Les députés de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale ont adopté à l'unanimité ce mercredi, en deuxième lecture, la proposition de loi du député Paul Molac (Libertés et Territoires) relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. La question de l'enseignement a été au centre des débats.
D'un côté l'extinction des espèces, de l'autre l'extinction des langues. Alors que les députés débattent dans l’hémicycle de la loi climat, la commission des affaires culturelles a examiné, mercredi 31 mars, une proposition de loi du groupe Libertés et Territoires relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. Son adoption à l'unanimité marque un "tournant", ont salué plusieurs députés, dans la défense de ces idiomes longtemps vus comme une menace pour l'unité nationale et la langue française.
Les débats ont d'abord donné lieu à une inédite défense et illustration des langues régionales, tous bords politiques confondus. Le rapporteur Paul Molac y a vu le signe d'un "changement de mentalité" sur le sujet. "Il ne s’agit pas d’un combat « contre » le français ; les langues régionales sont des alliées et non des adversaires" a ainsi fait valoir le député de l'Hérault Christophe Euzet (Agir Ensemble). L'enjeu de la préservation de ces biens immatériels a été souligné par beaucoup. "Les langues régionales transmettent une mémoire fragile (...). Il faut défendre le pluralisme culturel", a abondé Géraldine Bannier (MoDem).
De fait, a rappelé Paul Molac, ces langues sont classées en "grand danger d'extinction" par l'UNESCO. On en recense 82 dans le pays, dont une grande partie en Outre-mer. Pour la députée de Haute-Garonne Sandrine Mörch (La République en Marche), leur promotion est une "solution face au déracinement. (...) Cela n'a rien à voir avec le retour du nationalisme. C’est l’inverse du repli".
Passé l'objectif partagé, les débats se sont portés sur le contenu de la proposition de loi et en particulier la question de l'enseignement.
L'article 2ter, ajouté au Sénat, a fait l'objet de discussions quant à la place de la méthode dite "immersive". Il prévoit que l'enseignement de la langue régionale à l'école, actuellement limité à la parité avec le français, puisse dépasser les 50% du temps. Le rapporteur Paul Molac, tout en rappelant que cet enseignement ne saurait être obligatoire et ne pouvait être envisagé "au préjudice" du français, a souhaité laisser au corps enseignant la liberté de fixer l'équilibre le plus judicieux.
Cette mesure a été critiquée par plusieurs députés, dont Christophe Euzet, pour qui l'enseignement du français ne devrait pouvoir descendre en-dessous de 40% du temps. La députée Stéphanie Atger (LaREM) a défendu un amendement de suppression, arguant que cette absence de limite temporelle risquait d'être inconstitutionnelle.
En réponse le rapporteur Paul Molac a fait valoir que la crainte qui pouvait se faire jour d'un "recul du français" était infondée : au contraire, les évaluations montrent, a-t-il souligné, que les élèves très tôt polyglottes ont de meilleurs résultats dans la langue de Molière. Pour lui la méthode immersive est la bonne, car elle vient au contraire "contrebalancer l'hégémonie du français".
Au terme de ces discussions les amendements de suppression ont été rejetés et l'article 2ter adopté conforme.
Les débats se sont ensuite portés sur la question du financement. Lors de leur examen du texte, les sénateurs ont ajouté un article (2 quinquies) prévoyant de rendre obligatoire le paiement par les maires d'un forfait pour l'enseignement des langues régionales en dehors de leur commune (dans le cas où elles n'en prévoit pas). Une mesure qui n'a pas convaincu une majorité de députés en commission. Stéphanie Atger (LaREM) a défendu un amendement de suppression, estimant que cette contribution devait demeurer volontaire. Elle a été entendue et ce nouvel article a été supprimé.
Dernier point débattu, les députés ont adopté l'article 3, lequel avait été rétabli par le Sénat. Il prévoit en particulier que l'enseignement des langues régionales devra se faire sur des horaires de scolarité "normaux" (et non dans le cadre de cours du soir, par exemple).
Enfin, au-delà de l'école, plusieurs avancées ont en outre été saluées comme la généralisation d'une signalétique bilingue dans les territoires, ou encore la reconnaissance pour les documents officiels des signes "diacritiques". Jusqu'ici prohibés, le tilde, utilisé en breton et en basque, ou encore l’accent aigu sur le « i », le « o » ou le « u », utilisé en catalan, seront autorisés si la proposition de loi est définitivement adoptée.
Son examen en séance publique est prévue jeudi 8 avril. Elle ouvrira les débats de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Libertés et Territoires".