Les députés ont adopté en première lecture, dans la nuit de lundi à mardi, la proposition de loi La République en Marche créant "des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine" de prison. Le traçage électronique, après avoir été supprimé en commission, a finalement été réintégré au texte lors du débat dans l'hémicycle.
Un avertissement. Dès l'ouverture de la séance, la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (LaREM), cite les mots de Jean-François Ricard, le procureur de la République antiterroriste : "Nous avons plus qu'une inquiétude, une vraie peur, s'agissant des dizaines de personnes qui vont sortir de prison, qui sont très dangereuses, et dont les convictions sont absolues."
150 détenus condamnés pour faits de terrorisme doivent sortir de prison entre 2020 et 2022. Condamnés avant 2016, ces femmes et ces hommes, se sont souvent rendus coupables de délits terroristes, comme celui d'avoir voulu se rendre en Syrie, plongée en plein chaos et contrôlée pour partie par l'organisation terroriste Daech.
L'objectif principal de la proposition de loi est de répondre à un trou dans la raquette judiciaire, ouvert en 2016 par la majorité socialiste, avec l'adoption d'un amendement du député Les Républicains Éric Ciotti, défendu par le ministre de la Justice de l'époque, Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement avait supprimé les crédits automatiques de réduction de peines des personnes condamnées pour terrorisme, sans anticiper qu'avec une telle disposition les détenus en fin de peine ne seraient soumis à aucun dispositif de surveillance au long cours, ils feront alors "des sorties sèches".
"Certaines [personnes] sont encore très dangereuses. Or nous n'avons pas tous les outils nécessaires pour assurer leur suivi. Ceci n'est pas un risque théorique", Yaël Braun-Pivet rapporteure de la proposition de loi.
Le texte du groupe LaREM prévoit des "mesures de sûreté" applicables au moment de la sortie dès détenus. Sur réquisitions du procureur de la République, le juge d'application des peines pourra imposer pendant un an, renouvelable chaque année jusqu'à 5 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes terroristes, différentes obligations comme celle de pointer au commissariat de police ou à la gendarmerie jusqu'à trois fois par semaine.
Pomme de discorde entre les députés : la possibilité d'un traçage des détenus sortis de prison par un bracelet électronique. Une mesure supprimée en commission, à l'initiative d'amendements de la gauche et du groupe Écologie Démocratie Solidarité, alors soutenus par Yaël Braun-Pivet.
Dans l'hémicycle les députés sont revenus sur ce vote avec un amendement de la rapporteure, Yaël Braun-Pivet, visant à rétablir la possibilité du bracelet électronique. En contrepartie, et si les détenus acceptent le port du bracelet, l'obligation de pointage au commissariat ou à la gendarmerie sera réduite à une fois par semaine maximum, au lieu de trois fois sans traçage électronique. Une volonté d'équilibre qui n'a pas convaincu la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
"Le bracelet en lui-même ne constitue pas une garantie supplémentaire. J'ai des doutes sur cette mesure-là... J'invite l'Assemblée à la prudence sur ce dossier", Nicole Belloubet, Garde des Sceaux et ministre de la Justice.
Une position du gouvernement qui a suscité les critiques de la droite. Pour le député Les Républicains Eric Ciotti, ce dispositif est "un élément essentiel, majeur, de protection". "Si un seul Français devait être sauvé par le bracelet électronique, pour moi cela me suffit !", a lancé le député "UDI et Indépendants" Meyer Habib.
Même au sein du groupe La République en Marche la position de Nicole Belloubet n'a pas convaincu. Le bracelet électronique, "c'est incontournable", a affirmé l'ancien patron du Raid et député LaREM Jean-Michel Fauvergue.
Le député du groupe "Agir ensemble" Dimitri Houbron a, quant à lui, regretté que le port du bracelet électronique se fasse en échange d'une diminution du nombre de pointage des anciens détenus, estimant qu'il aurait fallu revenir à la version initiale du texte qui prévoyait le bracelet électronique et un pointage trois fois par semaine.
Par la voix de l'ancienne juge d'instruction Laurence Vichnievsky, le groupe MoDem a désapprouvé la mise en place de ce dispositif en commission. "Il faut qu'on ait aussi cette chose-là dans la tête, on ne peut pas mettre une peine au-delà d'une peine", a rappelé dans l'hémicycle la députée Élodie Jacquier-Laforge pas convaincue par l'argumentaire de La République en Marche.
A gauche, La France insoumise et le groupe communiste ont exprimé leur opposition au texte. Ugo Bernalicis (LFI) n'a ainsi eu de cesse de rappeler que l'objectif est la prévention de la récidive, ce à quoi ne répondraient pas, selon lui, les "mesures de sûreté".
Après des débats âpres, les amendements identiques présentés sur ce sujet ont été adoptés sous les applaudissements des députés La République en Marche.
Les députés de la majorité ont, par ailleurs, adopté deux amendements identiques des groupes "Les Républicains" et "Socialistes et apparentés". Les détenus condamnés pour terrorisme seront obligatoirement et de manière systématique soumis à un suivi socio-judiciaire. Ne pas en bénéficier serait l'exception, le tribunal d'application des peines devrait en effet "spécialement motiver" sa décision de ne pas imposer ce suivi.
La proposition de loi a été largement adoptée par l'Assemblée nationale, avec le soutien des députés de droite. Ces derniers jours, la présidente de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet, s'est montrée confiante quant à la possibilité d'un accord avec le Sénat, alors que son homologue du Palais du Luxembourg, Philippe Bas, a déposé un texte proche de celui qui a été voté à l'Assemblée.