Les relations entre la France et l'Afrique ont fait l'objet d'une déclaration du gouvernement, suivie d'un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, mardi 21 novembre.
C'est l'une des premières traductions des "Rencontres de Saint-Denis" lancées l'été dernier entre Emmanuel Macron et les chefs de partis politiques : alors que la situation géopolitique au Sahel s'est dégradée ces dernières années, notamment en Afrique de l'Ouest, députés et gouvernement ont débattu, ce mardi 21 novembre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, durant plus de trois heures, des "partenariats renouvelés entre la France et les pays africains".
Conformément à l'article 50-1 de la Constitution, le gouvernement a effectué une déclaration, suivie d'un débat, qui a permis à la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, de défendre la volonté de "bâtir des partenariats respectueux et responsables, faits d'écoute et de dialogue". Les groupes de la majorité et des oppositions ont ensuite fait valoir, chacun à leur manière, les priorités diplomatiques et stratégiques qui doivent, selon eux, être mises en œuvre à l'égard d'un continent dont la population est appelée à doubler d'ici à 2050.
Au nom du gouvernement et en ouverture des débats, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, ainsi que le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ont défendu la politique du gouvernement à l'égard du continent africain : ont notamment été mis en valeur les efforts entrepris en matière de restitutions d'objets d'art africains, ou encore au sujet du rapport demandé à un groupe d'historiens sur la part de responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.
Selon Catherine Colonna, la politique étrangère française en Afrique ne peut être réduite à la simple situation au Sahel - à l'image de l'évolution des relations avec le Nigeria, où les investissements français ont doublé en dix ans, reflétant les choix faits par la France pour être un "partenaire crédible, compétitif et attractif" hors de son ancien "pré carré" colonial en Afrique de l'Ouest.
l’attitude à notre égard de trois juntes militaires ne doit pas occulter les bonnes relations que nous entretenons avec l’immense majorité des pays africains. Catherine Colonna
Pour la ministre des Affaires étrangères, les déstabilisations affectant le Sahel ces dernières années et les derniers coups d'Etat (Burkina Faso, Mali, Niger), malgré un accroissement des "efforts diplomatiques européens", reflètent un changement d'ordre géopolitique : "ces juntes ne sont pas motivées par une rupture avec la France, mais avec l’ensemble de la communauté internationale".
A rebours des propos du gouvernement soulignant une transformation de la politique étrangère française en Afrique, les groupes d'oppositions ont pointé des insuffisances, globales ou locales. Au nom du Rassemblement national, Marine Le Pen a jugé qu'"il n'y [avait] plus de politique africaine de la France" depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, "un drame pour la France et une très mauvaise nouvelle pour l'Afrique".
Du côté des groupes d'opposition de gauche, Jean-Paul Lecoq (Gauche démocrate et républicaine) a appelé le gouvernement à "décoloniser" son imaginaire et tancé les "relations à géométrie variable avec certains dirigeants des pays d’Afrique constituent l’une des raisons principales du rejet de la France en Afrique et ailleurs". Le député communiste a appelé à réformer le franc CFA, "un instrument qui n'a plus aucune légitimité".
Les échanges entre les députés et le gouvernement sont aussi entrés en résonance avec un récent rapport parlementaire co-rédigé Bruno Fuchs (Démocrate) et Michèle Tabarot (Les Républicains), appelant à "redéfinir une offre stratégique claire".
Plusieurs recommandations du rapport ont ainsi rejailli dans les prises de parole des députés, de la réforme de l'aide publique au développement à la refonte de la politique de visas - un sujet "en ce moment même" traité par le gouvernement, a indiqué Catherine Colonna.
Afin de renouveler les partenariats entre la France et les Etats africains, plusieurs députés ont également appelé à redéfinir et renforcer le rôle du Parlement dans l'élaboration de la politique étrangère française, à l'image d'Anna Pic (Socialistes) qui a plaidé, quelques minutes après Michèle Tabarot, pour sortir de la politique étrangère du "domaine réservé" du chef de l’État, afin d'en faire un "domaine partagé" et de mettre en œuvre une "décentralisation décisionnelle en matière de politique étrangère".