La proposition de loi de loi "visant à l'instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise", présentée jeudi 6 mai par la députée Mathilde Panot (La France insoumise), n'a pas été adoptée par l'Assemblée nationale. Ce texte, qui avait pour objectif de taxer 50% du "surplus" de bénéfices réalisés pendant la crise par certaines entreprises, a été jugé "inconséquent" par la majorité.
L'Assemblée nationale a repoussé jeudi 6 mai au soir la proposition de loi "visant à l'instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise". Ce texte, défendu par la députée Mathilde Panot, était présenté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise. Mais les députés ont adopté un amendement, déposé par La République en marche, ayant pour objet la suppression de l'article unique de la proposition de loi : un vote qui a entraîné le rejet du texte.
La proposition de loi de Mathilde Panot avait pour but, a-t-elle argumenté, de "rétablir un peu de justice sociale et fiscale" : elle visait à taxer la moitié du "surplus de bénéfices réels réalisés pendant la crise" sanitaire par certaines grandes entreprises, comme Sanofi, Google ou encore Amazon.
Cette taxe aurait été calculée en prenant en compte la différence entre le résultat net réalisé lors "du premier exercice clos à compter du 30 juin 2020" et celui réalisé à la même période en 2019. Elle n'aurait touché que les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros.
La proposition de loi a également été défendue par Ugo Bernalicis (LFI), Elsa Faucillon (GDR) ou encore Jean-Louis Bricout (Socialistes). Ce dernier a néanmoins émis une nuance : "Je ne suis pas un adepte de la formule 'salauds de riches'."
Pour justifier son dispositif, Mathilde Panot a fait le bilan des dégâts économiques et sociaux de la crise sanitaire : "10 millions de pauvres, 300.000 personnes à la rue, des étudiants affamés, des femmes précaires seules avec enfants, 7 millions de personnes privées d'emplois." Avant d'établir ce parallèle : "Pendant ce temps, les riches se portent à merveille, Françoise Bettencourt +21 milliards d'euros en 2020, Patrick Drahi +7 milliards, François Pinault +15 milliards et Bernard Arnault +62 milliards d'euros."
La taxe sur les "profiteurs de crise" avait déjà été rejetée une première fois en commission des finances, le 14 avril dernier. Le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (La République en marche) avait notamment fustigé "la violence du propos" de Mathilde Panot et "l'indécence de la formulation" de son texte. La députée La France insoumise lui a répondu jeudi, en ironisant : "Toutes mes excuses à Sanofi, multinationale pharmaceutique française qui a perçu plus d'un milliard d'euros de CICE ces dix dernières années (...) n'a pas trouvé de vaccin mais a vu son bénéfice exploser de 340% pendant la pandémie."
Mathilde Panot a également profité de son intervention à la tribune de l'Assemblée nationale pour attaquer la majorité : "En Macronie, le riche est une espèce protégée, a-t-elle déclaré. Le riche est le seul type de biodiversité que vous préservez coûte que coûte." L'élue a également accusé les députés de La République en marche de "collaborer avec l'ennemi, celui qui détourne les moyens nécessaires à la guerre contre le virus".
La proposition de loi n'a pas du tout convaincu la majorité : Alexandre Holroyd (La République en marche) a dénoncé la "légèreté" et l'"inconséquence" d'un texte dépourvu d'étude d'impact. Le député LaREM a aussi défendu le gouvernement et la majorité, rappelant les aides votées pour venir en aide aux entreprises et aux personnes mises en difficulté par la crise.
Le député LaREM a par ailleurs pointé les coquilles présentes dans le texte, notamment sur le chiffre d'affaires au-dessus duquel la taxe s'appliquerait. Des incohérences également soulignées par Mohamed Laqhila (MoDem) et Pierre-Yves Bournazel (Agir ensemble).
L'extrême droite a son bouc émissaire, l'étranger, et la France insoumise a le sien, le chef d'entreprise. Mohamed Laqhila
Le gouvernement s'est lui aussi opposé au texte : "On ne relance pas l'économie en surtaxant les entreprises qui parviennent en pleine crise économique à maintenir une activité rentable et par conséquent des emplois", a affirmé Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques. "Le président de la République a été très clair : il n'y aura pas de hausses d'impôts tant qu'il sera en exercice, bien au contraire", a-t-il ajouté. Le secrétaire d'Etat a néanmoins appelé les députés à travailler, avec le gouvernement, "à une plus grande équité dans les règles de la fiscalité internationale".