Alors que l'abstention a atteint un niveau particulièrement élevé chez les jeunes lors des dernières élections locales et territoriales, l'Assemblée nationale publie un rapport "sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la citoyenneté". Les députés proposent notamment la création d'une "semaine de la citoyenneté" à chaque niveaux du collège, ainsi que le renforcement des cours d'éducation civique.
Alors que l'abstention a atteint un niveau record de 87% chez les jeunes (de 18 à 24 ans) lors de élections régionales et départementales de juin 2021, les députés souhaitent renforcer les politiques publiques en faveur de la citoyenneté. En décembre, l'Assemblée nationale a adopté un rapport d’information consacré aux "ressorts de l’abstention" et aux "mesures permettant de renforcer la participation électorale". Et mardi 8 mars, la mission d’évaluation "sur les politiques publiques en faveur de la citoyenneté" pilotée par Marianne Dubois (LR) et David Corceiro (MoDem) a présenté son rapport qui formule 14 propositions visant à encourager les jeunes, qui s’éloignent de la politique traditionnelle, à se rendre aux urnes.
L'abstention n’est pas forcément synonyme de désengagement. Mais elle est le symptôme d'une insatisfaction vis-à-vis de l’offre politique et d'une incompréhension, voir d'un mécontentement, à l'égard du système du fonctionnement des institutions, alors que la jeunesse se montre pourtant très concernée par les enjeux sociaux, les inégalités ou encore l’écologie. Un intérêt qui se manifeste, par exemple, à travers un engagement associatif en hausse, passant de 16 % chez les moins de 35 ans en 2010 à 22 % en 2019.
l’école doit rester le socle de la formation des plus jeunes à la citoyenneté
Malgré un nombre important de programmes visant à encourager la citoyenneté, la plupart manquent d’efficacité. L’enseignement moral et civique (EMC) "apparaît trop théorique, explique David Corceiro, il a encore peu de poids dans l’enseignement, il est donc perçu tant par les enseignants que par les élèves comme marginal". En outre les députés dénoncent un taux horaire trop faible et des évaluations insuffisantes voire inexistantes, faisant de l’EMC "une variable d’ajustement".
Le rapport préconise donc de renforcer l’apprentissage de la citoyenneté dès le collège en augmentant substantiellement le volume horaire annuel de l’EMC, tant au collège qu’au lycée, ainsi qu'en l’instaurant une évaluation obligatoire distincte de celle d'Histoire-géographie.
L’objectif est également de rendre ces cours moins théoriques, "l’appétit presque insatiable des jeunes pour le débat doit être utilisé pour les conduire à adhérer à la démocratie et à ses institutions" indique Marianne Dubois. Cette refonte de l’apprentissage des sciences civiques serait l'occasion de faire participer des élus à l’enseignement moral et civique au sein des établissements scolaires.
Mais c'est aussi sur le volet de la formation des enseignants que les élus se sont attardés. Ils recommandent d’instaurer une épreuve d’admission sur la connaissance de la laïcité et des valeurs de la République au concours de recrutement des professeurs certifiés. "Tous doivent maîtriser les arguments qui leur permettront de ne pas esquiver le débat", souligne la députée du Loiret.
Autre proposition innovante des députés, qui s'ajoute au Service National Universel (SNU) : la mise en place, à chaque niveau du collège, d’une semaine de la citoyenneté. "Organisée chaque année autour de différents modules, entre la sixième et la troisième, cette semaine permettrait aux collégiens d’être sensibilisés aux valeurs de la République
et à la citoyenneté, aux questions de défense et de sécurité, aux thématiques
mémorielles et culturelles, aux droits et devoirs des citoyens, à la promotion de
l’engagement, à la résilience ainsi qu’aux valeurs de l’Union européenne", détaille le rapport.?
Les députés souhaitent également mettre l’accent sur la nécessité d’un volet plus "pratique", allié à la théorie. Ils proposent donc d'élargir et de faciliter les possibilités de stage de troisième aux domaines relevant de l’engagement citoyen (pompiers, police, associations etc.), ainsi que renforcer la composante civique des programmes d’insertion professionnelle, du service civique, de la garantie jeune et du contrat d’engagement jeune.
Enfin, les députés souhaitent faciliter et encourager les possibilités d’engagement chez les jeunes par la centralisation des offres et des demandes d’engagement sur un portail commun. Ils préconisent aussi de permettre davantage d’aménagements d’horaires pour les apprentis engagés dans la société civile et de favoriser les engagements associatifs des candidats sur Parcours Sup.
En conclusion le président du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), François Cornut-Gentille (LR), a pointé la responsabilité des acteurs du débat public face à la désaffection des jeunes, mais aussi d'une large partie de la population : "Je pense que si le débat national est intéressant, les jeunes s’engageront. Il faut se demander pourquoi le débat national n’arrive pas à produire des contenus qui intéressent les citoyens."