Pénurie d'enseignants : les syndicats alertent sur les difficultés à venir

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Assemblée nationale, le 14 septembre 2022.
par Maxence Kagni, le Mercredi 14 septembre 2022 à 15:15, mis à jour le Jeudi 15 septembre 2022 à 08:49

Malgré le recours massif à des contractuels lors de la rentrée scolaire, les syndicats du premier et du second degré alertent sur un manque d'enseignants à prévoir dans les semaines et les mois à venir. Ils demandent également une revalorisation salariale conséquente afin de rendre le métier plus attractif.

"Nous observons déjà des difficultés dans les écoles." Mercredi 14 septembre, les syndicats d'enseignants du premier et du second degré étaient auditionnés par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Ils ont évoqué la pénurie d'enseignants - causée par la crise du recrutement qui a fait peser des inquiétudes sur la rentrée scolaire - et  qui pourrait, selon eux, s'aggraver dans les semaines à venir.

Lundi 12 septembre, le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye s'est félicité sur France Info d'une rentrée scolaire qui "s'est bien passée". "La promesse a été tenue, il y a un prof devant chaque classe", a affirmé le ministre, qui a expliqué avoir fait appel pour cela à près de 4500 nouveaux contractuels (sur un total de 35.000 contractuels).

Pourtant, selon les syndicalistes auditionnés mercredi, cela ne suffira pas : "On va se retrouver très rapidement, et c'est déjà le cas dès qu'on a des congés courts ou longs, avec des enseignants ou des remplaçants qui manqueront", a déclaré Guislaine David, la co-secrétaire générale du SNUIPP-FSU (1er degré). Selon elle, une bonne partie des enseignants dont le rôle est de remplacer leurs collègues malades ou en congé ne pourront pas remplir leur mission dans les semaines à venir : ils ont déjà été mobilisés pour "pour prendre des classes à l'année". 

Pour illustrer son propos, Guislaine David a ainsi expliqué que dans la Creuse, "50% des remplaçants sont déjà nommés sur des postes à l'année". Selon elle, le problème, "récurrent mais qui n'est pas nouveau", "augmente chaque année" et pourrait particulièrement se faire sentir en cas de résurgence du Covid. Jérôme Sinot (CGT Educ'Action) a la même position : "Les premières difficultés vont apparaître, les premières absences de personnels vont apparaître et plonger en difficulté les écoles."

Jérôme Sinot a par ailleurs déploré l'effet "contreproductif" de la médiatisation des "jobs dating" qui se sont déroulés cet été : "Ils n'ont pas été du meilleur effet, à la fois pour les familles mais aussi pour les personnels recrutés." Sa centrale syndicale prône la mise en place d'un "plan de titularisation des contractuels sans condition de concours et de nationalité".

"S'agissant de l'engagement ministériel d'un enseignant dans chaque classe, l'objectif n'a pas pu être atteint dans le second degré", a par ailleurs expliqué Elise Capéran (SE-UNSA), reconnaissant toutefois que "le phénomène ne date pas de la rentrée 2022 et que la catastrophe tant redoutée n'a pas eu lieu". Frédéric Volle (FNEC-FP-FO) a pour sa part jugé que "la rentrée ne se passe pas dans de bonne conditions", ajoutant qu'il "manque des milliers d'enseignants" dans l'enseignement secondaire.

Fidéliser les enseignants

Pour rendre le métier d'enseignant à nouveau attractif, les syndicats jugent nécessaire d'améliorer les conditions de travail, mais aussi de revaloriser fortement les rémunérations. "Le premier levier, on le sait, c'est les salaires (...) c'est une augmentation conséquente", a déclaré Guislaine David.

Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a confirmé sur France info que les enseignants en début de carrière verront leur rémunération augmenter à la rentrée 2023 : ils devraient toucher 2000 euros nets par mois. Les enseignants en milieu de carrière (environ 10 ans d'ancienneté) devraient eux aussi voir leur salaire augmenter. Une annonce qui a "stupéfait" Frédéric Volle (FNEC-FP-FO), qui s'attendait à une hausse généralisée : "Ca a fait un tabac dans les salles des maîtres et des professeurs", a-t-il ironisé devant les députés. Une critique reprise par Guislaine David (SNUIPP-FSU), qui a souligné l'importance d'une revalorisation "tout au long de la carrière", pour "fidéliser les enseignants".

D'autres, comme Elise Capéran (SE-UNSA), ont mis l'accent sur la "formation continue et l'accompagnement" des personnels et sur le manque de moyens : "Très concrètement, pour partir en formation, il faut être remplacé." Claire Marion (Sgen-CFDT) a dressé le même constat : "Les personnes qui depuis 15-17 ans sont dans le métier, on ne leur offre plus la formation continue à laquelle ils ont droit parce que tous les remplaçants ne sont plus disponibles", a-t-elle déclaré.

Ecole inclusive en difficulté

Les syndicalistes ont également alerté sur la situation des élèves en situation de handicap, pénalisés par la pénurie des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap). "Beaucoup d'élèves" qui devraient être accompagnés ne le sont pas, a expliqué Guislaine David (SNUIPP-FSU). 

"L'école inclusive est à l'abandon, ça ne marche pas", a abondé Claire Marion (SGEN-CFDT). La syndicaliste explique que le métier n'est pas attractif, notamment en raison d'une rémunération trop basse, jugée "indécente" : "Comment voulez-vous trouver du personnel qui puisse aller dans nos écoles de campagne, c'est-à-dire avoir un véhicule, mettre de l'essence dedans, alors qu'ils n'ont que 700-800 euros ?"

Guislaine David (SNUIPP-FSU) est, par ailleurs, revenue sur la promesse d'Emmanuel Macron d'imposer 30 minutes de sport par jour à l'école : "On ne sait pas comment les caser ces 30 minutes, c'est très flou", a regretté la syndicaliste, qui a critiqué une "expérimentation qui a été imposée sans réflexion autour de ces activités." Audrey Lalanne (SE-UNSA) déplore elle aussi une absence de précision : "Est-ce qu'il faut les faire sur le temps de français, de maths, de récréation ?"