Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté dans la nuit du mercredi 30 juin au jeudi 1er juillet, le projet de loi relatif à la protection des enfants, présenté le 16 juin dernier en Conseil des ministres. Les oppositions ont dénoncé l'examen au pas de charge d'un texte qui n'irait pas assez loin.
Un texte de continuité, c’est ainsi qu’Adrien Taquet a défini le projet de loi relatif à la protection des enfants, dont l’examen a démarré mercredi matin en commission. Le secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles a évoqué une dynamique amorcée avec la création de son ministère et la volonté d’impulser un "pacte pour l’enfance", fondé sur trois piliers majeurs. Celui de la prévention, au travers notamment des 1000 premiers jours de l’enfant, de la lutte contre les violences et de l’amélioration du système institutionnel de protection des enfants, ce dernier point étant l’objet principal du projet de loi. Adrien Taquet a ainsi souligné "l’enjeu de réinvestissement de l’Etat dans cette politique-là", en particulier dans le secteur de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Souhaitant faire la démonstration d’un "discours de vérité" auprès des députés, le secrétaire d'Etat n’a pas hésité à évoquer les défaillances actuelles de l’ASE, du fait des départements qui en ont la charge, mais aussi de l’Etat "qui n’est pas au rendez-vous de ses propres engagements".
"Ce texte est l’étape législative de la stratégie de prévention, et de protection de l’enfance", a déclaré Adrien Taquet, avant de détailler les principaux volets du texte.
La garantie de la sécurité physique des enfants d’abord, au travers notamment de l’article 3 du texte, qui vise à introduire un principe d’interdiction de la présence d'enfants seuls dans les hôtels sociaux. La sécurité des enfants au sein des foyers et des familles d’accueil est également favorisée par le renforcement de l’arsenal prévu en matière de prévention de la maltraitance et la création d'une base nationale des agréments pour les aidants familiaux.
La sécurité affective des enfants n’est pas négligée par le texte, qui prévoit, dans son article 1er, la systématisation du recours à un membre de la famille, ou tiers digne de confiance, si l’une des deux options existe et s’avère envisageable, avant le placement d’un enfant.
Enfin, le texte prévoit des mesures pour les mineurs non accompagnés en modifiant les critères de leur répartition sur le territoire, en renforçant l’accompagnement des départements lors du placement de ce public à l’ASE, et en généralisant le fichier AEM (Appui à l'Evaluation de la Minorité), qui vise à faciliter le contrôle des étrangers se déclarant mineurs.
Alors que 345 amendements ont été déposés pour l’enrichir, les oppositions de droite comme de gauche ont dénoncé un texte qui, en l’état, manquerait d’ampleur. Alain Ramadier (Les Républicains), a évoqué "un projet de loi qui arrive beaucoup trop tard et occulte l’intérêt supérieur de l’enfant", ainsi qu’"un examen beaucoup trop rapide".
Isabelle Santiago (Socialistes et apparentés) a regretté le fait que la problématique des jeunes majeurs ne soit pas traitée par le texte. Plusieurs députés ont en effet déploré les effets délétères provoqués à plus ou moins long terme par des sorties sèches de l’ASE dans un pays où 25% des personnes de moins de 25 ans confrontées à la rue se trouvent être des enfants de l’ASE.
François Ruffin (La France insoumise) a qualifié le texte de "bâclé, bricolé", et critiqué le manque de moyens mobilisés. "Des belles lois on en a, c’est pas la question, mais mettre des moyens pour les faire appliquer, c’est ça le problème". Il a également estimé que le texte ne tranchait pas le fait que l’ASE doive demeurer une politique décentralisée ou faire l’objet d’une reprise en main par l’Etat.
Constat similaire de la part de Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine), qui a en outre choisi d’évoquer les tests osseux réalisés sur les mineurs non-accompagnés, "jugés inadaptés, inefficaces et indignes par la Défenseure des droits" et sur lesquels le projet de loi reste silencieux.
Tout comme Perrine Goulet (apparentée MoDem), ou Paul Christophe (Agir ensemble), Isabelle Santiago a par ailleurs dénoncé le nombre important d’amendements frappés d’irrecevabilité.
Parmi ceux qui n'avaient pas été écartés d'emblée, ont été adoptés en commission un amendement porté par Didier Martin (La République en marche), visant à recueillir lors de son placement auprès d'un tiers l'avis de l'enfant "lorsque ce dernier est capable de discernement". Un autre amendement, défendu par Isabelle Santiago, a ajouté à l'article 1er la prise en compte du projet personnel du mineur concerné.
Adrien Taquet a répondu à la salve de critiques sur les insuffisances éventuelles du texte en arguant que celui-ci s’inscrivait dans une action globale de l’Etat. "Tout n’est pas dans la loi, je l’assume", a-t-il ainsi déclaré, avant d’ajouter : "la loi ne peut pas tout". Il a cependant fait un pas vers les députés, en proposant qu'outre ceux examinés en commission, le gouvernement se penche sur certains des amendements qui avaient été jugés irrecevables dans la perspective d’en reprendre certains à son compte lors de l’examen du texte en séance, à partir du 6 juillet prochain.