Vaccins : le gouvernement accélère, les parlementaires constatent des lenteurs

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Vaccination d'une infirmière à Montauban, le 7 janvier 2021 (Hans Lucas via AFP)
par Jason Wiels, le Jeudi 7 janvier 2021 à 15:02, mis à jour le Vendredi 8 janvier 2021 à 18:27

Le Premier ministre a promis jeudi un million de personnes vaccinées à la fin janvier. Satisfaits de l'ouverture récente de la vaccination aux soignants, les parlementaires s'inquiètent cependant d'un calendrier qui traîne en longueur dans certains Ehpad.

Face aux lièvres allemands, espagnols ou anglais, la tortue française va-t-elle passer la vitesse supérieure dans sa campagne de vaccination ? C'est en tout cas l'objectif affiché jeudi soir par le Premier ministre, qui a en a fait "la priorité numéro un" du gouvernement et dit désormais viser "un million de personnes vaccinées fin janvier".

Un peu plus tôt dans la journée, alors que la France avait vacciné à date à peine 20.000 personnes (25.000 supplémentaires jeudi) – contre plus de 500.000 en Allemagne – les parlementaires de l'office des choix scientifiques et techniques (OPECST) se sont réunis pour faire le point sur la situation, au niveau national et dans leurs territoires.

Ces députés et sénateurs, spécialistes des questions scientifiques, ont rendu mi-décembre un rapport qui formule plusieurs recommandations, dont l'ouverture sans attendre de la vaccination à tous les soignants de plus de 50 ans. Une revendication entendue par le gouvernement le 4 janvier, alors que la première phase réservait initialement la vaccination aux résidents d'Ehpad, aux personnes en soins longue durée et aux soignants à risques.

Un retard à l'allumage

Les élus pointent cependant certains sujets qui auraient dû être mieux anticipés ou clarifiés il y a déjà plusieurs semaines. "L'identification des résidents en Ehpad volontaires pour se faire soigner aurait pu être faite dès le mois de décembre, mais lors de nos auditions on nous répondait qu'il fallait obtenir le consentement quand le vaccin serait disponible", illustre par exemple le député PS Gérard Leseul.

"Il faut désormais simplifier et structurer", appelle Sonia de la Prôvoté, sénatrice UC. L'élue normande s'agace des précautions maximales, pour ne pas dire maximalistes, prises sur le terrain pour laisser un délai de 5 jours de rétractation aux résidents d'Ehpad. "C'est une surinterprétation qui n'existe pas dans les textes ! Quand on vaccine contre la grippe, il n'y pas de délai de rétractation", explique cette médecin du travail de profession. Du point de vue juridique, le seul prérequis est que le patient (ou sa famille en cas de tutelle) ait reçu "une information claire, loyale et appropriée", comme le disait Olivier Véran lui-même le 17 décembre au Sénat.

Pas de doses avant le 30 janvier dans certains Ehpad

Si Sonia de la Prôvoté se dit plutôt satisfaite des retours des Ehpad et des hôpitaux du Calvados où elle est élue ("on dépasse les 60% de demandes de vaccination"), certains de ses collègues au sein de l'OPECST s'inquiètent de livraison de doses qui n'arriveront que la semaine prochaine, voire le "30 janvier dans certains établissements". "Ça, ce n'est pas possible", s'étrangle un élu. En comptant le délai du rappel, qui pourra avoir lieu désormais entre 3 et 6 semaines après la première injection, les résidents ne seraient alors pleinement protégés contre le coronavirus au mieux fin février, voire début mars.

Très critique sur la gestion des masques et les "pleins pouvoirs sanitaires" que s'octroie l'exécutif pendant la crise, Florence Lassarade (LR) regrette qu'il ne se soit "pas passé grand chose" pendant les vacances d'hiver. Elle refuse cependant de parler d'un naufrage de la campagne vaccinale contre la covid-19, dont le coup d'envoi officiel date de lundi, après les premières injections symboliques de fin décembre. "C'est bien la cible choisie, les personnes fragiles en Ehpad, qui a ralenti nos performances", reconnaît la sénatrice, qui rappelle qu'on ne vaccine pas un nonagénaire de la même façon qu'un jeune adulte. Selon elle, il faut désormais mettre les bouchées doubles :

Il faut se retrousser les manches et y aller ! Il faut vacciner les week-ends et ne pas dégoûter les gens d'agir. Florence Lassarade, sénatrice LR

Défaillances et lourdeurs administratives

Élue en Gironde, Florence Lassarade témoigne de nombreuses bonnes volontés parmi les maires et les médecins, prêts à installer des tentes ou des vaccinodromes et à tout faire pour accélérer le mouvement. Mais cette pédiatre à la retraite s'agace : "On leur répond : 'Allez-y ! Mais n'oubliez pas de demander avant l'avis du sous-directeur de l'ARS...' (Agence Régionale de Santé). L'élue plaide pour un allègement des contraintes : "Faisons simple et efficace !"

Au-delà de ces lourdeurs administratives, le cabinet du ministre de la Santé Olivier Véran a tenté de justifier cette semaine devant les parlementaires les pépins rencontrés par la mise en place de la chaîne logistique à la fin de l'année. Comme l'a révélé Médiapart, seuls 38 des 113 congélateurs répartis sur tout le territoire pour conserver le vaccin Pfizer-BioNTech étaient opérationnels fin décembre.

"On sent que le quartier général fait son maximum, mais ce sont les derniers maillons de la chaine où ça a pêché", détaille Jean-François Éliaou (LaREM). Conditionnées par valises de 5.000, les premières doses sont également arrivées de "manière indifférenciées dans chaque département", sans prendre en compte la population locale. "On nous a expliqué que c'était difficile d'affiner les livraisons au début...", explique le député de la majorité. Dernier élément avancé : les congés de fin d'année et la trêve des confiseurs n'ont pas aidé à ce que tout soit prêt en temps et en heure. "En même temps, on ne peut pas paniquer tout le temps les gens", tempère-t-il.

Toutefois, Jean-François Éliaou assure que "tous ceux qui sont éligibles et veulent être vaccinés le seront fin janvier". Lui-même, en tant que médecine hospitalier, s'est fait vacciné jeudi après-midi dans l'Hérault.

"Vive inquiétude" sur la mutation du virus

Dans cette course contre la montre, les parlementaires de l'OPEST essayent toutefois de rester unis, loin des querelles politiciennes. "On a envie que ça marche, espère de tout cœur Florence Lassarade. Il y a eu beaucoup d'hésitation car on est le pays du sang contaminé, mais demandez à une personne de plus de 75 ans qui a été privée de sa famille et de fêtes de fin d'année, vous verrez si elle ne veut pas se faire vacciner !", rappelle l'élue de droite. Le gouvernement a d'ailleurs avancé à la fin du mois de janvier la possibilité pour ces seniors de se faire vacciner.

Tous ont la peur d'une troisième vague bien présente à l'esprit, alimentée par la montée en puissance du variant du Covid-19, qui aurait contribué à la "montée en fusée" de l'épidémie au Royaume-Uni. Les élus ont notamment senti une "très vive inquiétude" de la part d'Alain Fischer, le monsieur vaccin du gouvernement, lors de son audition mardi à huis clos. "Le risque d'embolisation hospitalier est réel, car ce virus mutant est plus contagieux. Il toucherait donc davantage de monde, avec des arbitrages à faire car il y a aura des plus jeunes qui seront touchés, c'est mathématique. On ne peut pas prendre ce risque là, alerte Sonia de La Prôvoté. Il faut l'immunité collective, et le plus tôt possible."

Députés et sénateurs ont prévu d'auditionner rapidement Olivier Véran et mettront à jour leur rapport à l'issue de la première phase de vaccination, avant le printemps.