Réunis à Nîmes dans le cadre des journées parlementaires de leur groupe, les députés Les Républicains ont vu défiler les cinq responsables politiques qui, de Valérie Pécresse à Xavier Bertrand, prétendent porter les couleurs de la droite à la prochaine élection présidentielle.
À Nîmes, la météo prévoyait des orages... Mais finalement pas de pluie, jeudi 9 septembre, pour le début des journées parlementaires des Républicains. De quoi satisfaire Damien Abad, le président du groupe LR à l'Assemblée, qui a réussi à réunir tous les candidats de droite déclarés à l'élection présidentielle. Michel Barnier, Valérie Pécresse, Philippe Juvin, Éric Ciotti jeudi et Xavier Bertrand vendredi ont accepté de se prêter au jeu du grand oral devant une bonne soixantaine de députés les Républicains, le premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale.
Ils ont tous répondu présents, mais n'en restent pas moins en désaccord sur le meilleur moyen pour les départager. Une primaire, à laquelle refuse de se soumettre Xavier Bertrand ? Un mode de départage "mortifère" pour certains, "moins mauvaise des solutions" pour d’autres. Et si primaire il y a, faut-il l'ouvrir à tous les Français ? Aux sympathisants de la droite et du centre ? Ou bien aux seuls adhérents ? LR doit arrêter le 25 septembre, jour de son congrès, le mode de départage de son candidat, et espère n'avoir qu'un nom à présenter aux électeurs d'ici fin 2022. En attendant, tous ont pu défendre leur projet.
A Nîmes, Valérie Pécresse est venue pour marquer des points. La présidente de la région Île-de-France ne joue plus véritablement sur son terrain puisqu'en 2019, elle a rendu sa carte du parti et a fondé son mouvement "Libres!" Se sent-elle néanmoins en famille, entourée de dizaines de députés Les Républicains ? "C'est une grande famille recomposée", glisse-t-elle. Un pied dehors, mais toujours un pied dedans : comme d'autres personnalités de la droite, Valérie Pécresse est favorable à la primaire.
Elle laisse aux parlementaires le loisir de se prononcer sur le mode de départage, mais prévient : "Ne venez pas pleurer si vous choisissez le mauvais !". Et l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy ajoute : "Un congrès des LR ne va pas susciter l'enthousiasme des foules, parce que ça ne sera que les militants", alerte-t-elle. "Je plaide pour une primaire ouverte parce que je pense que ça peut réinteresser du monde et nous permettre de construire une grande alternance. C'est aussi plus intéressant parce qu'on s'adresse à un public plus large", lance Valérie Pécresse, avant de se montrer rassurante sur la capacité de la droite à s'unir : "Ne vous en faites pas. À la fin il n’y en aura qu’un seul.... ou une seule"
Sur le fond, devant les élus, la présidente de la région Île-de-France a déroulé son projet de "fierté française retrouvée." Valérie Pécresse a vilipendé "les gauchistes, les wokes (personnes se revendiquant progressistes en se disant conscientes des oppressions vécues par les minorités, NDLR), les écologistes" et taclé Emmanuel Macron, un "communautariste à l'anglo-saxonne" qui "ne fera rien sur l'immigration" et qui a "cramé la caisse" sur le plan économique.
Il le répète : il est le candidat du "respect". L'ex-négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit ne veut pas céder aux petites phrases et prône le rassemblement. "Ce serait impardonnable de ne pas être uni", prévient-il, tentant de se démarquer par rapport à Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, ses deux principaux concurrents. À la différence des deux présidents de régions, lui n’a jamais quitté Les Républicains. Et à la différence de l'ancien ministre de la Santé, Michel Barnier accepte de se soumettre aux règles d'une primaire. "C'est la moins pire des solutions", estime-t-il.
Profitant de l'absence de Laurent Wauquiez dans la course, Michel Barnier jouit d’une popularité grandissante parmi les parlementaires de droite. Selon les informations de France Télévisions, 41 des 259 députés, sénateurs et eurodéputés LR auraient une préférence pour l'ancien "Monsieur Brexit." "Il incarne une valeur refuge pour ceux qui ne veulent pas choisir entre Xavier Bertrand et Valérie Pécresse", décrypte un ténor du parti. Mais Michel Barnier ne fait pas encore l'unanimité. En coulisses, on tacle son côté austère : "Il ne donne pas envie." Un sévère point faible aussi identifié par ses partisans, qui n’hésitent pas à lui conseiller de "taper du poing sur la table" comme s'il avait Boris Johnson en face de lui.
Côté propositions, Michel Barnier a déroulé ses projets de référendum sur l'immigration et de restauration de la confiance des Français. "Nous ne laisserons pas à d'autres l'exigence de la sécurité publique, du travail et du mérite. Je ne laisserai pas le défi climatique aux écologistes", ni "la fierté nationale à Madame Le Pen", a-t-il affirmé.
Les autres candidats LR déclarés, Eric Ciotti et Philippe Juvin ont, quant à eux, profité de l'occasion pour défendre leur ambition de représenter leur camp en 2022. Philippe Juvin a mis en avant ses trois expériences politiques et professionnelles : député européen (de 2009 à 2019), élu local (maire de La Garenne-Colombes depuis 2001) et médecin (chef des urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou). Mais son profil ne convainc pas encore les Français. Selon un récent sondage commandé par Le Figaro, Philippe Juvin obtient 5% des intentions de vote lorsqu'il est testé comme candidat au premier tour de l'élection présidentielle.
À droite toute, Eric Ciotti, selon la même enquête d'opinion, obtiendrait 7% des voix. Et crée la polémique. Il y a quelques jours, le député des Alpes-Maritimes a indiqué qu'en cas de duel Emmanuel Macron - Eric Zemmour au second tour de l'élection présidentielle, il voterait pour le polémiste médiatique, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale. Devant les journalistes, Eric Ciotti ne s'est pas justifié sur ces déclarations. "Le seul candidat qui peut troubler le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est un candidat de la famille des Républicains", a-t-il en revanche martelé, se disant optimiste sur le choix de la méthode de départage : "Il n’y aura qu’un candidat. Nous n’avons pas le choix, c’est une obligation."
Très attendu, Xavier Bertrand est arrivé jeudi soir pour un dîner avec les autres candidats et les principaux responsables du parti. Le président de la région Hauts-de-France a défendu son projet le lendemain matin. Se voulant le candidat "de la République des territoires" avec l'objectif de reconquérir les classes moyennes et les catégories populaires, il reconnaît avoir "plus d'efforts à faire" vis-à-vis de sa famille politique : Xavier Bertrand a quitté Les Républicains en 2017.
Mais il a donné des gages à sa famille politique : "Je sais qu'à aucun moment, il ne faudra tomber dans le piège de la division. Quand on regarde le talent de Valérie (Pécresse), la hauteur de vue de Michel (Barnier), la connaissance de Philippe (Juvin) et la détermination d'Eric (Ciotti). Et puis aussi Laurent (Wauquiez)", lance Xavier Bertrand. Son départ du parti s'était pourtant fait sur fond de désaccord avec la ligne politique de Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes qui était alors aussi à la tête de LR. "C'est vrai qu'on a eu souvent des différences, reconnait-il, mais je n'imagine pas qu'on puisse faire campagne sans Laurent ou que l'on puisse à nouveau diriger le pays sans des talents comme les siens."
Si le président des Hauts-de-France a réitéré son choix de ne pas participer à une primaire, il a fait un pas vers ses anciens camarades, ne semblant pas défavorable à l’idée de participer à un congrès du parti. "Il acceptera un vote en congrès s'il est désigné candidat par le Bureau politique", décrypte un fin connaisseur du dossier. Le candidat à l’élection présidentielle a pris soin de ne pas égratigne les autres prétendants allant même jusqu’à proposer un pacte de non-agression. "Je suis celui qui veut vous faire gagner, je ne serai jamais celui qui vous fera perdre", promet-il.