Taxer les superprofits, une idée qui fait son chemin à l'Assemblée

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Des pompes à essence
Des pompes à essence (PxHere)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 9 septembre 2022 à 16:30, mis à jour le Vendredi 9 septembre 2022 à 16:45

Une mission flash sur la taxation des superprofits va mener ses travaux à compter de cette semaine, et jusqu'à la fin octobre. Mis en place par la commission des Finances, cet organe doit se pencher sur trois secteurs : l'énergie, le carburant et le fret maritime, tous susceptibles d'avoir engrangé de substantiels bénéfices durant la crise.

Déjà mise sur la table cet été, l'idée de taxer les superprofits fait son retour à la rentrée. Annoncée en août par le président LFI de la commission des Finances, Éric Coquerel, une mission flash sur la taxation des superprofits va débuter ses travaux la semaine prochaine, sous la houlette de Manuel Bompard (LFI) et David Amiel (Renaissance), nommés co-rapporteurs.

"L'objectif de cette instance est de faire la lumière sur la nature de ces superprofits, de les caractériser", explique Manuel Bompard. Les travaux de la mission, qui porteront sur les trois secteurs clés que sont l'énergie, le carburant et le transport maritime, doivent durer jusqu'à la fin du mois d'octobre. Plusieurs auditions sont déjà fixées ou sont en passe de l'être ; notamment celle de Patrick Pouyanné, PDG du groupe TotalEnergies, ou de représentants de l'armateur CMA-CGM, d'Engie ou de Shell, ainsi que celles de syndicats ou d'organisations patronales.

Plusieurs grandes entreprises ont réalisé des bénéfices colossaux au cours des derniers mois, portés par une conjoncture favorable. Vendredi dernier, CMA-CGM a ainsi annoncé avoir dégagé un bénéfice net de 7,6 milliards de dollars au deuxième trimestre, plus de deux fois plus que l'an dernier. Le bénéfice net de TotalEnergies a lui aussi été plus que doublé sur un an, porté par les conséquences de la guerre en Ukraine et de l'envolée des prix de l'énergie, et s’établit à 5,7 milliards de dollars. Celui de Shell a été multiplié par cinq, et atteint 18 milliards de dollars sur la même période.

Des débouchés législatifs ?

Au-delà du simple constat, le but de la mission flash est de tirer des conséquences sur le plan législatif. "Cela pourra aussi bien prendre la forme d'amendements dans le cadre du vote du budget que d'un texte dédié. On envisage toutes les possibilités", précise Manuel Bompard.

En parallèle, une pétition a d'ailleurs été lancée par les Insoumis, afin d'inciter le gouvernement à mettre en place une taxe sur les superprofits. Ce vendredi, elle avait recueilli plus de 110 000 signataires. L'idée étant de faire pression sur l'exécutif en "mobilisant l'opinion publique sur le sujet", explique le député des Bouches-du-Rhône. Selon lui, cette mesure est largement populaire, dans un contexte de forte inflation qui prend à la gorge de nombreux ménages français.

La majorité divisée

La question de taxer les superprofits infuse y compris au sein du camp d'Emmanuel Macron, ses élus étant toutefois plus partagés que ceux de la Nupes. Déjà, en août, lors de la discussion sur le pouvoir d'achat, un amendement signé par douze élus Renaissance avait été déposé en même temps que ceux du Rassemblement national et de l'alliance de la gauche. Stella Dupont (Renaissance) l'avait finalement retiré. In fine, grâce à un accord passé avec les élus Les Républicains, les députés avaient privilégié une remise prolongée sur le prix à la pompe, le groupe TotalEnergies s'étant engagé en parallèle à une ristourne dans les stations de son réseau.

Cette valse-hésitation s'est également jouée au plus haut sommet de l’État. Fin août, Élisabeth Borne indiquait ne pas être complètement fermée à la taxation des superprofits, au cas où les grandes entreprises refuseraient de jouer le jeu. Un scénario vite écarté par le locataire de Bercy, Bruno Le Maire indiquant ne "pas savoir ce qu'est un superprofit" lors des universités d'été du Medef.

Le contexte international s'est toutefois fait pressant, alors que plusieurs États européens - dont l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Espagne - ont décidé de mettre en place une telle mesure. Le 5 septembre, Emmanuel Macron et son homologue allemand, Olaf Scholz, se sont accordés sur l'idée d'une contribution qui serait demandée à l'échelle européenne aux énergéticiens dont les coûts de production sont bien inférieurs aux prix du marché. "Cette solution est excellente", a réagi a posteriori Bruno Le Maire. Quoi qu'il en soit, un tel accord mettra du temps à se dessiner.

Et n'éteindra pas le débat, sans "tabou", sur une taxation en France des superprofits, a jugé la présidente de Renaissance lors des journées parlementaires du groupe. "A-t-on envie de taxer les entreprises? Non. Mais est-ce qu'elles doivent davantage contribuer en termes de redistribution, lorsqu'elles ont réalisé des profits exceptionnels? La réponse est oui", a déclaré Aurore Bergé depuis Louan-Villegruis-Fontaine (Seine-et-Marne), pour qui une telle taxation représente une "arme de dissuasion massive". L'élue espère ainsi que d'eux-mêmes, les grands groupes redistribueront les bénéfices vers les salariés, via des augmentations de salaires, d'intéressement dans ces entreprises ou des baisses de prix.

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Dans la foulée de la mission flash, les députés de la commission des Finances aborderont un autre sujet, via une mission d'information de 6 mois : celui de la fiscalité des entreprises. "Il n'est pas normal que les PME paient presque 25 % d'impôts en France alors que les 300 plus grosses entreprises paient 17 % et que des entreprises du CAC40 comme Total ne paient pas d'impôts", a ainsi estimé fin juillet le président de la commission, Éric Coquerel (LFI), interrogé par France Info.