À l'occasion d'une table ronde préparatoire à l’examen du projet de loi sur les négociations commerciales, organisée à l'Assemblée nationale, les représentants de la grande distribution ont opposé une fin de non-recevoir à l'intention du gouvernement de les autoriser à vendre des carburants à perte.
"Si on fait ça, on va augmenter le prix des pâtes", a répondu le président du groupement Les Mousquetaires, Thierry Cotillard, à une question sur l'intention des distributeurs de se saisir de la possibilité de vendre à perte des carburants à partir de décembre. "On n'a aucun intérêt à tuer le petit pompiste, qui évidemment, ne pourra pas le faire", a-t-il aussi fait valoir.
La première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé la semaine dernière que le gouvernement proposerait une loi permettant aux distributeurs de revendre le carburant à perte sur une période limitée de six mois. Une mesure mise à disposition des grandes enseignes pour faire baisser les prix, sans que l’État n'ait à recourir une nouvelle fois à une éventuelle remise sur le carburant financée par ses soins.
Mais la grande distribution ne l'entend pas de cette oreille. Interrogés par le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian (Renaissance), qui souhaitait une clarification de leur stratégie en amont de l'examen du futur projet de loi, les représentants de quatre enseignes (Carrefour, Leclerc, Système U, Les Mousquetaires), ont d'une seule voix repoussé "l'offre" de l'exécutif.
"Nous n'avons pas le droit de revendre à perte", a rappelé le directeur général de Carrefour, Alexandre Bompard, en référence à l'interdiction prévue par la loi du 2 juillet 1963, visant la revente d’un produit à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, et dont l'un des objectifs était de protéger petits fournisseurs et commerçants des effets d'une éventuelle concurrence déloyale.
En ce qui nous concerne nous, groupe Carrefour, nous ne vendrons pas à perte. Alexandre Bompard, directeur général de Carrefour
Et "il ne faut pas trop ouvrir cette boîte de Pandore", a-t-il poursuivi, apparentant l'idée à une hérésie commerciale, avant d'indiquer que son groupe ne s'en saisirait pas. "Nous continuerons à nous battre avec des opérations à prix coûtant", a-t-il affirmé, "mais notre modèle ne nous permet pas de revendre à perte".
De même, Philippe Michaud, co-président du groupe Leclerc, a déclaré : "Nos entreprises ne sont pas fabriquées pour faire de la vente à perte. Nous ne ferons pas de vente à perte sur le carburant". "Pour des raisons économiques il ne sera pas possible aux entreprises du groupe Système U de faire massivement des opérations de vente à perte sur le carburant", a enfin indiqué le président-directeur général de Système U, Dominique Schelcher.
"Cela va susciter quelques amendements, j'imagine", a conclu Guillaume Kasbarian suite à ces déclarations. Les députés devront-ils être plus incitatifs que la mesure telle que présentée par le gouvernement ? À défaut de vente à perte, iront-ils jusqu'à contraindre les distributeurs à mettre la main à la poche d'une autre façon ? Pour l'heure, les seules données véritablement connues du texte résident dans ses deux principaux axes et son calendrier. Un premier article devrait permettre d’avancer les dates des négociations entre les distributeurs et les 75 plus gros industriels, tandis qu'un deuxième article concernera le prix des carburants. Annoncé en Conseil des ministres le 27 septembre, Guillaume Kasbarian a indiqué que le projet de loi sera examiné en commission des affaires économiques le 3 octobre, puis dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 9 octobre.