A la veille de l'examen des crédits des missions "immigration" (mardi) et "santé" (jeudi) du projet de loi de Finances pour 2020, les députés de La République en Marche partent divisés sur une éventuelle réforme des dispositifs d'accès aux soins dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière et les demandeurs d'asile. Quand certains veulent durcir les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat et à la protection universelle maladie, d'autres plaident pour un meilleur accompagnement dès l'arrivée sur le territoire.
Un mois après le débat sur la politique migratoire au Parlement, le gouvernement devrait dévoiler ses intentions cette semaine. Ce lundi soir, à Matignon, le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, vont présenter aux élus de la majorité les mesures pour mieux encadrer l'accès aux deux dispositifs dédiés aux soins des étrangers.
Il s'agit de l'aide médicale d'État (AME), dont bénéficient sous condition de ressources environ 318 000 personnes en situation irrégulière (934 millions d'euros en 2019, crédits reconduits en 2020), et de la protection universelle maladie (PUMA), qui offre aux demandeurs d'asile et aux réfugiés un panier de soins plus complet, mais dont le nombre de bénéficiaires exact est mal documenté.
Parmi les 304 députés La République en marche, si personne ne conteste la volonté de lutter contre d'éventuels abus, certains aimeraient savoir quelle est la réalité du phénomène : "Je suis très macroniste sur la méthode, alors de combien de fraudes parle-t-on exactement ?", interroge Albane Gaillot. La députée, en charge des questions de santé et d'immigration en binôme avec Dominique Da Silva, déplore de ne pas avoir entre les mains le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales censé faire la lumière sur ce point, alors que ses conclusions circulent dans les ministères.
Un rapport qui peinerait à démontrer "l’existence de 'filières' venues des pays de l’Est alimentant le 'tourisme médical', dénoncé en haut lieu depuis plusieurs semaines", écrit dimanche Libération.
Parmi les pistes gouvernementales éventées dans la presse figurent l'instauration d'un délai de carence de trois mois pour les demandeurs d'asile avant de bénéficier de la PUMA - aujourd'hui automatique pour ceux qui cherchent la protection de la France - et l'instauration d'un accord préalable de l'Assurance-maladie sur certains soins via l'AME (prothèses, opération de la cataracte).
Des mesures dont le chiffrage se fait attendre, car les demandeurs d'asile pourraient toujours bénéficier des "soins urgents" garantis par l'AME. "En fait, on se dirige avant tout vers des mesures d'affichage plutôt que de véritables économies", décrypte une élue macroniste, qui siège aux affaires sociales.
De fait, les crédits alloués à l'AME sont pérennisés dans la mission santé et les crédits sur l'immigration sont même en hausse de 162 millions d'euros (+9 ,8% sur un an) pour faire face à l'afflux de demandeurs d'asile (124 000 demandes en 2018).
Des crédits qui seront débattus mardi soir et jeudi matin en séance à l'Assemblée nationale. Comme sur la loi Collomb en 2018, la majorité pourrait laisser éclater de vraies divergences d'appréciation... Dominique Da Silva aimerait par exemple aller plus loin que le gouvernement, en excluant la période passée sur le territoire avec un visa du délai de trois mois requis pour bénéficier de l'AME. "C'est trop facile de venir avec un visa touristique et de demander ensuite l'AME à son expiration", estime-t-il.
Face aux défenseurs du statu quo, qui soulignent que l'AME ne représente qu'à peine 0,5% des dépenses de santé de 2018 (200 milliards d'euros au total), le député fait un autre calcul : "Il faut ramener cela à la réalité d'autres enveloppes qu'on n'arrive pas à réunir, comme les 750 millions d'euros en trois ans pour les urgences. La moyenne de l'AME, c'est quand même 3.000 euros par étranger."
A contrario, Albane Gaillot préférerait mettre l'accent sur l'accueil des migrants, demandeurs d'asile ou non, en leur proposant "un rendez-vous santé" dès l'arrivée sur le sol français. "Il suffit d'aller voir les camps de migrants pour constater que ce sont des gens qui n'ont rien, ça me glace de penser qu'on puisse tous les voir comme des fraudeurs", insiste-t-elle.
Lors des discussions interne du groupe LaREM, jeudi 31 octobre, l'idée de soustraire certaines maladies chroniques du panier de soins de l'AME a aussi été évoquée. À contre-courant d'Agnès Buzyn, qui s'est déjà prononcée contre toute réduction de l'offre de soins aux étrangers.