l'issue d'une enquête européenne ayant établi que l'industrie automobile chinoise bénéficie de subventions étatiques allant jusqu'à 21% des coûts de productions, divise cependant les 27.
"On doit arrêter d'être naïfs et l'on doit savoir se défendre" : pour Christophe Grudler, pas de doute, la décision de la Commission est justifiée. L'eurodéputé français du groupe Renew rappelle que "les voitures chinoises arrivent dans des conditions qui ne sont pas conformes au marché européen (...), les subventions d’état leur permettent de venir avec des prix artificiellement moins chers, donc on ne se bat pas à armes égales".
Même constat du côté de l'eurodéputée socialiste belge Estelle Ceulemans, qui reconnaît cependant des débats et des divergences dans son groupe ("Socialistes et Démocrates") sur cette question. Le chancelier social-démocrate allemand Olaf Scholz s'est ainsi opposé à ces taxes, sans succès. "On n’est pas face à des diverges d’opinion au niveau des groupes politiques mais au niveau géographique", décrypte Estelle Ceulemans. "Les Allemands exportent aujourd’hui pas mal de véhicules de luxe vers la Chine, et ont peur de mesures de rétorsion".
De fait, la Chine menace de répliquer. Face aux taxes européennes, Pékin a ainsi annoncé vouloir cibler les ventes de certains véhicules thermiques venus de l'Union, ainsi que des secteurs agricoles et alimentaires, dont les cognacs. Pas question de paniquer cependant, estime Christophe Grudler. "Quand on est dans un rapport de force c’est le plus faible qui perd", avertit-il. "Si on montre qu’il y a une vraie inquiétude en Europe, les Chinois vont continuer et en faire plus". Pour le député, spécialiste des questions d'Industrie, "L’UE est le 1er marché au monde. S’il y a des rétorsions sur le cognac il y aura d’autres sanctions, d’autres taxes qui seront prises sur d’autres domaines [par l'UE, NDLR], et à la fin du jeu [les Chinois] vont perdre". "Ce rapport de force, il faut le gagner", conclut-il.
Pour Estelle Ceulemans, cependant, "Il ne suffit pas de faire des guerres économiques, il faut surtout au niveau européen prendre notre destin en main et avoir un vrai plan d’autonomie stratégique et de réindustrialisation". La députée voit cependant une autre vertu à la taxation des véhicules chinois : "[elles] vont peut-être faire que les constructeurs chinois vont venir produire ici".