Le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, a été auditionné, mardi 19 septembre, par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi visant à "sécuriser et réguler l’espace numérique". Si les députés ont globalement salué un texte nécessaire, certains ont mis en garde contre des mesures pouvant selon eux porter atteinte aux libertés.
Filtre anti-arnaque, lutte contre les deepfakes, bannissement des réseaux sociaux pour les cyber-harceleurs, blocage quasi-instantané des sites pornographiques accessibles aux mineurs : après avoir a été adopté en première lecture au Sénat, le 5 juillet dernier, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit SREN, est maintenant à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Et c'est à ce sujet que la commission spéciale constituée pour examiner le texte a auditionné le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, mardi 19 septembre,
"Ce texte a un fil rouge, celui de la protection des Français dans l'espace numérique", a indiqué le ministre en préambule de son audition, avant d'en détailler les principaux axes. Le projet de loi instaure en premier lieu un "filtre anti-arnaque, qui servira de rempart contre les campagnes de sms frauduleux".
Ce sont 18 millions de Français qui ont été victimes de cyber-malveillance l'année dernière. Jean-Noël Barrot
Evoquant des conséquences parfois "terribles", pouvant aller jusqu'à "la spirale infernale de l'usurpation d'identité", Jean-Noël Barrot a détaillé les modalités de ce dispositif "simple et gratuit, qui filtrera préventivement les adresses des sites malveillants".
Au registre des sanctions contre la criminalité numérique et pour prévenir la récidive, le ministre chargé du Numérique a évoqué la "peine complémentaire de bannissement entre les mains du juge pour des auteurs condamnés pour des faits de harcèlement et de cyberharcèlement". Il a précisé que le Sénat avait "très largement étendu" le champ des infractions concernées, en créant notamment un délit d’outrage en ligne, punissable d’une amende forfaitaire délictuelle.
En matière de lutte contre la désinformation, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pourra ordonner la mise en demeure suivie du blocage "à l'encontre des sites qui diffuseront des médias frappés par des sanctions internationales". Le Sénat a, en outre, souhaité ajouter la définition dans le Code pénal des deepfakes ou "hyper-trucages", en vue de sanctions contre le fait de diffuser une image, une vidéo ou tout enregistrement d’une personne générés par un logiciel ou une intelligence artificielle sans son consentement, et sans mentionner qu’il s’agit d’un faux.
Sur le front de l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques, Jean-Noël Barrot a indiqué que l'Arcom pourra "bloquer, déréférencer" les sites pornographiques qui "ne vérifieront pas sérieusement l'âge de leurs utilisateurs". Autre mesure de protection de l'enfance en ligne : les hébergeurs qui "ne retireront pas les contenus pédopornographiques qui leur sont signalés par les autorités sous 24 heures" pourront être condamnés à "une peine d'un an d'emprisonnement et 250.000 euros d'amende".
Si le ministre a d'ores-et-déjà assuré que le texte préservait l'équilibre entre protection et liberté, prévention et innovation, des députés se sont parfois montrés dubitatifs. En effet, les oppositions ont, dans l'ensemble, salué un projet de loi allant dans le bon sens, tout en pointant le risque de restriction de libertés qu'il pourrait contenir. "Avec la levée de l'anonymat sur Internet prônée par Monsieur le rapporteur, vous risquez d'entraîner la France dans une surenchère liberticide et sécuritaire", a ainsi estimé Aurélien Lopez-Liguori (Rassemblement national), quand Aurélien Taché (Ecologiste) a fait part de ses inquiétudes quant au maintien d'un "espace de liberté" numérique, "outil de diffusion du savoir, de communication et de partage".
Après cette audition, la commission spéciale examine desormais le projet de loi, qui sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée à partir du 4 octobre.