Salaires : la proposition de loi du Rassemblement national recalée par l'Assemblée

Actualité
par Maxence Kagni, le Jeudi 12 janvier 2023 à 11:29, mis à jour le Vendredi 13 janvier 2023 à 22:20

L'Assemblée nationale a rejeté, jeudi 12 jenvier, la proposition de loi du Rassemblement national "visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 %". Marine Le Pen et les députés RN dénoncent la "mauvaise foi" de leurs collègues.

C'est un échec sur lequel le Rassemblement national s'est appuyé pour dénoncer ce qu'il estime être de la "mauvaise foi" de la part des autres groupes - majorité et oppositions - de l'Assemblée nationale. Les députés ont rejeté, jeudi matin, la proposition de loi "visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 %". Il s'agit du premier des sept textes qui doivent être défendus par le groupe présidé par Marine Le Pen à l'occasion de sa journée d'initiative parlementaire.

La proposition de loi prévoyait de permettre aux entreprises volontaires d'augmenter l'ensemble de leurs salaires de 10% en exonérant ces hausses "de l'essentiel des charges afin d'en limiter [le] coût pour les entreprises". Une manière de "contrecarrer l'appauvrissement des Français", a expliqué le rapporteur RN du texte, Christophe Bentz.

Le dispositif, qui aurait été ouvert jusqu'au 31 décembre 2027, aurait concerné "tous les salaires jusqu'à trois fois le Smic", c'est-à-dire "90% des salariés". Marine Le Pen a vanté le dispositif, affirmant que celui-ci "ne coûte rien au budget" de l'Etat. 

"Bien au-delà" des classes moyennes

La proposition de loi du Rassemblement national n'a été soutenue ni par le gouvernement, ni par les autres groupes politiques du Palais-Bourbon. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a critiqué un texte qui "ne s'adresse pas véritablement aux classes moyennes mais va bien au-delà" puisque 3 Smic équivalent à "un peu plus de 4000 euros nets" par mois.

Selon le ministre, le dispositif "tape à côté de sa cible" car son architecture aurait eu pour conséquence de "s'adresser finalement aux employés les plus rémunérés dans les entreprises qui gagnent le plus d'argent".

Les autres groupes unanimes contre le texte du RN...

Sur la même ligne que le gouvernement, les groupes de la majorité se sont logiquement prononcés contre le texte. Selon Philippe Vigier (MoDem), la proposition du Rassemblement national, en prévoyant d'augmenter tous les salariés d'une même entreprise, aurait eu pour conséquence de "pénaliser" le mérite. Marc Ferracci (Renaissance) a critiqué un dispositif qui risque de créer un "effet d'aubaine [pour] les entreprises qui ont déjà prévu d'augmenter les salaires".

A droite, Josiane Corneloup (Les Républicains) a, elle aussi, mis en cause une proposition qui "engendrerait un coût considérable tant pour les finances publiques que pour les entreprises". 

La mesure serait à la fois budgétairement coûteuse, économiquement inefficace, moralement inéquitable et en pratique inapplicable. Marc Ferracci

A gauche, Marie-Charlotte Garin (Ecologiste) a dénoncé un texte qui "fait porter une partie des hausses de salaires non pas sur les entreprises, mais sur l'Etat". Selon Jérôme Guedj (Socialistes), les exonérations prévues, qui auraient constitué un manque à gagner pour le "système de Sécurité sociale et de protection sociale", s'apparentent à une "bête, méchante et brutale mesure de la droite libérale".

"Les macronistes ne font que ça, alléger les charges ! Fillon, Balladur, Juppé, tous n'ont fait que ça depuis 40 ans !", a déclaré François Ruffin (La France insoumise). L'élu de la Somme a directement interpellé Marine Le Pen : "Avec vous, comme avec [Emmanuel Macron], les gros en haut peuvent se gaver pendant que les petits en bas sont rationnés !"

... Qui dénonce la "mauvaise foi" du reste de l'hémicycle

"C'est comme à l'école des fans, a peu près tout le monde a gagné au concours de mauvaise foi ce matin" a fustigé, entre ironie colère, Marine Le Pen. La présidente du groupe Rassemblement national a estimé que la proposition de loi aurait pu être votée par la droite, puisqu'"à la différence de l'augmentation du Smic qui peut mettre en difficulté quelques entreprises (...) là c'est sur la base du volontariat". Et selon la députée du Pas-de-Calais, la gauche aurait, elle aussi, pu soutenir un texte qui "augmente les salaires de 90% des Français dont beaucoup ne s'en sortent pas".

Jean-Philippe Tanguy (RN) a également dénoncé la "mauvaise foi" et "les postures politiques" des autres groupes de l'Assemblée nationale. Le député de la Somme a directement mis en cause les socialistes et les écologistes qui ont, sous le mandat de François Hollande, "mis en place le CICE, c'est-à-dire entre 30 et 40 milliards d'exonérations de charges qui n'ont donné lieu à aucune contreparties, ni en investissements, ni en emplois, ni en salaires".

L'article premier et l'article deux du texte ont successivement été supprimés (124 voix pour la suppression contre 85 et 126 voix contre 86), entraînant le rejet de la proposition de loi. "Une fois de plus, le système s'est allié contre le pouvoir d'achat", a commenté Jean-Philippe Tanguy.