Les commissions du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat ont voté en faveur de la nomination de l'ancien Premier ministre au poste de PDG de la RATP (52 pour, 27 contre, 10 blancs). "Ma priorité des priorités, c'est le coeur de métier, et le coeur de métier, c'est répondre aux attentes des usagers", a indiqué Jean Castex qui a fixé comme "urgence absolue" le rétablissement "de la continuité et de la qualité du service".
L'Assemblée nationale et le Sénat se sont prononcés en faveur de la nomination de Jean Castex à la tête de la RATP. Les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, qui ont auditionné l'ancien Premier ministre mercredi matin, ont soutenu dans la foulée sa candidature (34 pour, 19 contre, 8 blancs). Les sénateurs ont fait le même choix (18 pour, 8 contre, 2 blancs). En tout, Jean Castex, dont la nomination était proposée par Emmanuel Macron, a reçu 52 soutiens de parlementaires (27 votes défavorables et 10 abstentions), ce qui ouvre la voie à sa nomination prochaine en Conseil des ministres.
"Il m'a été proposé de me porter candidat à cette fonction, ce que j'ai fait sans hésiter", a-t-il expliqué devant les députés. "J'ai toujours eu une appétence très forte pour les transports", a encore ajouté l'ex-Premier ministre, qui a rappelé qu'il avait été candidat à la fonction de PDG de la RATP en 2019. "Ma motivation, c'est de servir le service public de mon pays", a-t-il souligné.
La décision du Parlement de valider la candidature de Jean Castex est "une bonne nouvelle pour la RATP et pour le transport à l'échelle nationale et internationale", a salué le président de la commission du développement durable, Jean-Marc Zulesi (Renaissance), interrogé par LCP. L'ancien Premier ministre a reçu le soutien des groupes "Renaissance", "Démocrate" et "Horizons", Xavier Albertini (Horizons) saluant par exemple une "personnalité respectée et reconnue".
Sa nomination a toutefois été critiquée par la députée "Rassemblement national" Alexandra Masson, qui a rappelé que Jean Castex venait tout juste d'être nommé à la tête de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) : "Est-ce l'ennui, la quête du meilleur salaire ou la recherche du meilleur pantouflage qui motive votre arrivée à la RATP ?", a demandé l'élue. La député "Socialistes" Fatiha Keloua Hachi lui a adressé un reproche similaire, rappelant que Jean Castex avait été nommé à la tête de l'AFIT en remplacement de Christophe Béchu, l'actuel ministre de la Transition écologique. La députée a dénoncé un "véritable jeu de chaises musicales" qui "nuit au pacte républicain" en "cultivant dans l'esprit de nos concitoyens l'image d'un entre-soi".
Des critiques prises avec philosophie par Jean Castex : "Si [vous ne voulez] pas me nommer à la RATP, ce n'est pas en raison de mon incompétence, c'est déjà ça."
Plusieurs députés ont également évoqué les conditions posées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) au sujet de cette nomination. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui veille notamment à l’absence de conflits d’intérêts relatifs à l’exercice de fonctions de certains responsables publics, a validé la nomination de Jean Castex en l'assortissant de contraintes strictes. L'ex-chef du gouvernement devra ainsi s'abstenir de "toute démarche, y compris de représentation d'intérêts", auprès "des membres du Gouvernement en exercice qui l’étaient également lorsqu’il était Premier ministre ainsi que des membres de son cabinet qui occupent encore des fonctions publiques" pendant trois ans. Une limitation qui s'applique donc à l'actuelle Première ministre, Elisabeth Borne, et au ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune.
Jean Castex a précisé mercredi que ces restrictions ne s'appliquent qu'"en matière d'ouverture à la concurrence" : "Tous les autres sujets ne sont pas concernés par ces réserves", a expliqué l'ancien Premier ministre, qui assure que l'avis de la HATVP n'a pas "été bien compris".
"Je me conformerai à [cette] décision", a-t-il précisé, tout en affirmant que Christophe Béchu, qui n'était pas membre du gouvernement quand il le dirigeait, serait son "point d'entrée unique sur ces sujets d'ouverture à la concurrence". Des explications qui n'ont pas convaincu l'écologiste Lisa Belluco : "Ces conditions ne vous permettront vraisemblablement pas d'exercer les missions liées à ce poste correctement."
Jean Castex sera nommé dans quelques jours à la tête de la RATP dans un contexte qu'il a lui-même qualifié de "difficile". L'ancien locataire de Matignon a évoqué la "problématique" de "la qualité et de la continuité du service", une "urgence absolue". Ainsi, en octobre, "25% de l'offre de bus n'a pas pu être réalisée". Des problèmes qui s'étendent au métro : "Dans un certain nombre de lignes, il y a aujourd'hui des difficultés."
Selon lui, ces problèmes résultent de "difficultés liées à des disponibilités de personnels", la RATP ayant des "difficultés pour recruter". Jean Castex a également évoqué un "taux d'absentéisme plus élevé qu'à l'accoutumée". L'ancien Premier ministre n'a pas souhaité accabler la direction sortante : "S'il n'y avait que la RATP qui avait des problèmes pour recruter, ça se saurait."
Jean Castex souhaite trouver des solutions avec la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, qui dirige également Ile-de-France mobilités, de manière "consensuelle". L'ancienne candidate à l'élection présidentielle a récemment mis la pression sur la RATP en déclarant qu'"il [était] temps de revenir à 100% de l'offre d'avant-Covid". "Les responsabilités, nous devons les assumer ensemble", a réagi Jean Castex.
L'ancien Premier ministre estime toutefois que "la balle est complètement dans le camp de la RATP pour lutter à la fois contre l'absentéisme et procéder à des recrutements". Jean Castex se donne trois semaines après sa nomination pour trouver des "leviers complémentaires", tout en rappelant qu'il n'a pas de "baguette magique" : "Il y a nécessairement un temps entre l'acte de recrutement et le fait que le machiniste soit dans son autobus en train de le conduire." Le futur président de la RATP a précisé son ambition : "L'idée c'est de retrouver le niveau de l'offre et de repartir de l'avant par des investissements massifs." Pour autant, même si "le service public doit rester le service public", Jean Castex estime que celui-ci ne doit pas "craindre les mots concurrence, efficience, compétitivité".
Par ailleurs, l'ancien Premier ministre a rappelé que la hausse des prix de l'énergie risquait d'avoir des conséquences importantes pour la RATP, qui représente "à elle seule 2% de la consommation énergétique d'Ile-de-France". Selon lui, la facture qui s'élevait en 2021 à 210 millions d'euros devrait être de 265 millions d'euros en 2022 et pourrait "osciller en 2023 entre 480 et 550 millions d'euros". "Il va falloir se positionner vite et voir avec [Ile-de-France mobilités] et l'Etat quelles solutions peuvent être trouvé", a prévenu Jean Castex.