Projet de loi de veille sanitaire : le texte adopté, mais sans le passe sanitaire aux frontières

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Les bancs de l'opposition debout après l'adoption d'un amendement sur le passe sanitaire aux frontières
Les bancs de l'opposition debout après l'adoption d'un amendement sur le passe sanitaire aux frontières
par Raphaël Marchal, le Mercredi 13 juillet 2022 à 03:01, mis à jour le Mercredi 13 juillet 2022 à 06:55

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi de veille sanitaire en première lecture, dans la soirée du mardi 12 juillet, au terme de vifs débats. L'opposition a réussi à faire tomber l'une des dispositions majeures du texte, à savoir la possibilité d'instaurer un passe sanitaire aux frontières et pour les déplacements entre la Corse, les Outre-mer et l'Hexagone.

Premier revers pour la majorité présidentielle. Au terme d'une soirée riche en rebondissements et en suspensions de séance, le projet de loi "maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid‑19" a bien été adopté en première lecture au Palais-Bourbon, mais au terme d'une soirée où les oppositions ont plusieurs fois mis le gouvernement, qui ne dispose plus de la majorité absolue à l'Assemblée, en minorité. Une soirée qui confirme que la législature qui commence s'annonce difficile à gérer pour l'exécutif. 

Car l'article 2, l'un des points phares du texte, a été supprimé par 219 voix contre 195. Exit la possibilité éventuelle d'instaurer un passe sanitaire aux frontières ou pour les personnes voyageant entre la Corse, les Outre-mer et l'Hexagone. Cette disposition a fédéré l'ensemble des oppositions contre elle. Avant sa suppression, deux premiers coups de boutoir avaient d'ailleurs été portés contre le texte gouvernemental. Deux modifications avaient e effet été validées, contre l'avis de l'exécutif : l'interdiction d'appliquer le passe sanitaire pour les mineurs de plus de 12 ans, et la possibilité de présenter au choix une attestation de vaccination, un test négatif ou un certificat de rétablissement, sans caractère cumulatif. Finalement c'est l'ensemble de la mesure qui a été biffée du projet de loi.

À peine le texte adopté, François Braun a immédiatement précisé qu'il continuerait à tenter de convaincre les parlementaires de la "pertinence" de cette disposition. Le ministre de la Santé et de la Prévention a été appuyé par la Première ministre. Élisabeth Borne a indiqué sur Twitter qu'elle comptait bien convaincre les sénateurs de réintroduire cet article 2.

La leçon de l'opposition 

Lors des explications de vote du projet de loi, de nombreux représentants de l'opposition se sont félicités du sort réservé à l'article 2. Plus largement, ils ont souhaité que cette défaite serve de leçon au gouvernement. "Cette chambre d'enregistrement que vous désiriez, cette Assemblée de Playmobils qui ne répond qu'aux injonctions de l'exécutif, elle est finie", a déclaré Elsa Faucillon (PCF). "Il va falloir apprendre à travailler autrement, à dialoguer", a estimé Marietta Karamanli (Socialistes).

Sébastien Chenu (RN) s'est lui aussi félicité du "premier jour du reste de ce nouveau mandat", appelant à mettre fin aux habitudes de la précédente législature. Raphaël Schellenberger (LR) a pour sa part espéré que cette soirée agisse comme un révélateur de la méthode que l'exécutif devra adopter à l'avenir, sans présenter de texte dans la précipitation, et en prenant en compte les points saillants relevés par l'opposition. La question brûlante de la réintégration des soignants non-vaccinés a notamment refait surface, alors que plusieurs amendements sur le sujet ont été écartés du texte, ayant été jugés irrecevables.

François Braun, a d'ailleurs fait un pas en avant en direction de l'opposition, en présentant sa "méthode de travail". Le ministre de de la Santé et de la Prévention s'est engagé à consulter "dans les prochains jours" les autorités scientifiques et éthiques sur le sujet, puis à s'entretenir avec les organisations syndicales. Avant de revenir auprès de la représentation nationale avec une vision "claire et argumentée" sur la question.

SI-DEP et Contact Covid prolongés

Bien que lui aussi menacé par des amendements de suppression, l'article premier a bel et bien été adopté par les députés, de manière identique à la version de la commission. Il prévoit la prolongation de l'utilisation des outils informatiques SI-DEP et Contact Covid jusqu'au 31 janvier 2023, afin de permettre le suivi des contaminations et des dépistages.

Les dernières dispositions du projet de loi ont également été adoptées en séance publique, quoique regroupées dans un article unique. Le gouvernement devra ainsi à la fois tirer un bilan de sa gestion de la pandémie, mais également présenter une réflexion sur la mise en œuvre d'un cadre juridique pérenne destiné à succéder à l'état d'urgence sanitaire pour faire face à de futures épidémies. Le texte doit désormais être transmis au Sénat, où il pourrait connaître d'autres modifications.

L'activité en commission perturbée
 

C'est un impact auquel les observateurs de la vie politique n'avaient pas forcément pensé, et qui risque d'être appelé à se répéter. La majorité d'Emmanuel Macron qui n'est plus que relative à l'Assemblée nationale rend plus difficile à gérer les moments décisifs dans l'hémicycle, à savoir le vote d'amendements, d'articles, ou de motions. Au point de perturber le fonctionnement des travaux des commissions permanentes de l'Assemblée qui siègent en simultané des débats en séance.


C'est ce qu'il s'est passé mardi soir. Plusieurs fois, la coalition présidentielle a battu le rappel depuis les sous-sols du Palais-Bourbon, afin de limiter le nombre d'amendements de l'opposition adoptés. Entraînant de nombreuses suspensions du travail en commission, notamment au sein de la commission des affaires sociales, qui examinait le projet de loi sur le pouvoir d’achat. Et, en l'occurrence, sans réussir à empêcher la suppression de l'article 2 du projet de loi de veille sanitaire.