Sanctions à l'Assemblée nationale : "respecter les règles, c'est respecter les Français", déclare Yaël Braun-Pivet

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Yaël Braun-Pivet au perchoir de l'Assemblée en février 2023
Yaël Braun-Pivet au perchoir de l'Assemblée en février 2023 (Ludovic MARIN / AFP)
par Ludovic FAU, le Samedi 1 juin 2024 à 14:50, mis à jour le Samedi 1 juin 2024 à 15:47

Quatre jours après l'exclusion temporaire de Sébastien Delogu (LFI), qui a brandi un drapeau palestinien dans l'hémicycle, provoquant l'interruption de la séance de Questions au gouvernement, Yaël Braun-Pivet a publié une vidéo dans laquelle elle revient sur les raisons de cette sanction et rappelle les règles en vigueur à l'Assemblée nationale.  

Une semaine de débats intenses, mais sans incident, sur le projet de loi relatif à la fin de vie et... une séance de Questions au gouvernement perturbée par un drapeau brandi dans l'hémicycle. Alors que l'examen du texte qui vise à instaurer une "aide à mourir" donne l'image d'une Assemblée nationale qui travaille sur un sujet difficile dans une ambiance calme et constructive, le geste et l'exclusion de Sébastien Delogu (La France insoumise)mardi après-midi a suscité des éclats de voix au Palais-Bourbon et de nombreuses réactions, avec des avis très différents, dans l'espace public et sur les réseaux sociaux. 

C'est ce qui a amené Yaël Braun-Pivet à revenir sur le sujet dans une vidéo publiée, ce samedi 1er juin, sur X (ex-Twitter). "Vous êtes nombreux à m'interpeller sur la sanction décidée par l'Assemblée nationale à l'encontre du député Sébastien Delogu, qui a brandi un drapeau palestinien à l'occasion de la séance des Questions au gouvernement" dit-elle, ajoutant voir passer "beaucoup de réactions", mais aussi "beaucoup de fake news". 

Les drapeaux à l'Assemblée nationale

Concernant les drapeaux dans l'hémicycle, la présidente de l'Assemblée rappelle que seuls deux drapeaux autorisés sont installés derrière elle, de façon permanente, le drapeau français depuis 2007, auquel s'est ajouté le drapeau européen en 2008. De façon exceptionnelle, "lorsque l'Assemblée accueille un dirigeant étranger, il est d'usage d'y adjoindre le drapeau de cet Etat. Ça s'appelle le pavoisement, nous le faisons pour des raisons protocolaires", précise Yaël Braun-Pivet, prenant comme exemple la visite de son homologue ukrainien, invité à s'exprimer dans l'hémicycle en mars 2022. 

"Il est aussi admis que des députés portent un pin's à l'occasion d'une telle réception ou à l'occasion d'une autre occasion, type commémoration, circonstances exceptionnelles. Le règlement de l'Assemblée nationale ne l'interdit absolument pas", explique la présidente de l'institution. Et de poursuivre : "Ce que par contre le règlement interdit, c'est l'utilisation, notamment pendant les Questions au gouvernement, à l'appui d'un propos, de graphiques, de pancartes, d'objets ou d'instruments divers. On ne peut donc pas brandir un drapeau, sortir un paquet de pâtes de son sac, ou encore un gilet jaune, comme on a pu le voir par le passé. Parce qu'ils sont interdits par notre règlement, ces faits -là sont sanctionnés.

Ces interdictions sont formulées dans l'article 9 de l'Instruction générale du Bureau de l'Assemblée nationale, annexée au règlement du Palais-Bourbon, que LCP citait dans son article consacré à l'incident de mardi.

Règles et choix en matière de sanctions

Concernant les peines disciplinaires prévues par le règlement de l'Assemblée nationale (notre article à ce sujet à lire ici), Yaël Braun-Pivet explique que les sanctions "les plus graves (...) nécessitent la convocation du Bureau de l'Assemblée, dans lequel tous les groupes sont représentés, et qui propose la sanction à l'ensemble des députés qui, par un vote dans l'hémicycle, est libre d'accepter la sanction ou de la refuser". 

Quant à la sanction à prononcer, ou à proposer au vote, selon sa gravité, "il appartient au président de séance ou au Bureau de prendre en compte, comme un magistrat le ferait, au-delà du geste ou comportement interdit, plusieurs éléments de contexte" indique-t-elle, ajoutant que "dans ce cas précis, nous étions dans l'impossibilité absolue de reprendre nos travaux du fait du tumulte qui perdurait dans l'hémicycle" et que "le député avait déjà été sanctionné à trois reprises". 

Ce qui a donc valu à Sébastien Delogu d'écoper de la sanction la plus sévère, après qu'elle a été proposée par le Bureau et votée par l'Assemblée nationale : la "censure avec exclusion temporaire", qui prévoit notamment "l'interdiction de prendre part au travaux de l'Assemblée et de reparaître dans le Palais de l'Assemblée jusqu'à l'expiration du quinzième jour de séance qui suit celui où la peine a été prononcée" (article 73 du règlement). "Une fois le député exclu, l'Assemblée a pu reprendre la séance des Questions au gouvernement normalement", note la présidente de l'institution. 

Ce n'est pas la couleur du drapeau qui détermine le niveau de sanction, mais c'est la gravité du trouble que cela provoque et le nombre de sanctions déjà prononcées contre le même député. Yaël Braun-Pivet

Alors que des députés, surtout à gauche, ont jugé la sanction "disproportionnée", notamment au regard d'autres incidents pour lesquels des sanctions ont été décidées par le passé, Yaël Braun-Pivet souligne que "la même sanction peut être prononcée pour des actes différents, alors que des faits similaires peuvent faire l'objet d'une sanction différente". "Ce n'est pas la couleur du drapeau qui détermine le niveau le sanction, mais c'est la gravité du trouble que cela provoque et le nombre de sanctions déjà prononcées contre le même député", précise-t-elle. 

Sous la législature précédente, alors que l'Assemblée était présidée par Richard Ferrand, deux députés avaient par exemple été sanctionnés d'un "rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal". François Ruffin (LFI), en 2017,  pour avoir porté en séance le maillot d'un petit club de football en soutien à une proposition de loi pour taxer les gros transferts. Et Sébastien Nadot (ex-LREM), en 2019, pour avoir brandi lors des Questions au gouvernement une banderole sur laquelle était écrit "La France tue au Yémen". 

Depuis 2022, alors que la composition de l'Assemblée nationale - sans majorité absolue et avec des oppositions très diversement et très fortement représentées - rend l'hémicycle plus électrique que sous d'autres législatures, un nombre record de sanctions a déjà été prononcé, dont trois exclusions temporaires. Outre Sébastien Delogu (LFI)Grégoire de Fournas (RN) et Thomas Portes (LFI) ont, eux aussi, été ainsi sanctionnés. 

Parfois critiquée pour le nombre et la nature des peines disciplinaires prononcées sous sa présidence, Yaël Braun-Pivet répond en concluant : "L'Assemblée nationale a des règles et des procédures démocratiques. Respecter les Français et le mandat qu'ils nous ont confié, c'est respecter ces règles"