La proposition de loi visant à "accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France" a pour but de réduire l'écart qui existe en la matière entre l'économie française et l'économie américaine, mais aussi de faciliter l'introduction en Bourse des entreprises à forte croissance. Le texte, adopté ce mercredi 3 avril par les députés commission des finances, sera examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, ce mercredi 3 avril, la proposition de loi visant à "accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France", portée par Alexandre Holroyd (Renaissance). Objectif, selon l'exposé des motifs du texte : favoriser "la croissance de notre tissu de PME, d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de grandes entreprises".
"Si notre pays, grâce aux efforts entrepris depuis 2017, est aujourd'hui la destination privilégiée en Europe de nombreux investisseurs internationaux et d'établissements financiers, nous ne pouvons nier l'écart croissant en matière de financement de nos entreprises entre l'économie européenne et l'économie américaine", a analysé Alexandre Holroyd, soucieux d'améliorer encore "l'attractivité de la place financière de Paris, désormais au premier rang en Europe". Selon le député, "l'amélioration de la compétitivité de la place" s'est déjà "traduite par la création de 7 000 emplois entre 2017 et 2022 dans la seule industrie financière", mais aussi par d'"importantes recettes fiscales supplémentaires".
Le texte propose notamment de "faciliter les introductions en Bourse" en autorisant les sociétés qui le souhaitent à entrer sur le marché boursier "en se dotant d’actions de préférence donnant droit à plusieurs droits de vote pour une action pour une période d’au maximum dix ans, prolongeable de cinq ans".
Une manière de contourner le principe selon lequel une action est égale à une voix : le but de cette mesure étant, selon Alexandre Holroyd, de "permettre à des actionnaires ou à des fondateurs, qui jouent évidemment un rôle particulier dans une entreprise à forte croissance, d'en conserver le contrôle et donc la trajectoire de développement". "De très nombreuses autres places de cotation offrent déjà cette possibilité", a ajouté le rapporteur de la proposition de loi, qui espère ainsi retenir sur le territoire français les entreprises innovantes.
"Beaucoup de chefs d'entreprises, de TPE, de PME ou d'ETI nous disent que le financement de leur croissance n'est pas toujours bien satisfait par le système bancaire quelques fois trop frileux et en même temps ces chefs d'entreprise hésitent à aller sur le marché financier, car ils ont peur de perdre le contrôle de leur entreprise", a justifié Daniel Labaronne (Renaissance). Le groupe Les Républicains, qui a soutenu le texte, a pour sa part "regretté que la proposition de loi ne comporte qu'un certain nombre d'éléments techniques", estimant qu'"elle aurait pu aller largement plus loin".
Lors des débats en commission, Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) a salué "l'ouverture d'un débat intéressant et nécessaire", tout en regrettant l'absence d'étude d'impact (celle-ci n'est obligatoire que lorsqu'il s'agit d'un texte d'origine gouvernementale, ndlr) : "On touche à des choses compliquées (...) une étude d'impact aurait été de bon aloi pour que l'on puisse légiférer en toute connaissance et tout en restant prudent." Charles de Courson (LIOT) a, quant à lui, dénoncé un "projet de loi (à l'initiative du gouvernement, ndlr) déguisé en proposition de loi (à l'initiative d'un député, ndlr)" : "Cela permet, bien sûr, au gouvernement d'éviter toute étude d'impact et tout avis du Conseil d’Etat [et] cette volonté de réduire l'information du Parlement est peu respectueuse des droits de ce dernier."
Au-delà de la méthode, Sophia Chikirou (La France insoumise), s'est montrée très critique sur la philosophie même du texte. "Cette proposition de loi va à l'encontre des intérêts économiques des PME françaises", a-t-elle estimé, dénonçant le "parachèvement de la financiarisation de l'économie". "Certes, [les entreprises] vont être alléchées par l'autorisation de promesse d'actions pour capter des liquidités plus rapidement, mais elles se mettront inexorablement sous l'emprise d'acteurs financiers rapaces et amateurs de rentabilité à court terme", a considéré la députée LFI.
Sur la même ligne, Eva Sas (Ecologiste), a estimé que "notre économie ne sera pas plus forte parce qu'elle sera plus financiarisée et dépendante d'actionnaires qui ne voient dans l'entreprise qu'un actif en capacité de produire des dividendes et des plus-values".
La proposition de loi permet aussi la dématérialisation des "titres transférables". Ces titres sont des écrits "qui représentent un bien ou un droit et qui confèrent à leur porteur le droit de demander l’exécution d’une obligation spécifiée et la faculté de transférer ce droit". Il peut s'agir de lettres de change, de billets à ordre, de polices d’assurance à ordre ou au porteur, ou encore de bordereaux de cession de créances professionnelles. "La numérisation permettrait une économie de 36 documents et de 240 copies en moyenne par transaction, pour un gain de 3,8 milliards d'euros en France d'ici 2030", a précisé Alexandre Holroyd.
En outre, le texte autorise par une dérogation accordée aux sociétés de gestion françaises de transmettre des informations aux autorités de supervision étrangères afin d'obtenir l’agrément permettant d'opérer sur des marchés étrangers et de collecter l’épargne d’investisseur locaux. L'objectif est de permettre à ces sociétés de gestion d'accéder au marché américain, qui représente "la moitié du marché mondial de gestion d'actifs".
Enfin, la commission ds finances a adopté un amendement visant à rétablir la possibilité pour les actionnaires de s'opposer à l'organisation d'une assemblée générale extraordinaire dématérialisée. Ce droit d'opposition, qui était supprimé dans la version initiale de la proposition de loi, pourra être activé par des actionnaires représentant 25% du capital social, contre 5% dans la législation actuelle.
Le texte sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale mardi 9 avril.