Auditionné par la Commission d’évaluation des politiques publiques de l'Assemblée, le ministre de la Justice a assuré que l'objectif de livraison de 15.000 places de prison supplémentaires sera atteint pour 2027, en dépit de "difficultés énormes de recherche foncière" et des réticences des élus locaux.
"Des travaux herculéens", "des élus qui ne sont pas aidants", ou encore l'irruption du Covid et de la guerre en Ukraine, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a invoqué plusieurs facteurs ayant retardé le rythme de livraison du "Programme 15.000 places", souhaité par Emmanuel Macron dès 2018. Auditionné en commission des finances dans le cadre du "Printemps de l'évaluation", qui a pour objectif d'évaluer l’exécution budgétaire des différentes missions des ministères, le garde des Sceaux a dû répondre de "l'inexorable procrastination" diagnostiquée par le rapporteur spécial Patrick Hetzel (Les Républicains).
"Force est de constater que les objectifs de ce programme ne seront pas atteints", a affirmé le député d'opposition, tout en évoquant un plan "sous-dimensionné [qui] ne permettra pas de résorber la surpopulation carcérale ni d’atteindre un taux d’encellulement individuel de 80% en 2027, comme cela avait été annoncé".
Rappelant que l'occupation carcérale atteint actuellement un taux de 118%, allant jusqu'à 140% dans les maisons d'arrêt, Patrick Hetzel a déploré que "seules 2.441 places" aient été ouvertes à la fin de l'année 2022, soit dans la première phase de déploiement du programme, qui prévoyait initialement la construction de 7.000 places entre 2018 et 2022. La seconde phase avait pour objectif de faire sortir de terre 8.000 places entre 2022 et 2027. Un vœu pieux pour Patrick Hetzel, qui a estimé cette échéance à 2030 au plus tôt.
En réponse le ministre et ancien avocat a plaidé "des difficultés énormes de recherche foncière", liées notamment aux réticences des riverains et des élus locaux à cohabiter avec un établissement pénitentiaire. "C’est toujours mieux chez les autres", a commenté Eric Dupond-Moretti, "et c’est souvent ceux qui s’indignent du manque de prisons qui sont les premiers à les refuser chez eux".
Le rythme de livraison va désormais s’accélérer pour s’échelonner jusqu’à 2027. Éric Dupond-Moretti
Devant les députés, celui-ci s'est pourtant voulu rassurant, indiquant qu'"à ce jour, tous les terrains sont identifiés pour les 50 établissements pénitentiaires du ‘Programme 15.000’. La moitié sera opérationnelle en 2024, avec 11 mises en service sur la seule année 2023". "Le rythme de livraison va désormais s’accélérer pour s’échelonner jusqu’à 2027", a-t-il aussi affirmé, l'objectif étant de passer de 60.000 places actuellement à 75.000 à la fin du quinquennat.
Du côté de la Nupes, des députés ont défendu des mesures alternatives à de nouvelles places de prison, Gérard Leseul (Socialistes) estimant "plus pertinent" de réduire le nombre de détenus en ayant davantage recours aux travaux d'intérêts généraux (TIG). Une sanction à laquelle le ministre de la Justice s'est dit favorable, avant de faire valoir que sa fonction ne lui permettait pas d'interférer dans les décisions des magistrats.
Ersilia Soudais (La France insoumise) a pour sa part plaidé pour la rénovation des places existantes, considérant qu'il s'agissait d'un angle mort de la politique actuelle. "Allez donc aux Baumettes, allez à Fleury-Mérogis. Une douche par cellule. Moi j'ai été avocat 35 ans, j'ai vu pensant des années des douches qui étaient accordées aux détenus une fois par semaine", lui a répondu Eric Dupond-Moretti, faisant valoir que le budget consacré aux seules rénovations avait "plus que doublé".