Pénuries de médicaments, scandales sanitaires... : la directrice de l'ANSM auditionnée à l'Assemblée

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Christelle Ratignier-Carbonneil LCP 13/12/2023
La directrice de l'ANSM, Christelle Ratignier-Carbonneil, à l'Assemblée, le 13 décembre 2023 (© LCP)
par Marine Cardot, le Jeudi 14 décembre 2023 à 09:37

La directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament, Christelle Ratignier-Carbonneil, a été auditionnée à l'Assemblée nationale et au Sénat, mercredi 13 décembre, dans le cadre de la procédure de reconduction à la tête de l'ANSM.  Elle a notamment été interrogée par les députés sur les pénuries de médicaments, dont l'amoxicilline, qui touchent la France, ainsi qu'au sujet du Levothyrox.

C'était l'heure du bilan et des perspectives pour la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Christelle Ratignier-Carbonneil a été auditionnée, mercredi 13 décembre, par les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui devaient valider le renouvellement de ses fonctions à la tête de l'ANSM. En poste depuis trois ans, elle a répondu au feu roulant des questions posées par les députés sur des sujets faisant régulièrement l'actualité et suscitant parfois l'inquiétude. 

Ainsi le rapporteur de cette audition, Jérôme Guedj (Socialistes), s'est-il alarmé des situations de pénuries concernant plusieurs médicaments en France. Il a également pointé les scandales sanitaires qui ont éclaté ces dernières années, et notamment la mise en examen de l'ANSM pour "tromperie" dans l'affaire du Levothyrox

La confiance des patients et du grand public est une condition préalable à l'efficacité de l'action de votre agence. Jérôme Guedj (Socialistes)

Quelles réponses face aux pénuries de médicaments ? 

Dans un premier constat, Jérôme Guedj a alerté sur "l'accroissement important du nombre de médicaments en tension : de 700 en 2018 à plus de 3 700 en 2022". Le plus emblématique de ces médicaments, qui manquent régulièrement dans certaines pharmacies depuis deux ans, étant sans doute l'amoxicilline.

Sur ce sujet, le rapporteur a relayé les propos de l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (Otmeds) : "La présidente de Otmeds a déclaré qu'elle était en colère, car elle alertait depuis plusieurs mois sur ce risque de pénurie d'amoxicilline (...). Cette situation aurait-elle pu être évitée ?", a-t-il demandé. 

Christelle Ratignier-Carbonneil a tenu à différencier les causes de la pénurie de cet antibiotique. En 2022, la France était confrontée à un problème de stocks dû à "un retard de mobilisation de la production par les industriels". La généralisation des gestes barrières en 2020 et 2021 avait fait diminuer les besoins en amoxicilline, et les fabricants ont eu un retard à l'allumage en 2022, selon la directrice de l'ANSM. 

En revanche, en 2023, les causes de la pénurie sont différentes. "Les stocks existent chez les industriels, mais on a une difficulté majeure de répartition sur le territoire", a expliqué Christelle Ratignier-Carbonneil. Pour pallier ces problèmes de distribution, elle a rappellé le plan hivernal mis en place par l'ANSM, "qui permet de suivre l'approvisionnement à toutes les étapes de la chaîne". 

Interrogée à de nombreuses reprises sur le sujet des pénuries, la directrice de l'ANSM a également insisté sur l'existence du décret, pris en 2021, sur les stocks de sécurité pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. "Ce décret oblige les industriels à avoir des stocks de sécurité de deux mois pour 6 000 médicaments (sur 12 000), et de quatre mois pour 10% d'entre eux". 

Valérie Rabault (Socialistes) a, quant à elle, interpelé la directrice sur la possibilité et la pertinence d'étendre ce dispositif :  "Pensez-vous qu'il faille passer à six mois de stocks comme en Allemagne ? Et pensez-vous que cela doit concerner tous les médicaments ?" Mais Christelle Ratignier-Carbonneil n'a pas répondu à cette question. 

S'agissant des mesures récentes, mises en place pour tenter de contrer les pénuries de médicaments, elle a tenu à souligner "la publication, hier, d'une liste de médicaments indispensables au niveau européen". "Lorsque nous avons des tensions en France, nous pouvons faire appel à nos homologues européens", s'est-elle réjouie. 

Surconsommation et sanctions

Questionnée par le député Frédéric Valletoux (Horizons), sur la lutte contre la surconsommation de médicaments, la directrice a assuré qu'il s'agissait effectivement d'une partie du problème. "La très forte consommation en France fait que nous sommes encore plus sensibles aux pénuries, c'est pourquoi nous menons une campagne sur le bon usage du médicament", estimant également que la possibilité de vendre les médicaments à l'unité allait dans le bons sens.

In fine, la directrice a rappelé que "la première responsabilité incombe bien à l'industriel, il s'engage à garantir la couverture des besoins". Sur ce sujet, les députés Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine), Valérie Rabault (Socialistes) et Angélique Ranc (Rassemblement national), ont alerté sur les sanctions adressées aux fabricants, rares selon eux, et dont les montants leur paraissent insuffisants"Les montants sont définis dans la loi, je ne peux pas aller au-delà", a rétorqué Christelle Ratignier-Carbonneil. Plusieurs questions sont en revanche restées en suspens, notamment s'agissant de sa position sur la relocalisation de production de médicaments

L'affaire du Levothyrox

Reprenant une question de Jérôme Guedj, François Ruffin (La France insoumise) a interpellé la directrice sur le scandale du Levothyrox. Dans cette affaire, l’ANSM a été mise en examen en décembre 2022 pour "tromperie""L'avocat des victimes affirme que, quand les premières plaintes sont apparues, après le changement de formule, l'Agence a fait le dos rond, n'a pas fait sanctionner Merck qui n'avait rien indiqué sur la boîte de médicaments, qu'elle a préféré croire l'industriel plutôt que les milliers de malades", a lancé le député. 

Force est de constater que ce que nous avons mis en place n'a pas marché effectivement, un certain nombre de patientes n'avait pas cette information. Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice de l'ANSM

"Nous avons tiré les enseignements de cette difficulté qu'il y a eu, d'accès à l'information et d'accompagnement d'un produit vers un autre produit, et nous avons évolué notamment en termes d’organisation avec le centre d'appui aux alertes sanitaires", a indiqué la directrice de l'agence.  

Plus généralement, elle a défendu l'action de l'ANSM en faveur de la pharmacovigilance, qui vise à surveiller les effets indésirables des traitements médicaux, afin d'y répondre au mieux. Elle a également défendu l'agence qu'elle dirige et les experts auxquels celle-ci fait appel de tout conflit d'intérêts.  "Depuis 2011, tout expert dans les réunions, dans les échanges sur n'importe quel sujet, soumet une déclaration publique d'intérêts et est analysé par le service de déontologie de l'ANSM".  

Chaque année, il y a des audits inopinés dans l'ensemble des directions, il y a aussi un rapport de notre déontologue, et aucune situation de conflits d'intérêt n'a été mise en évidence. Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice de l'ANSM

Au terme de ses deux auditions devant les commissions des affaires sociales du Parlement, Christelle Ratignier-Carbonneil,  a été reconduite à la tête de l'Agence nationale de sécurité du médicament