Avec une augmentation de 47% des violences physiques sur les onze premiers mois de 2021, le phénomène des atteintes aux élus s'est exacerbé dans le contexte de la crise sanitaire. Ce sont notamment plus de 540 députés sur 577 "qui ont subi des menaces, voire des outrages, ou des agressions" depuis novembre dernier, révèle Richard Ferrand à LCP dans l'émission spéciale "Violence contre les élus" diffusée jeudi 27 janvier à 20h30.
Selon les chiffres dévoilés par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, le 11 janvier dernier, plus de 300 plaintes pour "menace de mort" ont été déposées par des élus entre juillet 2021 et janvier 2022. Plus largement, toujours sur la base des dépôts de plaintes enregistrés, 1 186 élus ont été pris pour cible à différents degrés dans les onze premiers mois de 2021, dont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints.
Une ampleur du phénomène confirmée par le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand qui, au micro de Brigitte Boucher, dans l'émission spéciale diffusée ce 27 janvier sur LCP, indique qu'"à l'heure où nous parlons, ce sont plus de 540 députés (…) qui ont subi des menaces, voire des outrages, ou des agressions, et ce sont au total plus de 2000 actes d'intimidation, de pression ou de menace qui ont été recensés". Des atteintes qui concernent les députés de tous bords, majorité comme opposition. "On peut imaginer que d'ici la fin de la législature, tous les députés auront été d'une manière ou d'une autre agressés", indique ainsi Richard Ferrand.
Une violence politique qui n'est pas nouvelle, mais Richard Ferrand en constate des formes inédites, avec "des attaques qui visent physiquement les parlementaires, leurs familles, leurs domiciles (...) là il me semble que l'on a franchi un cran qui exprime une rage qui est nouvelle".
Le député Romain Grau (La République en marche), agressé devant sa permanence lors d'une manifestation contre le passe vaccinal le 22 janvier, revient longuement sur cet événement lors de l'émission : "Je n'ai pas eu face à moi des gens qui me disaient qu'il ne fallait pas voter le passe vaccinal", précise le député des Pyrénées-Orientales, "j'ai eu des gens qui n'articulaient aucune revendication en réalité, et qui étaient là pour vitupérer (...) C'est une foule barbare. Même pas haineuse. Barbare".
Des élus s'interrogent, par ailleurs, sur la responsabilité de certaines personnalités politiques dans l'exacerbation des tensions. "Je crois qu'il y a par moments, des expressions politiques qui viennent souffler sur le feu de cette braise là, qui viennent allumer le foyer", considère ainsi Lamia El Aaraje (Socialistes et apprentés). Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti dénonce quant à lui "des propos d'un certain nombre d'irresponsables politiques", faisant référence en particulier à Éric Zemmour. "Après les mots de haine, il y a les coups (...) quand on sème la violence, on la récolte", considère le ministre de la Justice.
Le ministre qui tient par ailleurs à souligner le volontarisme du gouvernement pour lutter contre le phénomène, même s'il concède que "naturellement, le travail n'est pas terminé". "Entre 2019 et 2020, les condamnations ont doublé, la réponse pénale est plus ferme. Ces affaires de menaces de violences donnent lieu à des taux de détention de l'ordre de 62%, une augmentation de 10 points. Et quand il s'agit des violences les plus graves, ce sont des taux d'incarcération de l'ordre de 80%". Une répression accrue dans l'esprit de la circulaire du ministère parue en septembre 2020, relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif. Éric Dupond-Moretti insiste sur la nature particulière de ces agressions, et indique notamment que "les réductions de peine ne seront pas accordées de la même manière selon que la victime est un élu ou pas".
De son côté, Richard Ferrand revient sur les mesures prises par l'Assemblée nationale. "J'ai souhaité qu'ici une fonctionnaire soit référente pour les députés, qu'elle puisse enregistrer l'ensemble de ces menaces et de ces plaintes (...) que systématiquement plainte soit déposée, et que l'Assemblée nationale, en tant qu'institution, soit aux côtés des parlementaires".
Il évoque également la mise en place d'une cellule commune avec le Sénat : "L'objet de ce groupe de travail, c'est que nous puissions mettre en commun les informations que nous avons, à la fois sur le nombre, le type d'agressions, mais aussi sur les suites judiciaires qui sont données, et que nous les mettions en commun avec le Sénat, les services de police et de gendarmerie, les services du ministère de la Justice".
Enfin, Richard Ferrand a souhaité que l'Assemblée nationale, en tant qu'institution, puisse se constituer partie civile quand un élu est agressé. "À l'heure où nous parlons il y a seulement un arrêt de la Cour de cassation qui a accepté que ce puisse être possible, mais c'est un cas d'espèce (...) La loi est muette sur le sujet, je souhaite que cela vienne dans le texte de la loi", explique-t-il au micro de LCP.
Le président de l'Assemblée nationale se veut cependant rassurant. "Aussi vrai que ces violences ont augmenté, en même temps la France n'est pas à feu et à sang", souligne-t-il. "C'est le fait de minorités brutales, sans doute un peu exaltées, qui veulent cibler personnellement, physiquement, celles et ceux qui les représentent".
Émission spéciale jeudi 27 janvier sur LCP
Sur le plateau de Myriam Encaoua, députés, ministres et experts, témoignent, débattent, s'interrogent et apportent leurs réponses dans une émission spéciale intitulée "La violence contre les élus". Au cours de l'émission, Brigitte Boucher interroge le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, ainsi que le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau. À partir de 20h30 (90 minutes)