L'Assemblée nationale examine, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le gouvernement prévoit une aggravation du déficit des comptes sociaux sous l'effet de l'épidémie de Covid-19, tandis que l'opposition de gauche dénonce des "coupes budgétaires".
Les députés ont entamé, lundi, l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Le texte, exceptionnel à bien des égards en raison de la pandémie de Covid-19, a déjà vu ses équilibres financiers modifiés lors de son passage au Sénat.
En raison d'"hypothèses macroéconomiques" défavorables, le gouvernement a annoncé lundi une nouvelle aggravation du "trou de la Sécu".
Le PLFSS, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, prévoyait un déficit des comptes de la Sécurité sociale de 46,6 milliards d'euros en 2020 : les sénateurs ont adopté un amendement du gouvernement le faisant passer à 49 milliards d'euros.
Lundi, le ministre délégué chargé des Comptes publics Olivier Dussopt a également annoncé une dégradation plus importante que prévue pour l'année prochaine : le déficit des comptes de la Sécurité sociale sera en 2021 de 35,7 milliards d'euros, "soit une dégradation de 7,8 milliards par rapport à la précédente prévision". Ces mauvais chiffres sont essentiellement dus à "la contraction de la masse salariale dans le secteur privé", a précisé le ministre.
Les députés ont adopté lundi après-midi des amendements du gouvernement visant à modifier le dispositif d'exonérations sociales pour les entreprises touchées par le couvre-feu et le confinement. Ainsi, les clubs sportifs professionnels n'auront pas besoin de justifier d'une baisse de leur activité pour bénéficier du dispositif. Les artistes-auteurs bénéficieront, eux aussi, de celui-ci.
Les députés ont également adopté un amendement prévoyant que le dispositif pourra être prolongé, si nécessaire, au-delà du mois de décembre 2020 par un simple décret. En tout, a précisé Olivier Dussopt, 3 milliards d'euros supplémentaires seront débloqués pour financer ces mesures.
L'Assemblée nationale avait voté en première lecture une enveloppe supplémentaire de 2,4 milliards d'euros sur l'année 2020 afin de permettre aux hôpitaux de faire face à la deuxième vague de l'épidémie. Les sénateurs ont, à l'initiative du gouvernement, gonflé cette enveloppe de 800 millions d'euros, afin de "couvrir les dépenses liées à l’augmentation du nombre de tests PCR et au déploiement des tests antigéniques".
Lundi, le ministre de la Santé Olivier Véran s'est par ailleurs félicité du vote conforme par les sénateurs de l'article prévoyant une hausse salariale pour les personnels de santé : "Celle-ci est de 183 euros nets de plus par mois au sein des Ehpad publics et privés non lucratifs et de 160 euros nets au sein des Ehpad privés lucratifs."
Le ministre de la Santé a en revanche demandé aux députés de revenir sur la décision du Sénat de supprimer la reprise de dette des hôpitaux : "Par ce vote du Sénat, ce sont 13 milliards d'euros en soutien des hôpitaux qui ont disparu du PLFSS."
Lors de son examen du texte, le Sénat a adopté un amendement qui préconise d'engager une réforme des retraites en réunissant une conférence de financement chargée de "formuler des propositions". En cas d'échec des négociations, l'amendement prévoit de repousser l'âge légal de départ à la retraite jusqu'à 63 ans en 2025 mais aussi d'accélérer l'allongement de la durée de cotisations pour atteindre 43 annuités dès la génération 1965.
Un ajout sénatorial que les députés de la majorité ont prévu de supprimer. "[Cette disposition] ne me semble pas trouver sa juste place dans ce PLFSS", a commenté lundi le ministre de la Santé Olivier Véran. "Il est prématuré de s'engager dans cette voie sans un débat préalable très large avec les partenaires sociaux et les Français", a ajouté le ministre délégué chargé des Comptes publics Olivier Dussopt.
Autre dispositif du texte : la création d'un "forfait" de 18 euros à la charge des patients se rendant aux urgences sans être ensuite hospitalisés, et qui sera pris en charge par les complémentaires santé. Les sénateurs ont souhaité exonérer totalement les personnes souffrant d'une affectation de longue durée (ALD), contrairement aux députés, qui avaient prévu en première lecture un forfait réduit à 8 euros.
Les sénateurs ont par ailleurs validé le doublement du congé paternité, qui passera en juillet de 14 à 28 jours (dont 7 obligatoires). 27 autres articles ont été adoptés conformes par le Sénat.
Les sénateurs ont, par ailleurs, approuvé la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à l'autonomie. "Il faut souligner l'avancée historique que constitue [...] cette branche spécifique", s'est félicitée lundi la députée Audrey Dufeu (La République en marche).
"De nombreuses questions et inquiétudes subsistent sur son financement", a toutefois rappelé Valérie Six (UDI et indépendants), qui craint que cette création ne "change rien au quotidien" des personnes dépendantes.
De son côté, la députée apparentée MoDem Perrine Goulet a affirmé son souhait de réintroduire dans le texte l'expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales.
Fermement opposée au texte, la députée La France insoumise Caroline Fiat a dénoncé lundi les "coupes budgétaires" du gouvernement, qui souhaite "retirer 4 milliards d'euros à l'Assurance maladie pour 2021".
Avec vous, nos hôpitaux doivent faire toujours plus sans que les moyens suivent, comme l'an dernier vous prévoyez de leur retirer 800 millions d'euros. Caroline Fiat
"Ce PLFSS n'est pas en phase avec les besoins, n'est pas en phase avec le moment, n'est pas à la hauteur des enjeux", a déploré le député communiste Pierre Dharréville.
"Le Ségur pour lequel le gouvernement et la majorité se distribuent des satisfecit n'est qu'un rattrapage d'ores et déjà insuffisant face aux besoins présents et futurs", a quant à elle estimé Martine Wonner (Libertés et Territoires).
De leur côté, les députés Les Républicains ont déploré l'absence de mesures fortes pour la santé mentale alors que les vagues successives de Covid-19 et leurs conséquences font craindre des dégâts en la matière : "Pas un centime supplémentaire n'y est consacré dans ce PLFSS", a déploré Jean-Carles Grelier (apparenté LR).
La prise de conscience du mal-être des Français ne peut-être seulement déclarative. Martine Wonner
Comme lors de la première lecture, Jean-Carles Grelier a regretté que la négociation conventionnelle entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie soit "renvoyée aux calendes grecques". "Décaler à 2023 la signature d'une nouvelle convention n'est pas de bonne politique", a ajouté Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble). Cette négociation, initialement prévue en octobre 2021, doit notamment permettre de mettre en oeuvre de nouvelles grilles tarifaires.
La discussion générale a été l'occasion pour le socialiste Joël Aviragnet d'interpeller le gouvernement sur la future campagne de vaccination contre le coronavirus. "Rien n'a été précisé par le gouvernement quant à l'envergure et les objectifs envisagés par cette campagne en France", a déploré l'élu.
Autant d'incertitudes qui, selon lui, "empêchent de fait la production d'une estimation précise et réaliste du coût d'une campagne de vaccination pour l'instant budgétisée à 1,5 milliard d'euros".