Les députés de la commission des Finances ont auditionné, mercredi, des représentants de la Banque de France, de l'Insee et de Rexecode avec pour thématique la conjoncture ainsi que la mesure et l’évolution des inégalités de revenus. Une audition qui recèle quelques surprises...
Croissance du PIB, inflation, redistribution... Les statistiques d'analyse économique guident au jour le jour les décideurs comme les médias dans leur perception des politiques publiques. Dans le cadre d'un cycle parlementaire "au cœur de l’économie" les députés ont voulu auditionner trois des principaux instituts de statistiques français. L'occasion de dresser des bilans sur les dernières années alors que les "gilets jaunes", qui s'estiment laissés-pour-compte, organisent encore chaque samedi des manifestations.
Si en 2008 et dans l'après-crise l'économie française semblait avoir mieux résisté, sur le long terme, le bilan se révèle sombre et peut-être révélateur de la crise sociale actuelle. "Depuis la crise le revenu par tête n'augmente quasiment pas, constate Jean-Luc Tavernier directeur général de l'Insee. Sur les trois courbes, revenu par tête, revenu par ménage, revenu par unité de consommation, on se retrouve en 2017 à peu près au même niveau qu'avant crise. Quasiment pas de croissance du revenu pendant dix ans d'affilée c'est quelque chose qui n'avait pas été vécu depuis l'après-guerre. C'est bien dans cette perspective de moyen terme qu'il faut se placer pour comprendre ce qu'il se passe..."
Sur la décennie 2007-2017 la France a connu deux présidents de la République de bords politiques opposés, Nicolas Sarkozy puis François Hollande, la droite puis la gauche. De cette alternance et de ces deux quinquennats l'Insee analyse que les revenus des Français les plus aisés ont davantage contribué au bénéfice des Français les plus modestes. Une statistique valable après redistribution et qui donne une France à l'inverse de la tendance mondiale d'un accroissement des inégalités de revenus.
Une tendance toujours valable en 2017 avec une inconnue de taille, l'année 2018 durant laquelle a été votée la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière et l'instauration d'un taux de prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital. Pour ce dernier, l'Insee anticipe un accroissement des revenus du capital qui va peut-être marquer, pour la première fois depuis au moins une décennie, une rupture avec une baisse de la redistribution des revenus des plus riches vers les plus modestes.
Des revenus du capital et des plus riches moins taxés, dans l'espoir d'attirer de nouveaux investisseurs, l'exécutif a dû ajouter des mesures d'urgence de plus de dix milliards d'euros pour les classes moyennes modestes. Des dispositions destinées à répondre à la protestation des "gilets jaunes" et qui devraient se traduire par la plus forte augmentation de pouvoir d'achat depuis 2007. "Nous estimons que l'effet de ces mesures d'urgence sur la croissance 2019 devraient donner entre 0,1 et 0,2 point de croissance supplémentaire, assure Olivier Garnier, directeur général des statiques et des études à la Banque de France. On estime qu'en 2019 la croissance du pouvoir d'achat par habitant serait d'un peu plus de 1,5%. Il faut remonter à 2007 pour trouver une hausse aussi forte du pouvoir d'achat par habitant."
Quelques jours après la publication de l'étude Oxfam sur l'accroissement des inégalités dans le monde, la France semble donc faire relativement exception pour ce qui concerne les inégalités de revenus de ses citoyens. Quid cependant du patrimoine et de l'héritage, qui contribuent à maintenir les inégalités de niveau de vie ?