Perturbateurs endocriniens : un rapport parlementaire met en garde contre les contenants en plastique

Actualité
Image
Couverture : Perturbateurs endocriniens : un rapport parlementaire met en garde contre les contenants en plastique
par Maxence Kagni, le Mercredi 4 décembre 2019 à 08:00, mis à jour le Mercredi 4 mars 2020 à 17:32

Les députées La République en Marche Claire Pitollat et Laurianne Rossi, rapporteures de la mission d'information sur les perturbateurs endocriniens, proposent notamment d'interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique destinés aux nourrissons et enfants en bas âge. LCP dévoile le contenu de ce rapport.

Mettre en oeuvre le principe de précaution face aux dangers de l'utilisation excessive du plastique. Les députées La République en Marche Claire Pitollat et Laurianne Rossi présentent ce mercredi les conclusions de leur rapport sur "les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique". Ce rapport est issu des travaux de la mission d'information créée sur ce sujet par l'Assemblée nationale et présidée par le député Les Républicains Michel Vialay.

Les deux parlementaires jugent "urgent" d'agir et proposent de tendre vers "l'exclusion de tout matériau" de contact alimentaire ou cosmétique "en matière plastique contenant des perturbateurs endocriniens présumés ou avérés".

Un manque de recul

Selon l'OMS, les perturbateurs endocriniens sont des "substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets néfastes sur celui-ci ou sur ses descendants".

En clair, rappellent Claire Pitollat et Laurianne Rossi, certaines substances chimiques sont capables "d'interagir avec la régulation hormonale des êtres vivants, et sont susceptibles d'entraîner des effets néfastes sur la santé", notamment en termes de croissance, de reproduction, de comportement, de métabolisme...

"Les contenants en plastique sont pour une part importante à l'origine des contaminations constatées pour certains perturbateurs endocriniens", précisent les députées. Or la production mondiale de plastique est passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à 359 millions de tonnes en 2018.

Les deux rapporteures pointent même un "manque de recul" sur la pollution plastique puisque sur les 9 milliards de tonnes produites depuis 1950, près de la moitié date de la période 2000-2016 !

Nous ingérerions cinq grammes de plastiques, soit l'équivalent d'une carte de crédit, chaque semaine, à travers notre alimentation, selon une étude récente publiée par le WWF.Extrait du rapport de la mission d'information

"Imprégnation généralisée de la population"

Le rapport cite les résultats de l'étude Esteban de 2019, menée par Santé publique France. Celle-ci a notamment pour but de mesurer l'exposition à certaines substances dans l'environnement, dont plusieurs perturbateurs endocriniens comme les bisphénols A, S et F, les phtalates, les composés perfluorés et les retardateurs de flamme bromés.

Cette étude, qui sera répétée tous les sept ans, démontre "l'imprégnation généralisée de la population et un niveau d'imprégnation des enfants globalement plus élevé".

Des résultats problématiques puisqu'il est, selon Claire Pitollat et Laurianne Rossi, "de plus en plus vraisemblable" que les perturbateurs endocriniens contenus dans les plastiques (bisphénol A et phtalates) "interviennent comme facteur de risque dans de nombreuses pathologies chroniques" comme les anomalies du développement ou de la reproduction ou les cancers hormono-dépendants.

Les deux députées La République en Marche jugent donc "urgent" d'agir sur "les contenants que nous utilisons quotidiennement et qui présentent le plus d'impacts", c'est-à-dire les contenants alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques.

Principe de précaution

Claire Pitollat et Laurianne Rossi proposent de "réglementer au niveau européen les perturbateurs endocriniens" en trois catégories : les perturbateurs "avérés", les "présumés" et les "suspectés".

Une classification qui permettrait de "mettre en oeuvre une réglementation fondée sur le principe de précaution" : les deux élues veulent "tendre" vers "l'exclusion de tout matériau" de contact alimentaire ou cosmétique "en matière plastique contenant des perturbateurs endocriniens présumés ou avérés".

Elles proposent également d'interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique destinés aux nourrissons et enfants en bas-âge. Elles souhaitent aussi "fixer dès à présent des règles plus strictes et protectrices des femmes enceintes ou allaitantes" et des adolescents.

Après l'interdiction des sacs en plastiques aux caisses des supermarchés (2016), ou celle à venir des pailles en plastique ou des coton-tiges à tige en plastique (2020), Claire Pitollat et Laurianne Rossi veulent "poursuivre la réduction des utilisations des plastiques à usage unique par des mesures d'interdiction et de sensibilisation".

Une meilleure information

Le rapport préconise aussi de "sensibiliser le grand public" à travers de grandes campagnes d'information. Il faut, écrivent les deux députées, "alerter en particulier sur les risques liés au réchauffage des aliments dans des contenants en plastique" mais aussi "diffuser des messages très clairs sur les mauvais usages possibles des bouteilles en plastique".

"La chaleur a un impact majeur", écrivent Claire Pitollat et Laurianne Rossi, qui citent notamment le cas des "sachets de thé en plastique poreux [qui relarguent] de très grandes quantités de plastique dans la boisson lors d'une infusion à 95°c".

Le relargage de certaines substances peut être accru par le passage au four à micro-ondes. Il peut s'agir de plastifiants, d'antioxydants, de monomères, de stabilisants, etc.Extrait du rapport de la mission d'information

Les bouteilles en plastique visées

S'agissant des bouteilles en plastique, les deux députés soulignent qu'il ne faut pas les réutiliser même pour éviter "le gaspillage des ressources".

Leur usage prolongé, leur transport dans des sacs où elles subissent des frottements ou leur conservation dans des voitures où elles risquent de chauffer au soleil constituent un "mésusage qui va générer une diffusion nettement accrue de perturbateurs endocriniens issus du plastique".

Claire Pitollat et Laurianne Rossi mettent également en garde contre le manque de recul dont on dispose sur le recyclage de bouteilles en plastique (r-PET) qui peuvent être contaminées par les encres et les colles utilisées par les industriels.

"La qualité du plastique sélectionné pour le recyclage doit être drastique pour limiter les risques", écrivent les élues, qui proposent d'"établir un suivi sanitaire très précis du r-PET dans le cadre de recyclages successifs".

Nanoplastiques

Claire Pitollat et Laurianne Rossi évoquent aussi la possibilité de créer un "toxi-score" afin de permettre aux consommateurs d'être informés sur la présence de "substances chimiques dangereuses" dans les produits qu'ils achètent, comme cela existe déjà avec le "nutri-score" en matière de qualité nutritionnelle des aliments.

Autre mesure : les deux députées proposent de "faire cesser la distribution de valisettes de produits cosmétiques à titre gratuit dans les maternités".

Claire Pitollat et Laurianne Rossi souhaitent également "accroître les moyens de la recherche sur les perturbateurs endocriniens pour en faire une véritable priorité nationale".

Les deux parlementaires entendent enfin provoquer "des recherches plus poussées sur les nanoplastiques" qui peuvent "franchir la frontière des tissus et des organes" et "sont amenés à être retrouvés en nombre de plus en plus grand au fur et à mesure de la dégradation des plastiques".