Une proposition de loi visant à permettre au parent qui a la charge de l'enfant après une séparation - le plus souvent la mère - de déduire la pension alimentaire de son revenu fiscal de référence a été adoptée, en première lecture, par l'Assemblée nationale. Objectif : contribuer à lutter contre la précarité financière de certaines familles monoparentales et à corriger la différence de revenus entre hommes et femmes. Voté contre l'avis du gouvernement, l'avenir du texte est incertain.
Venir en aide aux familles monoparentes, à la situation financière souvent fragile, en défiscalisant le montant de la pension alimentaire versée au parent - souvent la mère -qui a la garde de l'enfant, pour le bien de celui-ci. C'est l'objectif affiché d'une proposition de loi présentée par la députée Aude Luquet dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants). Le texte a été adopté par l'Assemblée nationale, en première lecture, jeudi 6 octobre.
L'exposé des motifs de la proposition de loi souligne que "les chiffres les plus récents montrent que dans près de 70 % des cas, la garde des enfants revient à la mère contre pas tout à fait 20 % au père". Et dans l'hémicycle, les partisans du texte ont notamment mis en avant les chiffres d’une étude de l’INSEE (datant de 2009) qui indique qu'après une séparation, le revenu médian des femmes se détériore de 31 % contre seulement 6 % pour les hommes. Afin de rétablir un peu l'équilibre, le groupe Démocrate veut donc que le parent qui reçoit la pension alimentaire puisse la déduire de son revenu fiscal de référence. Selon les partisans du texte, cette disposition aurait notamment pour avantage de ne pas peser encore un peu plus sur le quotidien financier fragile de nombreuses familles monoparentales, dont les allocations peuvent baisser lorsque leur revenu imposable augmente.
Lors des débats, sa proposition de loi étant débattue dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que la niche parlementaire du groupe Démocrate s'achevait, Aude Luquet a voulu aller à l'essentiel, afin que l'Assemblée puisse l'examiner et la voter avant la fin de la séance. "Le temps nous étant désormais compté, je m’effacerai au profit d’une cause bien plus grande qu’un long discours, celle de l’intérêt de l’enfant. Je vous invite à faire de même et à soutenir unanimement cette proposition de loi", a déclaré la rapporteure, applaudie pour son souci d'efficacité.
Pendant tout l'examen du texte, les députés du groupe Démocrate, rejoints par ceux de les groupes de la Nupes, ont multiplié les efforts de synthèse. "Alors que j’avais préparé sept pages, je vais essayer de tenir en trente secondes !", a ainsi indiqué Pascal Lecamp (Démocrate), salué par ses collègues. "Le temps nous est compté, en effet, et nous devons impérativement adopter cette proposition de loi qui donne une visibilité à des invisibles" a déclaré Philippe Brun (Socialistes).
Les deux articles du texte, très courts, ont été adoptés rapidement. Le premier prévoit que "les pensions alimentaires reçues pour l’entretien d’un enfant mineur ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu", en précisant que cette disposition est plafonnée "4 000 euros par enfant" et "à 12 000 euros par an". Et le second indique que la perte de recettes pour l’État est "compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. Intialement, la proposition prévoyait que la compensation soit en partie assurée par la suppression de la possibilité, pour le parent qui verse la pension, de déduire le montant de celle-ci de son revenu imposable. Mais cette mesure a été supprimée en commission, avant l'examen du texte dans l'hémicycle.
Au banc du gouvernement, Olivia Grégoire a d'abord salué l'intention de la proposition du groupe Démocrate, qui compose la majorité présidentielle avec Renaissance et Horizons. “Comment ne pas partager les constats puissants que posent ce texte ?”, a-t-elle reconnu. Mais au-delà des intentions, l'instrument choisi par les députés MoDem pour augmenter le pouvoir d’achat des familles monoparentales - une réduction du revenu fiscal de référence - n'a pas convaincu la ministre déléguée au Petites et moyennes entreprises, ainsi que les députés du groupe Renaissance.
"Une telle modification aurait des conséquences telles que les plus fins limiers de Bercy auraient les pires difficultés à la calculer!"
L'ancienne porte-parole du gouvernement craint l'ouverture d'"une sérieuse brèche dans le calcul du revenu fiscal de référence" qui déstabiliserait tout l'équilibre de l'attribution d'"un nombre considérable d’aides et de dispositifs". "Une telle modification aurait des conséquences telles que les plus fins limiers de Bercy auraient les pires difficultés à la calculer étant donné le nombre et la variété des dispositifs concernés!", s'est alarmée Olivia Grégoire qui redoute des "effets indésirables incalculables".
"Au vu de ces éléments", les élus du parti présidentiel ont préféré ne pas prendre part au vote du texte proposé par leurs alliés du parti de François Bayrou. Il ont, en revanche, suggéré de remettre à l'ordre du jour une proposition de loi défendue par le MoDem en 2017 sur la garde alternée des enfants.
Contre l'avis du gouvernement et les réserves de plusieurs groupes (Renaissance, Horizons, Les Républicains), le texte a été approuvé par 45 députés du groupe Démocrate, des groupes de la Nupes et du groupe Liot, sur 46 votants. "Je salue la solidarité dont a fait preuve chaque groupe politique", a remercié la rapporteure Aude Luquet à l'issue du scrutin.
Cinq députés appartenant majoritairement au groupe Horizons se sont abstenus. Et Véronique Louwagie (LR) a voté contre. Malgré son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, l'avenir de cette proposition de loi apparaît particulièrement incertain en raison de l'avis du gouvernement et des réserves exprimées par les autres groupes de la majorité.