Les députés ont poursuivi, jeudi en séance publique, l'examen de la proposition de loi "relative à la sécurité globale". Ils ont adopté plusieurs articles afin d'encadrer la sous-traitance dans le secteur de la sécurité privée et de limiter l'accès à la profession d'agent de sécurité.
L'Assemblée nationale ont continué, jeudi, l'examen de la proposition de loi "relative à la sécurité globale". Après les dispositions relatives aux polices municipales, les députés s'attaquent aux mesures liées au secteur de la sécurité privée.
Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, le secteur "en pleine croissance" est "un maillon essentiel du continuum de sécurité". Avec, en ligne de mire, la "préparation de grands événements comme la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques de 2024".
Le but du texte est de "mieux encadrer le secteur économique de la sécurité privée, de mieux contrôler, mieux protéger les agents qui travaillent pour ce secteur", a précisé la rapporteure, Alice Thourot (La République en Marche).
Le texte proposé envisage des mesures propres à structurer le secteur et développer les conditions d’une relation de confiance, en partenariat avec les forces régaliennes. Exposé des motifs du texte
"Ce texte va chercher dans la sécurité privée des supplétifs aux forces de l'ordre publiques", a regretté le socialiste Hervé Saulignac, qui voit dans ce texte une forme "d'affaiblissement de l'Etat".
L'article 7 du texte a pour objectif de limiter la "sous-traitance en cascade" dans la sécurité privée, une caractéristique souvent pointée du doigt par les observateurs comme par les acteurs du secteur. Cette évolution n'a pas convaincu les députés socialistes, communistes et de La France Insoumise, qui demandent son interdiction pure et simple.
Cette sous-traitance est "parfois une façon de dédouaner le donneur d'ordres", a déploré Eric Coquerel (La France Insoumise). "[Dans ce secteur], ce n'est motivé que par du dumping social", a quant à lui regretté le communiste Stéphane Peu.
Plus on va dans la sous-traitance, plus il y a de possibilités de failles et de questions de responsabilité qui se posent. Eric Diard
"Nous partageons évidemment cette lutte contre l'ubérisation (...) qui précarise les agents et gangrène ce secteur", a répondu la rapporteure Alice Thourot. Les députés ont adopté plusieurs amendements visant à mieux encadrer la sous-traitance.
Ainsi, l'entrepreneur principal ne pourra pas sous-traiter plus de 50% de son contrat. A partir de 2022, ce contrat ne pourra être sous-traité que deux fois : "L’exécution de ces prestations ne peut être confiée qu’à des sous-traitants de premier et deuxième rang", précise un amendement de la rapporteure Alice Thourot.
Autre disposition : les donneurs d'ordre pourront être sanctionnés par une amende pouvant aller jusqu'à 45.000 euros s'ils ne remplissent pas leur "devoir de surveillance". "L'objectif est de responsabiliser toutes les entreprises qui participent", a expliqué Alice Thourot.
Ces dispositions ne concerneront que les secteurs de la surveillance humaine et du gardiennage.
Les articles 8 et 9 du texte renforcent les compétences du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) en permettant à ses agents assermentés de constater des infractions. Cet établissement public est chargé de la délivrance des titres dans le secteur de la sécurité privée, et du contrôle des acteurs. Un amendement de la rapporteure, Alice Thourot, précise qu'il devra automatiquement publier sur son site les décisions dans lesquelles il prononce une interdiction temporaire d'exercer.
Les députés ont, par ailleurs, adopté des amendements des Républicains créant un "observatoire de la sécurité privée" et augmentant la durée maximale d'interdiction d'exercer une activité privée de sécurité de cinq à sept ans.
Autres dispositions de la proposition de loi : le renforcement des exigences en matière de délivrance des cartes professionnelles pour les agents, mais aussi pour l'agrément des dirigeants d'entreprises du secteur.
Les députés ont réécrit l'article 10, en adoptant un amendement de Laurence Vichnievsky (MoDem) qui interdit l'exercice d'une activité d'agent de sécurité privée à toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation au bulletin n°2 de son casier judiciaire (B2).
Un agent de sécurité devra également "justifier d'une connaissance de la langue française suffisante". Par amendement du groupe MoDem, les députés ont en outre précisé que les agents devront justifier d'une connaissance des "valeurs de la République". Ces dernières seront définies par décret. Les étrangers non citoyens de l'Union européenne devront pour leur part être titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour.
Par ailleurs, les ressortissants étrangers devront justifier de leur niveau de français pour être autorisés à accéder à une formation, comme le prévoit l'article 17. Les députés ont aussi introduit une nouvelle obligation concernant la formation initiale des agents cynophiles, afin qu'elle intègre un module bien-être animal, sur proposition de Loïc Dombreval (La République en Marche). L’article 16 concerne également la formation ; il interdit d’exercer une activité de formateur en cas de retrait de la carte professionnelle ou de prononcé d’une interdiction temporaire d’exercice.
Concernant les dirigeants de sociétés, ceux-ci ne peuvent "avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire". La même obligation s'applique pour les dirigeants d'établissements secondaires ainsi que ceux des services internes de sécurité.
La proposition de loi durcit par ailleurs, par son article 12, les peines à l'encontre des personnes coupables d'atteintes à l'endroit des agents privés de sécurité, les alignant sur celles réservées aux personnes qui ont menacé de commettre un crime ou un délit contre des magistrats, des gendarmes, ou des policiers. "Nous avons imposé de nouvelles contraintes à la profession ; c'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il faut les protéger", a précisé Alice Thourot. Les agents, s'ils commettent des infractions, seront également plus durement sanctionnés.
L'article 13 du texte prévoit qu'un agent de sécurité privée devra porter une tenue reconnaissable, distincte de celles des forces de l'ordre. Il prévoit également l’apposition d’éléments d’identification communs sur les tenues des agents. Les députés ont adopté un amendement du groupe LR, qui vise à inscrire sur leur tenue le numéro de leur carte professionnelle, afin de mieux les identifier. Les agents chargés de protection des personnes seront dispensés de cette obligation.
L’article 14 permet au préfet d’autoriser les agents de surveillance humaine, à titre exceptionnel, à exercer sur la voie publique des missions, même itinérantes, de surveillance contre les "actes de terrorisme" visant les biens dont ils ont la garde. Ceux-ci sont déjà autorisés à le faire en matière de surveillance contre les vols, dégradations et effractions.
Cette disposition a fait l'objet de nombreux débats dans l'hémicycle, des députés s'étonnant que l'on confie à des agents privés des compétences qu'ils jugent régaliennes. Brigitte Kuster (Les Républicains) a notamment fait part de ses craintes quant à une "privatisation de la lutte contre le terrorisme", tout comme Stéphane Peu (Parti communiste français), qui a témoigné son "inquiétude" de voir des "opérations très coûteuses en hommes progressivement confiées à des sociétés privées", ce qui constituerait des "dérives".
Il n'appartient pas aux sociétés de sécurité privée de mener ces actions qui relèvent exclusivement de l'Etat, de ses services de renseignement, de la police et de la gendarmerie nationales. Brigitte Kuster
"Il s'agit de permettre, dans des moments précis, d'avoir des personnes qui contribuent à la surveillance et qui sont aguerries" a rassuré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Il a rappelé qu'à l'heure actuelle, les agents de sécurité privée ne sont pas autorisés à exercer sur la voie publique.
Le texte permet, par ailleurs, de manière dérogatoire, de cumuler une retraite de policier national avec des revenus tirés d’une activité de sécurité privée. Il s'agit de recruter massivement du personnel qualifié, notamment dans l'encadrement intermédiaire, en vue des événements sportifs accueillis par la France, a précisé Jean-Michel Fauvergue. "Il va nous falloir entre 24000 et 25000 agents de sécurité privée pour les Jeux olympiques de 2024 ; nous sommes loin du compte." Il s'agit également de rétablir une "injustice", a-t-il ajouté, rappelant que les gendarmes, du fait de leur statut militaire, bénéficient déjà de cette disposition.
Les députés continuent vendredi matin l'examen du texte sur ce sujet de la sécurité privée.