La proposition de loi visant à "protéger le groupe EDF d'un démembrement", présentée dans la cadre de la journée d'intiative parlementaire des députés communistes, a été votée en deuxième lecture par les groupes d'opposition contre l'avis du gouvernement. Le texte prévoit notamment le rétablissement des tarifs réglementés de l'électricité pour les PME de moins de 250 salariés et les communes de moins de 50.000 habitants.
L'avenir du groupe Électricité de France (EDF) continue d'être au coeur des travaux de l'Assemblée nationale. Après avoir été votée en première lecture lors de la journée d'initiative parlementaire des députés socialistes en février dernier, la proposition de loi visant à "protéger le groupe d'un démembrement" éventuel a été adoptée en deuxième lecture, jeudi 4 mai, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Gauche démocrate et républicaine", au sein duquel siègent les députés communistes.
L'avenir d'EDF, en difficulté financière et stratégique, est au coeur des préoccupations des acteurs publics : alors que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la souveraineté énergétique française a récemment présenté son rapport, le gouvernement a vu son choix de reprendre le contrôle de 100% du capital d'EDF validé mardi par le tribunal administratif de Paris.
Par 127 voix pour et 89 contre, les députés des groupes d'opposition (Nupes, RN, LR, Liot) ont adopté un texte largement remanié par rapport à sa version initiale : celle-ci prévoyait notamment la "nationalisation du groupe EDF", une mesure supprimée lors de son examen en première lecture par le Sénat et qui n'a pas été rétablie au Palais-Bourbon en deuxième lecture. Conformément au vote du Sénat, les députés ont conservé l'idée de fixer dans la loi le fait qu'EDF est une société anonyme "d'intérêt national."
Corapporteur de la proposition de loi avec le député socialiste Philippe Brun, le député communiste Sébastien Jumel a défendu une proposition de loi "pragmatique, efficace, concrète", permettant de "[remettre] EDF sous le giron public définitivement" et de renforcer les mesures à destination des artisans, boulangers, TPE et PME, afin de les protéger contre la hausse des prix de l'énergie.
Face aux craintes réitérées par plusieurs groupes d'opposition (de la Nupes au Rassemblement national en passant par Les Républicains) de voir le gouvernement relancer le "projet Hercule" - un projet de réorganisation stratégique et capitalistique d'EDF -, Roland Lescure a réaffirmé durant les débats que le "projet Hercule est bel et bien enterré". Le ministre délégué chargé de l'Industrie a également défendu la stratégie du gouvernement, qui permet de "renforcer les moyens d'EDF."
Alors que les débats en première lecture, houleux, avaient mené à un départ de l'hémicycle des députés de la majorité, les débats ont à nouveau été tendus, mais sans incident majeur. Les députés Renaissance Jean-René Cazeneuve et Mathieu Lefèvre, déjà en pointe lors de la première lecture, ont dénoncé l'incohérence d'un texte ayant beaucoup évolué depuis sa présentation. "Nous le disons depuis le début : cette loi ne sert à rien", a notamment déclaré le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve.
Espérant parvenir à un texte commun avec le Sénat, les corapporteurs de la proposition de loi ont donc abandonné l'idée de renationaliser le groupe EDF et les débats se sont concentrés sur l'article 3 bis, proposant une extension du bouclier tarifaire à destination des boulangers, artisans, TPE et PME, qui font face à une hausse importante des coûts de l'énergie depuis le début de l'année 2022.
Jugé suffisant et efficace tel que prévu aujourd'hui par le gouvernement, le bouclier tarifaire a été vivement critiqué par Fabien Roussel. Au nom du groupe "Gauche démocrate républicaine", le député communiste a critiqué un "bouclier tarifaire en carton", qui ne répond pas aux besoins tout en produisant un "millefeuille bureaucratique."
Première ou deuxième lecture, les députés Renaissance se sont opposés à l'élargissement des mesures d'aides ciblées et ont défendu, sans succès, des amendements de suppression de l'article 3 bis.
Tandis que Sébastien Jumel a défendu des mesures permettant d'aider des "boulangers dans le pétrin" en leur permettant d'accéder aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe), le député Renaissance Mathieu Lefèvre a critiqué un "article hypocrite", rejoint par le ministre de l'Industrie qui a insisté sur le coût du dispositif et la bureaucratie qu'il impliquerait.
Comme en première lecture, les députés ont étendu le bouclier tarifaire aux PME, alors que le Sénat l'avait restreint aux TPE, visant notamment les artisans-boulangers. Roland Lescure s'est élevé contre le coût de la mesure, chiffrée à 11 milliards d'euros, soulignant les aides déjà en place. Les députés ont de surcroît ajouté parmi les bénéficiaires tes tarifs réglementés les collectivités de moins de 50.000 habitants, sur proposition des Républicains.
En dépit de l'avis défavorable du gouvernement et des voix de la majorité, l'article 3 bis a été adopté par les députés. Le scrutin public du vote de l'article 3 bis est le miroir du vote global du texte : les groupes d'opposition ont tous voté pour, tandis que les groupes de la majorité ont voté contre.
Examinée à partir de 15h, la proposition de loi a été votée à la reprise des travaux à 21h30, la présidente de séance, Elodie Jacquier-Laforge, ayant pris acte peu après 20h qu'il n'y avait pas de "consensus" pour poursuivre au-delà de la pause réglementaire prévue à cette heure-là.
Cette décision a suscité des protestations sur les bancs de la Nupes, faisant écho à un rappel au règlement du député communiste et président du groupe GDR André Chassaigne en fin d'après-midi, accusant le gouvernement de faire de l'obstruction et de dévoiler son "vrai visage" - une accusation rejetée par le ministre délégué de l'Industrie Roland Lescure ainsi que par les députés de la majorité.
L'adoption du texte en deuxième lecture par l'Assemblée nationale ne signifie cependant pas la fin de son parcours législatif. La version votée jeudi par les députés étant différente de celle votée par les sénateurs, la proposition de loi va devoir être examinée en deuxième lecture par le Sénat pour avoir une chance d'aboutir.