Jean-Noël Barrot (MoDem) et Stella Dupont (La République en marche), les auteurs du rapport, souhaitent notamment autoriser les demandeurs d'asile à percevoir une allocation de retour à l'emploi dans les conditions du droit commun.
Alors que la Commission européenne présente mercredi son "pacte pour la migration", les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Stella Dupont (La République en Marche) rendent publiques les conclusions de leur rapport d'information relatif à l'intégration professionnelle des demandeurs d'asile et des réfugiés.
Les deux élus de la majorité partent d'un constat : le nombre de demandes d'asile a fortement augmenté en France depuis 2015. A cette date, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait enregistré 80.075 demandes d'asile, contre 132.826 en 2019. 45.988 demandes d'asile ont été accordées en 2019, contre 19.450 en 2015.
En dépit de la mobilisation des services de l'Etat et d'un effort financier sans précédent, cette évolution a été difficilement accompagnée par les pouvoirs publics. Extrait du rapport
Seule la moitié des demandeurs d'asile est hébergée dans le dispositif national d'accueil et le délai moyen entre le dépôt d'une demande et la décision définitive est supérieur à 12 mois.
Aujourd'hui, l'accès au marché du travail et à la formation pour les demandeurs d'asile est jugé "restreint" et "peu incitatif" par les deux députés : l'accès à un emploi salarié est réservé aux demandeurs d'asile dont la demande n'a pas été instruite par l'OFPRA dans un délai de six mois après son introduction. Cet accès est surtout subordonné à la délivrance d'une autorisation administrative spécifique.
Un demandeur d'asile ne peut pas créer d'entreprise ou de micro-entreprise durant la phase d'instruction de son dossier. Extrait du rapport
Seulement, précisent les députés, en 2017, seules 997 autorisations de travail ont été accordées. Soit un ratio "nombre de demandes d'asile enregistrées/nombre d'autorisations de travail délivrées" inférieur à 1%.
Alors que "la dégradation de l'activité économique due au contexte sanitaire est susceptible de compromettre l'intégration professionnelle des populations étrangères", Jean-Noël Barrot et Stella Dupont livrent dans leur rapport des "propositions concrètes en faveur d'un accès effectif au travail et à la formation des demandeurs d'asile".
"Je pense que nous aurions tout à gagner à rendre possible leur travail", a précisé Stella Dupont en commission. "Mais cela ne veut pas dire que c'est 'tout est possible'", a assuré l'élue, rappelant qu'"à formation, expérience et profil comparable, bien entendu que les Français sont prioritaires sur l'emploi".
Les deux élus proposent de "densifier la formation linguistique" et de "renforcer la coopération entre les acteurs de l'intégration professionnelle". Ils veulent également "aménager les procédures d'autorisation de travail des demandeurs d'asile pour les rendre moins lourdes, plus ouvertes et plus claires".
Ainsi, Jean-Noël Barrot et Stella Dupont souhaitent réduire le délai d'instruction des demandes d'autorisation de travail, en le faisant passer de deux mois à "un mois, voire quinze jours".
"Deux mois c'est long, lorsqu'un employeur cherche quelqu'un", a commenté mercredi Stella Dupont, évoquant notamment le secteur agricole.
Le rapport évoque aussi la possibilité d'autoriser les demandeurs d'asile à percevoir une allocation de retour à l'emploi dans les conditions du droit commun. Il propose également de les autoriser à "cumuler partiellement l'allocation pour demandeur d'asile avec un revenu d'activité en s'inspirant des règles régissant le cumul d'activité partielle avec le RSA".
Stella Dupont va plus loin et propose d'autoriser l'accès au marché du travail de certains demandeurs d'asile dès l'introduction de leur demande, et non plus après six mois. Mercredi, Jean-Noël Barrot s'y est cependant opposé, craignant de faire "du droit d'asile une sorte d'antichambre de l'immigration économique", risquant in fine de "fragiliser" le droit d'asile.
Jean-Noël Barrot et Stella Dupont souhaitent par ailleurs inciter des employeurs publics à recruter des bénéficiaires d'une protection internationale.
Leur rapport plaide aussi pour une meilleure coopération entre Pôle emploi et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en instituant des "conseillers Pôle emploi réfugiés" sur le modèle des "conseillers Pôle emploi justice". Autre mesure : étendre les missions de l'OFII aux actions de repérage de candidats.
Les deux élus souhaitent également favoriser un accès anticipé de certains demandeurs d'asile aux formations linguistiques. "Nous considérons que certaines nationalités devraient pouvoir bénéficier de cours de français de manière anticipée", a expliqué Stella Dupont.
La députée LaREM estime, par exemple, que les demandeurs d'asile syriens ou soudanais, qui ont "neuf chances sur dix" de voir leur demande acceptée, doivent pouvoir commencer leur apprentissage sans avoir à attendre la reconnaissance de leur statut de réfugié.
Jean-Noël Barrot et Stella Dupont proposent enfin de dissiper le "brouillard statistique" en publiant annuellement des informations relatives au nombre et aux caractéristiques des demandes d'autorisation de travail présentées par les demandeurs d'asile.