La mission d'information chargée de suivre l'avancée des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris a rendu publiques mercredi les conclusions de ses deux années de travail. Selon sa présidente Brigitte Kuster, le calendrier, qui prévoit une réouverture au public en 2024, devrait être respecté.
La mission d'information "sur le suivi de l'application de la loi du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris" a rendu son rapport mercredi 16 février. Plus de deux ans après l'incendie de l'édifice, la présidente de cette mission, Brigitte Kuster (Les Républicains), et la rapporteure Sophie Mette (MoDem), ont mis un point final à leurs travaux en les présentant devant les députés de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. Leur rapport, d'une quarantaine de pages, dresse un état des lieux du chantier de restauration de la cathédrale.
Premier constat : "En termes de délais, le chantier n'a pas trop souffert de la crise sanitaire", peut-on lire dans le rapport. La phase de sécurisation de la cathédrale s'est achevée à l'été 2021, pour un coût qui devrait s'établir à 151 millions d'euros. La reconstruction à l'identique de l'édifice doit, selon la volonté d'Emmanuel Macron, permettre la réouverture de l'édifice en avril 2024. L'orgue, qui "n'a pas été abîmé par le feu ni par l'eau", a été démonté pendant cinq mois pour restauration : il a été touché par des poussières de plomb. Il sera remonté en 2023, opération qui durera quatre mois. Six mois supplémentaires seront nécessaires pour son accordage et son harmonisation : "L'objectif est que le grand orgue puisse à nouveau résonner dans la cathédrale le 16 avril 2024", écrivent la présidente et la rapporteure.
Le respect de ces échéances dépendra, selon le rapport, du "bon déroulement" des appels d'offres en cours pour le chantier de restauration mais aussi de la cohabitation des différentes entreprises appelées à travailler en même temps sur le chantier. "Les spécialistes du patrimoine doutent pourtant ouvertement de la possibilité d'atteindre cet objectif temporel au vu de la complexité de l'enjeu", a mis en garde mercredi Emmanuelle Anthoine (Les Républicains). "Le calendrier devrait être tenu dans son ensemble mais [le chantier] ne sera pas fini", a précisé Brigitte Kuster. Mais l'essentiel est que "l'on pourra rentrer dans la cathédrale en 2024", assure-t-elle.
Autre point important, concernant les finances, "le budget prévisionnel de restauration" de l'ensemble de la cathédrale "a été établi", a expliqué Sophie Mette, mais le ministère de la Culture et l'établissement public "ne souhaitent pas communiquer" dessus afin que "les principaux marchés publics" puissent se dérouler sans accroc.
Le rapport dresse aussi un bilan d'étape de la souscription nationale : pour l'instant, 831,7 millions d'euros ont déjà été récoltés. "C'est une collecte sans précédent en France", s'est réjouie mercredi matin, devant ses collègues, Sophie Mette : "La somme atteindra peut-être 846 millions d'euros si les dernières promesses se concrétisent." Près de 340.000 donneurs ont participé à la souscription, issus de 150 pays. Parmi eux, la famille Arnault et le groupe LVMH se sont engagés à verser 100 millions d'euros chacun, la famille Pinault et le groupe Kering verseront quant à eux 100 millions d'euros. "La région Ile-de-France a signé une convention pour 10 millions d'euros", explique également Sophie Mette dans son rapport.
La réduction d'impôt accordée au titre des dons des particuliers, portée un temps à 75% dans la limite de 1000 euros, a pour sa part eu un "impact limité sur les recettes fiscales de l'État", à savoir 18 millions d'euros en moins pour les recettes de l'impôt sur le revenu. "Les très grands mécènes ont renoncé aux avantages fiscaux et beaucoup de particuliers semblent y avoir renoncé aussi", a expliqué mercredi Sophie Mette.
En revanche, la députée pointe du doigt la ville de Paris qui, après avoir "annoncé un don de 50 millions au lendemain de l'incendie", n'a "finalement pas participé à la collecte". Ce dont se défendent les intéressés : le conseil de Paris a décidé "de consacrer 50 millions d'euros au réaménagement des abords et à l'amélioration du parvis et des abords immédiats de la cathédrale"... Une décision qui a été prise "en accord avec l'État", selon la maire de Paris Anne Hidalgo, qui s'était exprimée sur le sujet en avril 2021 dans un entretien à La Croix.
Sur un autre point litigieux, le rapport juge enfin qu'il "n'est pas envisageable" de faire payer à l'établissement public chargé du chantier "d'éventuelles redevances pour l'occupation du domaine public". La mairie de Paris demanderait en effet le versement de 3,4 millions d'euros par an, soit une "vingtaine de millions d'euros", selon Brigitte Kuster : "Les dons serviraient à payer une redevance à la ville de Paris", s'insurge la présidente de la mission d'information, interrogée par LCP.
"L'établissement public a retiré ce poste de son budget, il demande à en être exonéré, ce serait la moindre des choses vis-à-vis des donateurs", a elle aussi déclaré Sophie Mette devant la commission. "C'est le droit commun", a répondu mercredi Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la maire de Paris en charge de l'urbanisme et de l'architecture, dans une interview au Parisien. "Cela est fait en parfaite concertation avec l’établissement public pour la reconstruction de Notre-Dame", avait également réagi l'élu quelques jours plus tôt, sur Twitter. Selon Emmanuel Grégoire, "les gens qui soulèvent cette polémique ne connaissent pas vraiment le sujet".
Lors de la présentation du rapport mercredi matin, Brigitte Kuster a également pointé un "désaccord persistant avec le ministère de la Culture" : "S'agissant des frais de fonctionnement de l'établissement public [chargé de la conservation et de la restauration], le gouvernement refuse obstinément de les prendre en charge en dépit des termes de la loi."