La commission des affaires sociales a adopté, dans la nuit de mercredi 13 à jeudi 14 octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. L'occasion notamment, de débattre des difficultés de l'hôpital, à un moment où la crise sanitaire semble sous contrôle, sans être éteinte pour autant. Le texte sera discuté dans l'Hémicycle de l'Assemblée à partir du 20 octobre.
Il s'agit du dernier PLFSS de la législature, dont les débats, cette année comme la précédente, sont marqués par la crise sanitaire et ses conséquences.
Amorcée mercredi matin, la discussion a d'abord été l'occasion d'une longue mise au point de la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, à propos de la recevabilité des amendements proposés par les députés. Sur les 1060 déposés, 600 ont été déclarés irrecevables, soit 55% d'entre-eux. Une "proportion comparable à celles des années précédentes", selon la député La République en marche.
Sa prise de parole n'a pas empêché de vives critiques venant de l'opposition : selon la députée La France insoumise Caroline Fiat, le taux d'irrecevabilité est en réalité supérieur à l'année précédente (57% contre 51%). Joël Aviragnet (Socialistes) et Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) ont quant à eux indiqué que certains de leurs amendements refusés cette année avaient été acceptés en 2020. "Nous ne méritons pas d'être traités ainsi", a regretté Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), Stéphane Viry (Les Républicains) dénonçant une méthode "inacceptable".
Le député socialiste Boris Vallaud a pour sa part rappelé que les députés ne disposent toujours pas des "annexes 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 10" du texte. Le rapporteur Thomas Mesnier lui a répondu avoir "formulé cette demande auprès du gouvernement dans les jours précédents" : "Je ne doute pas qu'il répondra à ma sollicitation très prochainement."
L'examen du PLFSS a été l'occasion pour les députés de débattre de l'état des hôpitaux français et de la responsabilité politique des différentes majorités au pouvoir depuis "des décennies". La discussion a été amorcée par la prise de parole du rapporteur du texte, Thomas Mesnier, qui a rappelé que l'objectif national de dépense d'assurance maladie (Ondam) hospitalier de 2022 (+2,7%) est "construit en n'intégrant aucun impératif d'économies" : "Nous pouvons être fiers de ce que nous faisons pour l'hôpital."
"Depuis quatre ans, on a compressé les dépenses hospitalières de manière régulière et considérable", a réagi Pierre Dharréville, qui estime que les mesures de ce PLFSS "ne font pas le compte, compte tenu de tout ce que nous avons traversé auparavant". "Vous ne pouvez pas dire que vous êtes fiers de ce que vous faites pour les hôpitaux", a elle aussi déclaré Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), qui a parlé d'une situation "catastrophique". "Il n'y a pas un hôpital qui relève la tête", a surenchérit Caroline Fiat (La France insoumise).
La majorité, qui a reconnu comme Nicolas Turquois (MoDem) la "souffrance" de l'hôpital, a expliqué, par le biais d'Annie Vidal (La République en marche), que la situation était le résultat de "politiques conduites pendant des décennies". "La responsabilité de cette affaire est largement partagée", a lui aussi estimé le rapporteur Thomas Mesnier. Le député MoDem Philippe Vigier a pour sa part évoqué une "coresponsabilité collective", mettant en avant les Ondam votés sous le quinquennat de François Hollande.
"Vous n'êtes pas arrivés hier, vous êtes en train de terminer un quinquennat", a réagi le député socialiste Boris Vallaud. Le député Les Républicains Jean-Carles Grelier a rappelé que l'actuel ministre de la Santé Olivier Véran avait fait partie de la précédente majorité socialiste. Le dernier mot est revenu à Caroline Fiat : "Le gouvernement Macron, c'est des anciens Républicains et des anciens socialistes", a lancé la députée LFI.
Les députés ont adopté un amendement MoDem demandant au gouvernement de remettre chaque année au Parlement un rapport sur le dispositif de soutien aux hôpitaux publics, notamment vis-à-vis de la reprise de leur dette.
Autre amendement adopté : celui du rapporteur Thomas Mesnier, qui supprime la "surcotisation salariale sur la prime de feu dont bénéficient les sapeurs-pompiers". Cette suppression devrait entraîner une hausse de salaire supplémentaire d'"environ 50 euros par mois".
Caroline Fiat a plaidé pour un rattrapage des salaires des personnels soignants, la France étant selon elle "à la traîne", en raison notamment du gel du point d'indice acté en 2010 et reconduit sur plusieurs années, entraînant une faible attractivité des métiers.
La rapporteure Caroline Janvier a répondu en martelant les chiffres : "Le PLFSS 2022 ce sont 560 millions d'euros de nouvelles revalorisations salariales, dont 160 millions pour les revalorisations des catégories C, dont nous allons revoir les grilles indiciaires, 120 millions d'euros pour les aides-soignants. Ces nouvelles dotations s'ajoutent aux revalorisations salariales du Ségur. Sur la période 2020-2022, cela représente près de 10 milliards d'euros de revalorisations pour les métiers de la santé et du médico-social".
François Ruffin (LFI) a défendu une série d'amendements consacrée aux auxiliaires de vie sociale. Partant du constat que de nombreux représentants de la profession n'atteignent pas un salaire équivalent au SMIC à temps plein, voire vivent sous le seuil de pauvreté, le député de la Somme a souhaité mettre en place un "tarif socle", limiter le temps partiel subi, et favoriser le droit à la formation de ces acteurs du soin. Bien que Caroline Janvier lui ait donné raison sur le fond, la rapporteure a considéré que le PLFSS n’était pas le véhicule législatif adapté. Ces amendements n'ont pas été adoptés.
Le prolongement au-delà d'octobre 2022, pour une durée de trois ans, de l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR), sur le modèle de celles qui existent à Paris et à Strasbourg, a fait l'objet de l'opposition de la droite. Thibault Bazin (LR), a présenté un amendement de suppression, arguant que ces structures participaient d'une "politique incitative" en matière de consommation de drogues.
Le rapporteur général lui a répondu en saluant le travail récent de la mission-flash menée par son collègue du groupe Les Républicains Stéphane Viry et Caroline Janvier, qui avait souligné les bénéfices des SCMR en matière de diminution des pratiques à risque. "Ceux qui pensent qu'il s'agit d'une politique de promotion des drogues sont souvent dans la caricature, il s'agit bien d'une prise en charge médico-sociale ambitieuse", a ainsi déclaré Thomas Mesnier, avant d'ajouter qu'à contre-courant des idées réçues, nombre de riverains constataient une diminution des injections dans l'espace public, et une amélioration de leur quotidien.
L'article consacré à l'accès gratuit à la contraception jusqu'à 25 ans a été adopté sans encombre, enrichi d'un amendement issu de la République en marche visant à promouvoir la contraception masculine.
Plusieurs députés ont déploré un examen du texte "bâclé". "On n'a pas eu une étude approfondie et de qualité aujourd'hui", a notamment regretté Thibault Bazin. Le PLFSS pour 2022 a été adopté aux environs d'une heure du matin, avant un examen en séance à partir du 20 octobre prochain.