Tous les candidats à l'élection présidentielle proposent de nombreuses mesures pour améliorer le système de santé, dont les faiblesses ont été mis à jour par la crise sanitaire. Passage en revue de leurs propositions alors que la santé fait partie des priorités des Français.
Les candidats à l'élection présidentielle sont d'accord sur un point : la nécessité de consolider un système de santé dont les failles ont été exposées lors de la crise sanitaire. Hôpitaux publics, déserts médicaux, Ehpad... Si les constats sont à peu près identiques, les réponses apportées varient selon les candidats.
Comment réduire le nombre de déserts médicaux ? Les candidats, qui comptent sur les jeunes médecins pour redensifier l'offre des territoires sous-dotés, se partagent entre contrainte et incitation. Ceux qui prônent la contrainte sont les plus nombreux. C'est le cas de Valérie Pécresse, qui propose que les étudiants en médecine générale fassent, dans leur dernière année, une année de "docteur junior" dans "les zones où on manque de médecins". Anne Hidalgo, propose une année de professionnalisation dans les déserts médicaux comme "médecin-assistant" à la "fin du parcours des internes en médecine". Yannick Jadot veut, de façon "temporaire et transitoire", forcer les étudiants à s'installer en zone sous-dotée lors de leur dernière année d'internat et durant leurs deux premières années d'exercice. Le candidat écologiste, tout comme Fabien Roussel, se prononce également en faveur du conventionnement sélectif, c'est-à-dire que dans les zones denses, un médecin ne pourra s'installer que si un autre part à la retraite. Nathalie Arthaud, qui veut des installations "en fonction des besoins réels des populations", est dans la même logique.
D'autres candidats misent plutôt sur l'incitation. C'est le cas d'Emmanuel Macron qui a expliqué sur France Bleu être dans une démarche "incitative" : il souhaite que les étudiants fassent davantage leurs stages d'externat et surtout d'internat dans des villes moyennes et auprès de médecins de ville et de campagne". Marine Le Pen propose, quant à elle, des "incitations financières fortes" : la rémunération des consultations serait "modulée selon le lieu d'installation" des médecins. Nicolas Dupont-Aignan avance l'idée de bourses pour les étudiants qui accepteraient de travailler pendant leurs cinq premières années dans des déserts médicaux. Enfin, plusieurs candidats, comme Nathalie Arthaud, Fabien Roussel et Eric Zemmour, proposent également de rétablir un maillage dense d'établissements de santé de proximité. Avec pour objectif que chaque Français puisse avoir une réponse en matière de santé à moins de 30 minutes de chez lui (Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel, Valérie Pécresse).
A cela s'ajoute la promesse de création de centres de santé sur tout le territoire pour Philippe Poutou, Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Yannick Jadot. Le candidat écologiste propose d'ailleurs que les médecins y exercent "sous une forme salariée" avec une "prise en charge [de leur salaire] par l'hôpital du territoire". Dans son programme, Emmanuel Macron évoque, lui aussi, la possibilité d'instaurer un système dans lequel des médecins exerçant en ville seraient "salariés de l'hôpital" du secteur. Eric Zemmour souhaite, quant à lui, embaucher 1.000 "médecins salariés par l'Etat" sur cinq ans. Enfin, Emmanuel Macron et Marine Le Pen souhaitent développer fortement la téléconsultation.
C'est une des réformes notables du quinquennat : Emmanuel Macron et son gouvernement ont supprimé le numerus clausus des études de médecine. "C'est de l'enfumage, le gouvernement n'a pas donné aux universités de médecine les moyens d'accueillir beaucoup plus de jeunes", a déclaré Valérie Pécresse lors de l'émission Elysée 2022 sur France 2. La candidate des Républicains promet de "doubler" le nombre d'étudiants formés d'ici cinq ans, tout comme Eric Zemmour et Yannick Jadot. Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, promet de "rendre effectif" la fin du numerus clausus, alors que Fabien Roussel veut supprimer les "quotas officiels ou officieux". Jean Lassalle, Anne Hidalgo (+15.000 nouveaux médecins par an), et Nicolas Dupont-Aignan (+12.000) sont dans la même logique. Fabien Roussel propose, par ailleurs, des "pré-recrutements ouvrant un pré-salaire", alors que Philippe Poutou évoque des formations médicales sous le statut de "travailleur en formation", rémunéré au SMIC. Les étudiants en médecine pourront bénéficier, si Jean-Luc Mélenchon est élu, d'une "garantie d'autonomie de 1063 euros".
S'agissant de l'hôpital, Philippe Poutou, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan se prononcent pour l'arrêt "immédiat" des fermetures de lits. D'autres, comme Jean Lassalle, Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon, souhaitent en réouvrir. Les candidats proposent également de recruter du personnel : 100.000 hospitaliers supplémentaires pour Philippe Poutou, Jean-Luc Mélenchon, Jean Lassalle et Fabien Roussel, tandis que Yannick Jadot propose 100.000 infirmières en plus en trois ans. Eric Zemmour propose quant à lui de recruter 40.000 "personnels hospitaliers" et Valérie Pécresse 25.000 soignants. Marine Le Pen évoque la nécessité de "recruter en masse" et Emmanuel Macron promet un "plan de recrutement d'infirmières et d'aides-soignantes".
Au-delà des propositions du Président-candidat, La République en marche s'appuie aussi sur la revalorisation des rémunérations des personnels de santé, décidée lors du Ségur de la santé. Même si les résultats ne satisfont pas forcément les soignants : "C'est le pire des moments parce qu'on n'a pas encore recruté les nouveaux postes, on commence à voir les effets du Ségur, mais il y a un découragement", a reconnu sur France Bleu Emmanuel Macron qui promet d'élargir encore la portée des mesures déjà prises lors du quinquennat. Plusieurs candidats souhaitent augmenter encore les salaires des soignants : c'est le cas de Jean-Luc Mélenchon, de Marine Le Pen, de Philippe Poutou ou encore d'Anne Hidalgo. Yannick Jadot et Marine Le Pen proposent une hausse de 10% du salaire net des infirmières, pour "atteindre la moyenne européenne", tandis qu'Eric Zemmour souhaite une hausse de 12%. Nicolas Dupont-Aignan, quant à lui, veut prendre en compte la pénibilité du travail du personnel hospitalier par la "création de primes spécifiques".
Même si un cinquième branche de la Sécurité sociale, dédiée à l'autonomie, a été créée, la grande loi relative à la dépendance, longtemps évoquée lors du quinquennat qui s'achève, n'a finalement pas vu le jour. S'il est réélu, Emmanuel Macron entend axer sa politique sur le "maintien à domicile", en créant notamment la "Prime Adapt'", qui prendra en charge jusqu'à 70% du coût des travaux d'adaptation du logement d'une personne âgée. Dans la même logique, Anne Hidalgo a promis de revaloriser l'allocation personnalisée d'autonomie. Eric Zemmour, lui aussi, veut favoriser le maintien à domicile en "simplifiant l'installation des services d'aide à domicile dans chaque département".
Sur la question des Ehpad, sensible depuis la publication du livre "Les Fossoyeurs" du journaliste Victor Castanet, Fabien Roussel promet de créer 300.000 emplois dès 2022. Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, propose 300.000 postes supplémentaires sur plusieurs années dans le secteur médico-social et les Ehpad, tandis que Nicolas Dupont-Aignan souhaite augmenter les effectifs des aides-soignantes et des aides médicaux psychologiques dans ces mêmes établissements. Emmanuel Macron table sur 50.000 infirmiers et aides-soignants en plus d'ici 2027. Anne Hidalgo réclame quant à elle une présence humaine "plus importante" dans les Ehpad.
Marine Le Pen veut pour sa part un médecin coordonnateur dans chaque établissement et une infirmière "présente 24 heures sur 24", tandis qu'Eric Zemmour veut construire "400.000 nouvelles places en Ehpad à horizon 2030". Pour financer sa politique en matière d'autonomie, Fabien Roussel propose de créer une "contribution solidarité des actionnaires" à hauteur de 2% des dividendes perçus.
Les candidats mettent aussi l'accent sur la prévention : Emmanuel Macron veut créer un "bilan de santé complet et gratuit aux âgés clés" (25, 45 et 60 ans), alors qu'Anne Hidalgo évoque un "grand plan de prévention et de prise en charge des maladies chroniques". Valérie Pécresse, qui veut "doubler les moyens alloués actuellement à la prévention", entend confier cette politique aux départements. Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan veulent, quant à eux, "reconstruire" la médecine scolaire.
Alors que la majorité à l'Assemblée nationale a voté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2022 le remboursement de séances chez le psychologue, plusieurs candidats proposent des mesures sur la question de la psychiatrie. C'est le cas de Fabien Roussel, qui propose une "loi cadre sur le domaine" ou encore de Jean-Luc Mélenchon, qui propose un "plan national de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie". Anne Hidalgo assure que "la santé mentale sera la grande cause de [son] quinquennat". Yannick Jadot promet d'ouvrir 10.000 lits en cinq ans et Valérie Pécresse veut créer un "institut de la santé mentale".
Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot proposent de légaliser le cannabis : les deux candidats veulent affecter les recettes de la taxe perçue sur les ventes à des programmes de lutte contre les addictions. Fabien Roussel et Anne Hidalgo prônent quant à eux le dialogue : le premier évoque un "débat démocratique" et la seconde une "conférence du consensus" sur ce sujet. Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Eric Zemmour prônent de leur côté la fin de l'aide médicale d'Etat (AME) pour la remplacer par une prise en charge des soins urgents. Les trois candidats proposent aussi de mettre en oeuvre des cartes vitales biométriques pour lutter contre la fraude aux prestations sociales.
Enfin, Valérie Pécresse veut créer un congé spécifique de deux jours sur prescription médicale pour les femmes ayant des "règles douloureuses". La candidate des Républicains veut aussi reconnaître l'endométriose comme "affectation de longue durée", une mesure qui recoupe les demandes d'une résolution de La France insoumise récemment votée à l'Assemblée nationale. Le gouvernement a, par ailleurs, lancé en février son premier "comité de politage" sur cette question.