Lors de l'examen des crédits pour le plan de relance dans la nuit de lundi à mardi, la majorité a fait voter un amendement pour demander des "engagements" aux entreprises. L'un d'entre eux impose un bilan des gaz à effet de serre aux seules PME. Une mesure "gadget" pour la gauche, une "complexité administrative" de plus pour la droite.
Amendement cosmétique ou réelle volonté de poser un cadre nouveau pour les entreprises ? La majorité a fait valoir au milieu de la nuit de lundi à mardi ses propositions pour améliorer la "performance" du secteur privé en "matière écologique, de parité et de gouvernance". Mais la marge de manœuvre du groupe majoritaire était plus que limitée, dans la mesure où le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait marqué sa nette opposition au conditionnement des milliards d'aides, de prêts et de baisses d'impôts contenus dans le projet de loi de finances pour 2021.
Défendu par Alexandre Holroyd (LaREM), l'amendement impose aux sociétés de plus de 50 salariés de publier le détail des résultats obtenus à l'Index de l'égalité professionnelle avec des objectifs de progression. Aujourd'hui seule la note globale est publique.
Il prévoit ensuite d'associer le comité social et économique (CSE) "sur le montant, la nature et l'utilisation des aides obtenues par l'entreprise au titre du plan de relance". Les représentants des salariés pourront "en tirer les conséquences dans l'avis qu'ils rendent sur les orientations stratégiques de l'entreprise".
Enfin, le troisième point, le plus discuté, porte sur les efforts que les entreprises doivent fournir en matière de "transparence de leur démarche de transition écologique". Il ne concerne cette fois que les sociétés de 50 à 500 salariés, lesquelles devront publier un bilan d'émission de gaz à effet de serre simplifié avant le 31 décembre 2022 "afin de fournir une vision agrégée de leur empreinte carbone directe". Cette nouvelle obligation pourrait prendre la forme d'un "formulaire" à remplir sur le site de l'Agence de la transition écologique, a explicité le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, favorable à l'amendement.
Pourquoi se limitera-t-elle aux seules PME ? "Les grandes entreprises sont déjà assujetties à des obligations sociales bien plus importantes, qui vont bien au-delà de la question des gaz à effet de serre", a argumenté Alexandre Holroyd. Le chef de file des marcheurs sur le budget espère toutefois que de nouvelles contraintes viendront peser sur les grandes groupes, mais dans le cadre de la révision - encore lointaine - de la directive européenne sur le "reporting non financier des entreprises".
"Le plus effarant, c'est que vous allez demander cela aux petites entreprises, dont on ne cesse de dire qu'elle ne bénéficie pas assez du plan de relance, et vous ne demandez rien pour les grosses", a réagi François Ruffin (LFI) qui a dénoncé "un leurre" de la part de la majorité". Même son de cloche du côté de Dominique Pottier (PS), qui aurait préféré des obligations "beaucoup plus solides" comme l'interdiction du versement d'aides aux entreprises ayant un pied dans les paradis fiscaux. "Cet amendement est un gadget pour calmer la grogne", a enfoncé sa collègue socialiste Christine Pirès Beaune.
Les Républicains se sont également opposés à l'amendement mais pour des raisons différentes : "Cet amendement ne correspond pas à l'ADN que vous défendez depuis 2017", a jugé Laure de la Raudière (Agir). "C'est de la complexité en plus", a tranché Éric Woerth, qui a vu dans cet amendement un "compromis d'équilibre au sein de la majorité". Même le MoDem, par la voix de Jean-Paul Mattei, s'est montré sceptique : "On n'est pas emballé par cet amendement qui ajoute un nouveau seuil qui n'est pas dans l'esprit de la loi Pacte."
L'amendement a finalement été voté et dans la foulée l'ensemble des crédits de la mission budgétaire "Plan de relance", qui débloque 22 milliards d'euros de crédits en 2021, sur les 100 milliards annoncés par le gouvernement de 2020 à 2022.