Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale a été examiné, "pour avis", par la commission des finances de l'Assemblée nationale. L'occasion d'un premier débat entre les partisans de la réforme et leurs opposants avant l'examen du texte par les députés de la commission des affaires sociales à partir de lundi 30 janvier.
Il s'agit d'un débat entre plusieurs "choix de société". C'est ainsi que le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), a défini l'enjeu du projet de réforme des retraites examiné, vendredi 27 janvier, par les commissaires aux finances de l'Assemblée nationale.
Au lendemain du dépôt de près de 7.000 amendements en vue de l'examen du texte par la commission des affaires sociales en début de semaine prochaine, ce sont les députés de la commission des finances qui étaient invités à examiner "pour avis" le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS). Au terme d'un débat en forme de répétition avant les prochaines étapes de son examen à l'Assemblée, le texte a été approuvé par une majorité de députés en commission des finances.
"Je considère qu'un retraité a le droit de profiter de sa retraite pendant le plus d'années possibles, en bonne santé", a indiqué Eric Coquerel, avant d'énumérer ses propres solutions pour financer le système par répartition. Le président de la commission des finances suggère notamment de taxer "tous les dividendes du pays au même niveau de cotisations sociales, que les revenus du travail", ou de faire muter les emplois "ubérisés" en emplois salariés.
Du côté de la majorité, la rapporteure pour avis Marina Ferrari (Démocrate) a souhaité "objectiver le débat". "Contrairement à ce que j'ai pu entendre ces derniers jours, l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans a augmenté sur les dix dernières années", a-t-elle déclaré, rejointe dans ses propos par Jean-René Cazeneuve (Renaissance). "La dynamique démographique s'impose à nous", a estimé le rapporteur général du budget.
Jean-René Cazeneuve a également répondu à Eric Coquerel : "Ceux qui proposent, pour combler [le] déficit, des sources extérieures de financement, remettent en cause les fondamentaux de notre système par répartition. Pour eux, c'est moins de solidarité, et plus d'impôts".
Ne pas rééquilibrer le système de retraites serait irresponsable. Ne pas le réformer en réduisant les inégalités serait injuste. Jean-René Cazeneuve
Véronique Louwagie (Les Républicains) est allée dans le même sens que la coalition présidentielle, estimant que "la seule solution est de relever l'âge de départ à la retraite et de travailler plus longtemps". L'élue a néanmoins insisté sur la nécessité de susciter l'acceptabilité de la réforme par la population.
"Le gouvernement présente aujourd'hui une réforme qui reprend un certain nombre de nos propositions", s'est également félicitée la députée LR. Véronique Louwagie espère toutefois améliorer le texte sur plusieurs points en assurant, par exemple, une "meilleure prise en compte et une harmonisation des droits familiaux" ou une "meilleure prise en compte des carrières longues".
L'examen du texte a cependant mis en lumière les divisions du groupe Les Républicains, puisque Fabrice Brun s'est de son côté dit "pas favorable au report de l'âge légal à la retraite à 64 ans". Selon lui, la réforme "amplifie les inégalités".
Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) a invité ses collègues de la majorité à "renouer avec le vrai progrès social, avec le vrai progrès humain". Avant de réaffirmer : "Evidemment, nous voterons contre ce texte."
La commission des finances a notamment approuvé l'article 7 de la réforme, qui acte le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Les députés des finances ont également adopté un amendement de la rapporteure Marina Ferrari (Démorate), qui instaure une "clause de revoyure" le 15 septembre 2027.
À cette échéance, selon cet amendement, le Comité de suivi des retraites, assisté de la Cour des comptes, devra remettre au gouvernement, au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental (Cese), un rapport d’application de la réforme.
La Nupes a profité des débats pour critiquer le report de l'âge légal, qualifié d'"article le plus contestable" par Philippe Brun (Socialistes) ou encore de "mesure guillotine" par Eva Sas (Ecologiste). "Vous considérez dans le fond que, ce qu'il faudrait, c'est une société sans travail", a réagi Mathieu Lefèvre (Renaissance).
Le travail émancipe, le travail est vecteur de lien social, le travail permet de s'enrichir intellectuellement et en société. Mathieu Lefèvre
David Guiraud (LFI) lui a répondu : "Les gens qui sont anti-travail, ce sont ceux qui considèrent que l'on peut, d'un trait de crayon, prendre le fruit du travail des gens et notamment des classes populaires et moyennes."
La France insoumise, via Raquel Garrido, a aussi mis en cause les élus du Rassemblement national, qui n'ont pas été, à ses yeux, assez présents pendant les débats : "Sur le groupe RN, de 11 membres dans cette commission des finances, nous avons eu en tout et pour tout deux, voire une personne par moments."
Or, a noté l'élue, les votes ont été serrés pendant toute la journée d'examen : "Ils ont été adoptés avec une différence d'environ 5, 6 ou 7 voix." Selon Raquel Garrido, "Marine Le Pen fait [donc] le jeu de Monsieur Macron".
Plusieurs députés ont tenté, sans succès, d'atténuer les effets de la réforme pour les femmes, qui pourraient perdre en partie le bénéfice de leurs trimestres acquis pour maternité. Raquel Garrido (LFI) a notamment dénoncé une loi "anti-femmes".
Cette loi est anti-femmes ! Ce sont nous les femmes qui seront le plus pénalisées ! Raquel Garrido
Prisca Thévenot (Renaissance) lui a répondu : "Une femme n'est pas simplement à définir par son utérus, et sa capacité à avoir des enfants (...) Est-ce que nous devons faire une différence entre les femmes qui ont un enfant, et les femmes qui n'en ont pas ?".
Autre aspect qui a nourri les débats : l'emploi des seniors. Qualifié de "gadget" ou de mesure d'"affichage", notamment par les communistes et les écologistes, l'index seniors, que le gouvernement souhaite mettre en place dans les entreprises d'au moins 300 salariés, a fait l'objet d'une modification rédactionnelle afin de proscrire l'expression "salariés âgés" (au profit de "seniors").
La commission des finances n'était saisie que pour avis : les débats amorcés se poursuivront donc dès lundi 30 janvier au sein de la commission des affaires sociales, qui est saisie au fond. L'examen du texte doit durer trois jours, avant son passage dans l'hémicycle, qui débutera le 6 février.