Le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise) s'est prononcé, mardi 30 mai, en faveur de la recevabilité financière de la proposition de loi "d'abrogation de la réforme des retraites". Les groupes de la coalition présidentielle dénoncent une "décision partisane et politicienne".
"J'ai décidé de rendre recevable la proposition de loi sur l'abrogation de la réforme du recul de l'âge de la retraite à 64 ans". Aussi prévisible fut-elle, Eric Coquerel ayant motivé ses intentions dès la veille dans une tribune au Monde, la décision du président de la commission des finances était attendue de pied ferme ce mardi 30 mai, en particulier par la majorité qui attendait que son verdict tombe afin de pouvoir le contester. Les groupes de la coalition présidentielle (Renaissance, Démocrate, Horizons), estiment en effet que le texte du groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (Liot), devrait être frappé d'irrecevabilité au titre l'article 40 de la Constitution.
Lors d'une conférence de presse organisée dans les murs de l'Assemblée nationale, le député de La France insoumise a indiqué qu'il "[appartenait] au président de la commission des finances et au seul président de la commission des finances de juger d'une saisine postérieure à la décision du bureau de l'Assemblée nationale sur une proposition de loi". Se défendant d'être "un président de la commission des finances partisan", il a au contraire qualifié de "geste partisan, politique", la saisine dont il a fait l'objet de la part de la majorité au regard de la jurisprudence en la matière.
Pour appuyer sa décision, Eric Coquerel a notamment décompté 28 saisines du président de la commission des finances sur une proposition de loi depuis la révision constitutionnelle de 2008, avec "seulement deux irrecevabilités totales". "Le droit se lit aussi sur ce que font les députés et sur ce que fait la jurisprudence", a-t-il argué au regard du recours, relativement peu fréquent, à cette procédure. D'une façon plus générale et plus politique, favorable à l'idée de supprimer l'article 40, le député LFI a estimé que cet article faisait peser une "domination terrible de l'exécutif sur le législatif".
Eric Coquerel a également affirmé que depuis le début de la XVIe législature, "en un an, il y a eu six propositions de loi qui comportaient un gage de charge comparable au stade de leur dépôt, qui ont été définitivement adoptées et promulguées". Il a, par ailleurs, considéré que "rien n'oblige le président de la commission des finances à être plus sévère que le contrôle initial et premier exercé par le Bureau qui est détenteur de la prérogative de contrôle au stade du dépôt", la proposition de loi ayant été validée a priori en amont de son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée.
Un peu plus tôt dans la journée, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait estimé dans l'émission "Les 4 vérités" sur France 2, que la proposition de loi "[posait] une vraie difficulté en termes de recevabilité puisqu'elle contrevient au fameux article 40". "Ce texte créerait une dépense de 18 milliards, donc de toute évidence il créé une charge", a-t-elle poursuivi, renvoyant la balle à Eric Coquerel. "Un président de commission quel qu'il soit, doit remplir au premier chef ses fonctions (...) l'article 40, il est d'interprétation stricte, il n'y a pas à avoir une interprétation politique", a-t-elle aussi estimé, avant d'indiquer qu'elle-même "prendrai[t] ses responsabilités" si la décision du président de la commission des finances devait contrevenir à la Constitution.
Immédiatement, le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve (Renaissance) a réagi à la décision d'Eric Coquerel, la qualifiant par communiqué d'"infondée en droit" et prise "dans l'irrespect de la Constitution". Dénonçant au micro de LCP la "mauvaise foi" du président de la commission des finances, il a indiqué que la majorité lutterait "par tous les moyens possibles contre [le] retour en arrière" que constituerait, selon lui, le vote d'une proposition de loi destinée à revenir sur la réforme des retraites.
Dans un communiqué commun, les trois groupes de la majorité ont déploré une "décision partisane et politicienne", ainsi qu'une "atteinte grave à nos institutions". Avant d'être à l'ordre du jour de l'hémicycle jeudi 8 juin, la proposition de loi du groupe Liot doit être examinée mercredi 31 mai, dans la matinée, par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.