La commission des affaires sociales a rejeté, ce mercredi 29 janvier, la proposition de loi visant à "suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs criminels ou délinquants", portée par Fabien Di Filippo (Droite républicaine). Le texte est à l'ordre du jour de la "niche parlementaire" du groupe présidé par Laurent Wauquiez, qui aura lieu jeudi prochain.
La Droite républicaine veut "encourager les parents à agir en amont". Ce mercredi 29 janvier, le groupe présidé par Laurent Wauquiez a présenté devant la commission des affaires sociales la proposition de loi visant à "suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs criminels ou délinquants".
Le texte, déposé par Fabien Di Filippo (DR), avait pour but, selon son auteur, de "réaffirmer la responsabilité éducative des parents" en imposant une "sanction financière immédiatement perceptible dans le foyer". En commission, ce texte n'a pas convaincu une majorité de députés, puisque des amendements de suppression de l'article unique ont été votés.
Rejetée ce mercredi, la proposition de loi devrait de nouveau être débattue, cette fois dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, jeudi 6 février, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire du groupe Droite républicaine. Mais le texte, placé en sixième position de cette "niche", pourrait ne pas être étudié, faute de temps, puisque les députés de droite n'auront que de 9h à minuit pour défendre leurs propositions, comme le prévoit le règlement du Palais-Bourbon.
"On ne peut plus fermer les yeux sur la délinquance des mineurs", a argumenté en commission Fabien Di Filippo, indiquant que "les mineurs représentent environ 18% des mises en cause dans les infractions pénales, un chiffre en augmentation constante". Pour le député Droite républicaine, "le cadre parental est le premier rempart contre la marginalisation des jeunes et leur dérive".
La Droite républicaine ne cédera jamais rien aux tenants de la générosité sans limites. Fabien Di Filippo
Le groupe présidé par Laurent Wauquiez propose donc, avec ce texte, la suspension "de plein droit" par le préfet de département du versement des allocations familiales et des majorations dont elles peuvent faire l’objet dès lors qu'un mineur est condamné "à une peine ou à une mesure éducative". La suspension se ferait "à hauteur de la part que représente le mineur condamné dans le calcul de leur montant".
Le dispositif imaginé par Fabien Di Filippo prévoit une durée de suspension graduelle, en fonction de "la gravité de l'infraction commise". La suspension serait ainsi de un mois en cas de condamnation pour une contravention de première classe et pourrait aller jusqu'à cinq ans en cas de condamnation pour un crime. "Il s'agit pour nous d'encourager les parents à agir en amont avant la mise en place d'une spirale délinquante", a justifié le député de Moselle.
La décision de suspension pourrait faire l'objet d'une annulation par le juge administratif si l'un des parents prouve "pas des éléments circonstanciés", qu'il "a mis en œuvre toutes les actions nécessaires pour prévenir la commission d’une infraction par le mineur". Il peut s'agir d'un "suivi régulier de sa scolarité" ou encore de "la notification aux autorités compétentes des comportements préoccupants ou des situations à risques qu’il a pu observer".
Fabien Di Filippo a, par ailleurs, rappelé qu'il existe déjà dans le code pénal un article prohibant "le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation". Mais "dans les faits, cet article est très peu appliqué", a-t-il souligné.
Lors des débats, les députés du Rassemblement national a ironisé sur le dépôt de cette proposition de loi rédigée en "des termes quasi identiques" à celle qu'ils avaient eux-mêmes défendu en octobre 2023. A l'époque, le groupe Les Républicains (l'ancien nom de la Droite républicaine, ndlr.) avait soutenu le dispositif, qui avait toutefois été rejeté en séance publique. "Je me souviens que le groupe LR avait déserté les bancs de l'hémicycle permettant ainsi à la macronie et à l'extrême gauche réunis de faire adopter des amendements de suppression, c'est bien dommage", a déploré Bryan Masson (RN).
Et le député des Alpes-Maritimes d'estimer que ses collègues DR ont fait un "excès de zèle" en introduisant des sanctions pour les contraventions de classes 1 à 5 : "Priver d'allocations familiales ne serait-ce que pour un, deux ou trois mois les parents d'un ado qui aurait mal garé son scooter (...) me paraît un peu excessif".
La similitude entre les textes du Rassemblement national et de la Droite républicaine a aussi été relevée par Jean Terlier (Ensemble pour la République), affirmant que son groupe formulait "naturellement les mêmes réserves de forme que celles évoquées par le groupe Renaissance" en 2023. En plus de mettre en cause son efficacité réelle, Jean Terlier a considéré que le dispositif était "inconstitutionnel" au regard du "principe de responsabilité personnelle en matière répressive".
"La loi dite Ciotti de 2010 avait introduit un mécanisme de suspension comparable, afin de lutter contre l'absentéisme scolaire et il a été abrogé en 2013 faute de résultats probants" a, en outre, rappelé le député du Tarn.
"Votre mesure ne ferait qu'aggraver la fragilité des familles avec des effets en spirale désastreux", a ajouté Pouria Amirshahi (Ecologiste et Social), tandis que Marie Mesmeur (La France insoumise) a dénoncé "l'obsession punitive" et la "vieille rengaine" de la droite, "qu'elle recycle de l'extrême droite". La députée d'Ille-et-Vilaine affirmant que "la société française n'a jamais été aussi peu exposée à la délinquance juvénile" : "En 2023, 121.000 mineurs ont été mis en cause contre près de 200.000 au début des années 2000."
En un article, vous réalisez l'exploit de contrevenir aux principes de la République. Marie Mesmeur
Le texte a, en revanche, reçu le soutien de Philippe Vigier (Les Démocrates), ainsi que celui de Hanane Mansouri (Union des droites pour la République), cette dernière jugeant "évident que les parents des assassins d'Elias ne doivent plus jouir de la générosité nationale". Ce qui n'a donc pas empêché l'adoption des amendements de suppression de l'article unique du texte qui avaient été présentés par les groupes LFI et PS.