Surpopulation et conditions de détention : Dominique Simonnot alerte à nouveau sur la situation des prisons

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Prison Gradignan
par Juliette Lacroix, le Mercredi 26 octobre 2022 à 17:30, mis à jour le Jeudi 8 décembre 2022 à 19:19

Auditionnée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, a fait part aux députés de la situation toujours en tension des établissements pénitentiaires entre surpopulation et manque de moyens. 

Souvent évoquée pour parler de ses défaillances, la politique carcérale est le sujet de nombreuses crispations, à l’image de la polémique “Koh Lantess” à la prison de Fresnes en juillet dernier. Mercredi 26 octobre, l'audition de Dominique Simonnot par les députés de la commission des lois a été, une nouvelle fois, l'occasion d'évoquer la situation de surpopulation carcérale, qui ne tend pas vraiment à s'améliorer, ainsi que la dégradation des conditions de détention des personnes incarcérées. 

Une surpopulation carcérale toujours présente

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a d’emblée évoqué, par l’intermédiaire de témoignages édifiants, les conditions de détention de certains détenus. “À la prison de Toulouse, un des détenus a attrapé la leptospirose, c'est-à-dire la maladie de l’urine de rat, parce qu’étant indigent, il a ramassé dans la cour des mégots pour fumer”. Le manque de matériel et l’insalubrité contribuent également à la dégradation des conditions de détention : “Ce sont des endroits terrifiants”, alerte-t-elle à propos des maisons d'arrêt. “Les détenus chauffent leur café ou ce qu’ils ont à cuire sur ce qu’on appelle des ‘chauffettes’”, un système artisanal de quatre boîtes de conserves remplies d'huile sur lesquelles chauffe une casserole. “Il y a une odeur d’huile brûlée qui vous prend à la gorge, mais surtout, on se dit que ça va prendre feu !”. 

La surpopulation carcérale, mal chronique des prisons françaises, participe largement de ces mauvaises conditions de détention. Avec 118% de densité carcérale selon la dernière commission d'enquête parlementaire, les détenus peinent à participer à des activités ou à consulter un professionnel de santé. “On a un abcès dentaire, on se le perse soi-même parce qu’il n’y a pas d’escorte pour vous accompagner chez le dentiste”, témoigne Dominique Simonnot qui prône activement la régulation carcérale. “Ça ne peut pas durer comme ça, de quelque bord politique que l’on soit. (...) Les détenus qui entrent, ils en sortiront. Alors faisons en sorte qu’ils en sortent le meilleur possible. C’est un calcul rien qu’économique”, estime-t-elle, rappelant au passage que le coût moyen d'une journée de détention est de 110 euros par personne incarcérée. 

Rétention des étrangers : l'impasse

Dominique Simonnot est également revenue sur la question de la rétention des personnes en situation irrégulière. La Contrôleure générale explique que certains étrangers passent de centre de rétention, en prison, en centre de rétention, etc... Un système que les surveillants appellent “les portes tournantes”. “Cela est parfaitement assumé par le gouvernement, il ne tient pas à ce que ces gens sortent”.

“Malgré les efforts du gouvernement, qui multiplie les négociations au niveau diplomatique, un nombre infime d’étrangers repart (...) les pays d’accueil ne sont pas dingues. Pourquoi prendraient-ils ces gens ?”, reconnaît-elle. Face à ce phénomène onéreux et sans véritable résultat, Dominique Simonnot remet en cause l'intérêt de la rétention des étrangers en situation irrégulière. 

Retour de la polémique "Koh Lantess" 

Lors des questions des députés, une passe d’arme a eu lieu entre la députée Edwige Diaz (Rassemblement national) et le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance). Revenant sur la polémique autour de la prison de Fresnes, la députée a affirmé que “l’image que les prisons françaises renvoient est une insulte aux victimes et à leurs familles” citant tour à tour “le karting, la piscine, la préparation d’un album de rap, comme si on était à la Star Academy”.

“Vous n’êtes pas venue à la prison de Fresnes, car vous ne voulez pas voir la réalité carcérale, ce que sont les conditions d’encellulement qui ne répondent pas à ce qu’on peut attendre de la dignité humaine” a vivement réagi le président de la commission, reprochant à Edwige Diaz de ne pas avoir contesté, la veille, devant le garde des Sceaux “toute une série de choses que vous avez déclaré ici”

Enfin, Dominique Simonnot est revenue sur les 15 000 nouvelles places de prison promises par Emmanuel Macron en 2017, s’étonnant de la difficulté de leur mise en place. 7000 seront livrées d’ici la fin du quinquennat a affirmé Sacha Houlié, admettant une “difficulté” concernant les 8000 restantes, notamment du fait “du refus des élus locaux” d'agrandir ou de contruire de nouvelles places de prisons.