Les députés de la majorité, soutenus par les membres du groupe UDI, Agir et Indépendants ont rejeté la demande socialiste, la qualifiant de "détournement de procédure". L'opposition de gauche dénonce une "forfaiture".
Il s'agit, selon le député socialiste Boris Vallaud, d'une "abdication". Mercredi, les députés de la commission des affaires sociales ont repoussé la demande de création d'une commission d'enquête "sur la sincérité, l’exhaustivité et l’exactitude de l’étude d’impact" qui accompagne la réforme des retraites.
La proposition des députés socialistes a été soutenue par les élus des autres groupes de gauche (LFI et GDR) mais aussi par le groupe Les Républicains et le groupe Libertés et Territoires. Les voix combinées des députés de La République en Marche, du MoDem et du groupe UDI, Agir et Indépendants ont cependant permis de rejeter la demande de commission d'enquête : 23 députés ont voté pour, 35 députés ont voté contre.
Le groupe Socialistes et apparentés avait pourtant fait usage de son "droit de tirage", qui permet à chaque groupe, une fois par session parlementaire, de créer une commission d'enquête sur le thème de son choix.
Les socialistes avaient donc décidé d'utiliser ce droit pour évaluer l'étude d'impact rattachée aux deux projets de loi de la réforme des retraites. Cette étude d'impact a fait l'objet de critiques de la part des députés, en commission et en séance publique, mais aussi de la part du conseil d'Etat.
"Si la qualité d'une étude d'impact c'est au poids, c'est sûr que vous remportez la palme de champion du monde des études d'impact. Mais vous remportez aussi la palme de champion du monde des critiques du @Conseil_Etat, qui sont extrêmement lourdes", tacle @ericwoerth.#DirectAN pic.twitter.com/la0m7koNPM
— LCP (@LCP) February 5, 2020
Devant ses collègues, Boris Vallaud a rappelé certaines de ces critiques, évoquant des "projections financières lacunaires", mais aussi les doutes sur les "conséquences des mécanismes de transition sur les 10,7 millions de Français nés entre 1963 et 1975".
La veille, le député socialiste avait, lors de la conférence de presse hebdomadaire de son groupe, évoqué sa "crainte que le gouvernement et la majorité ne cherchent à faire échec à cette commission d'enquête".
Boris Vallaud a donc tenté, mercredi, de prévenir les critiques des élus de La République en Marche, en affirmant que les députés ne devaient pas se prononcer sur "l'opportunité" de la création de la commission d'enquête : "Cela ne serait pas fondé en droit et serait une violation du règlement de notre assemblée mais aussi une entorse aux règles constitutionnelles".
Le député socialiste estime que, dans une telle situation, la commission des affaires sociales doit opérer une simple "vérification formelle", en s'assurant, par exemple, qu'aucune poursuite judiciaire n'est en cours "sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition".
"Une commission d'enquête ne peut pas et ne doit pas servir à enquêter sur une étude d'impact", a répondu la députée La République en Marche Monique Limon, qui a dénoncé un "détournement de procédure" et une "manœuvre politique".
"Les commissions d'enquête s'inscrivent dans le cadre de l'article 51-2 de la Constitution pour l'exercice des missions de contrôle (...) de l'action du gouvernement après le vote de la loi mais pas, et c'est heureux, dans le cadre du vote de la loi qui, lui, est régi à l'article 24 de la Constitution", a ajouté la députée LaREM de l'Isère.
Monique Limon a été soutenue par les députés du groupe MoDem et par ceux du groupe UDI, Agir et indépendants. Prenant la parole au nom de ces derniers, Agnès Firmin Le Bodo a dénoncé une "stratégie de contournement de notre institution".
Les groupes d'opposition ont tous soutenu la proposition socialiste. Stéphane Viry (Les Républicains) a ainsi évoqué une étude d'impact "empreinte du soupçon". Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés) et Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) ont ajouté que la majorité, si elle repoussait la demande de commission d'enquête, se rendrait coupable de "forfaiture".
L'élu LaREM Guillaume Chiche a défendu l'idée de créer cette commission, estimant que "rien ne s'oppose juridiquement à sa création".
Le soutien inattendu de ce membre de la majorité n'a pas suffi : la proposition socialiste a été rejetée. Interrogé par LCP, Boris Vallaud a dénoncé la "mauvaise foi" et "la vacuité" des députés de la majorité, estimant qu'ils avaient décidé de "s’asseoir sur les droits fondamentaux de l'opposition".
Ce n'est toutefois pas la fin du feuilleton des retraites à l'Assemblée. Après l'adoption du projet de loi ordinaire, principal volet de la réforme des retraites, via l'article 49.3 de la Constitution, les députés examinent depuis de ce mercredi le projet de loi organique, qui constitue le deuxième volet de cette réforme.
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