Sécurisation du droit de fouille des douaniers, modernisation de leurs moyens d'action, lutte contre les trafics et la contrebande... L'Assemblée nationale a entamé, lundi 19 juin, l'examen d'un projet de loi "visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces".
Il y a urgence à légiférer. Au 1er septembre 2023, les agents des douanes ne pourront plus user de leur "droit de visite" : fouiller les personnes et les véhicules. En cause, une décision du Conseil constitutionnel, qui, en septembre dernier, a jugé que le code des douanes ne détaillait pas suffisamment cette procédure. Les Sages ont laissé un an à l'exécutif pour proposer une réécriture de l'article incriminé - le 60 -, sur lequel repose une grande partie de l'activité des douaniers.
Le gouvernement a donc préparé et présenté un projet de loi "visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces". Après avoir été adopté en première lecture au Sénat en mai dernier, le texte est examiné depuis ce lundi 19 juin après-midi dans l'hémicycle de l"Assemblée. Il propose une refonte de l'article 60, qui était resté inchangé depuis 75 ans, en encadrant de manière plus explicite le droit de visite des agents. "Ce projet de loi est attendu, parce qu'il est essentiel pour les 17 000 agents des douanes", a souligné à la tribune le ministre délégué chargé des Comptes public, Gabriel Attal.
"Ce texte est bien plus qu'un projet de mise en conformité, c'est un texte de mobilisation générale contre tous les trafics, et un texte de soutien total à nos douaniers qui agissent chaque jour pour nous protéger, pour protéger nos frontières", avait-il aussi affirmé il y a un mois au Sénat.
Concrètement, le projet de loi autorise les douaniers à effectuer des fouilles aux frontières, ainsi que dans la zone tampon, située jusqu'à 40 km à l'intérieur du territoire. Ce droit s'appliquera également dans les ports, aéroports et gares, qui ont des dessertes à l'international, et dans les zones situées à proximité. Gabriel Attal a mis en garde les députés contre toute volonté de vouloir faire évoluer ce périmètre, notamment du fait des risques d'inconstitutionnalité.
Sur le reste du territoire, la fouille devra être "motivée" : les douanes devront informer au préalable le procureur de la République. Un douanier pourra également procéder à une fouille à condition d'avoir des "raisons plausibles" de soupçonner une infraction ou une tentative de commission d'infraction.
Mais le projet de loi n'opère pas seulement l'aggiornamento du droit de visite. Il s'attaque particulièrement à la contrefaçon et au trafic de tabac, en renforçant les peines prévues, et élargit l'utilisation des drones aux frontières contre ce trafic.
Une expérimentation est, par ailleurs, prévue pour allonger la conservation des données des lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (Lapi), à quatre mois maximum. L'objectif étant de mieux repérer les convois de trafiquants et leur comportement, a indiqué Gabriel Attal.
Le texte adapte plus largement les moyens des douaniers face aux progrès technologiques, en sécurisant la saisie et l'exploitation des preuves numériques, en permettant à la douane la capacité de faire cesser la diffusion de contenus illicites en ligne ou encore en s'attaquant au blanchiment par le biais de crypto-actifs.
Le ministre délégué chargé des Comptes public a également annoncé qu'il souhaitait proposer des modifications substantielles sur plusieurs points du texte adopté par le Sénat fin mai. Il s'agit notamment d'acter la transformation du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en Office national anti-fraude aux finances publiques (Onaf), annoncée dans le cadre de la feuille de route de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Par ailleurs, un amendement renforce le cadre de saisie par les douaniers des produits chimiques "précurseurs", souvent légaux mais qui servent à fabriquer des drogues de synthèse.
Plusieurs députés de la Nupes ont soulevé des doutes quant à la création d'une réserve opérationnelle douanière, regrettant que l'administration ne bénéficie pas de la garantie de récuper des moyens supplémentaires. "C'est un projet mortifère et dangereux", a affirmé Charlotte Leduc (La France insoumise), évoquant une "douane au rabais". "Alors que le besoin en moyens humains est manifeste, recourir à une réserve opérationnelle sans augmenter les effectifs ne peut cacher le caractère budgétaire de la mesure", a pointé Éric Coquerel (La France Insoumise).
Appelant lui aussi à privilégier l'augmentation des effectifs, Mickaël Bouloux (Socialistes) a en outre alerté sur les incertitudes qui pèsent sur le port d'arme des futurs réservistes. Quant à Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine), il a critiqué une mesure jugée relever du "cache-misère" en vue des Jeux olympiques de Paris.