La séance des questions au gouvernement du mardi 15 novembre a été marquée par plusieurs questions portant sur l'Ocean Viking et, plus généralement, sur la politique de la France en matière d'accueil des exilés. Le ministre de l'Intérieur a indiqué que sur les 234 rescapés arrivés avec le navire humanitaire, 44 ont été reconnus mineurs, 60 peuvent demander l'asile à ce stade de l'étude des dossiers, et qu'au moins 44 ont vocation à être expulsés vers leur pays d'origine. Il a souligné que deux tiers des migrants de l'Ocean Viking feront l'objet de relocalisations vers d'autres pays européens.
"Si vous étiez aux responsabilités, auriez-vous laissé mourir ces 44 enfants ?" Telle a été la première réaction de Gérald Darmanin aux propos de Laure Lavalette (Rassemblement national), qui venait de l'interpeller sur l'accostage dans la rade de Toulon de l'Ocean Viking, navire humanitaire dont la vocation est de secourir les exilés exposés à des naufrages en Méditerranée.
Le bateau avait déjà braqué sur lui les lumières médiatiques lors d'une précédente séance de questions au gouvernement, il y a deux semaines, alors qu'un autre député du RN, Grégoire de Fournas, avait lancé "Qu'il retourne en Afrique", durant la prise de parole de Carlos Martens Bilongo (LFI). Le député de gauche déplorait l'inaction du gouvernement, alors que le navire était en attente d'accueil dans un port européen, comptant 234 personnes à son bord, parmi lesquelles des enfants en bas âge.
Alors qu'une crise diplomatique était consommée avec l'Italie, Gérald Darmanin a annoncé jeudi 10 novembre, que l'Ocean Viking serait "à titre exceptionnel" autorisé à débarquer dès le lendemain sur les côtes françaises. Une décision qui, selon Laure Lavalette, a pour conséquence que "la France s'impose comme le pays qui encourage la clandestinité et pousse de pauvres gens à risquer leur vie". "Les trafiquants d'êtres humains ont gagné, les ONG sont leurs complices idéologiques, et désormais vous aussi", a aussi poursuivi l'élue du territoire toulonnais.
La réponse offensive qui lui a été opposée a généré une réplique de la députée, qui a renvoyé le ministre de l'Intérieur à son bilan, dénonçant notamment sa responsabilité dans "la crise migratoire dans la Manche et les accostages de bateaux dans le sud". Gérald Darmanin a renchéri à son tour, notant que la députée n'avait pas répondu à sa propre question, et assumant une "décision politique" fondée sur l'humanisme, au contraire de la "politique politicienne" du Rassemblement national. "Je m’enorgueillis, Madame la députée que ce soit cette majorité qui soit au pouvoir pour sauver ces enfants-là. Avec vous, on sait ce qu'ils seraient devenus", a-t-il aussi conclu.
Yannick Chenevard (Renaissance) a, lui aussi, pris la parole sur l'Ocean Viking, louant pour sa part la décision française, et critiquant au contraire la position de l'Italie. Fidèle au principe de l'"en même temps", le député du Var a réaffirmé la nécessité de concilier "devoir de fermeté" et "devoir de fraternité".
Nicolas Turquois (Démocrate) a également approuvé le choix du gouvernement et lui a même adressé les "plus profonds remerciements" de son groupe. "En autorisant l'accueil de ce bateau dans le port de Toulon et de ses 234 migrants, vous avez tout simplement fait œuvre d'humanité, ce qui devrait être, pour tous, ici, le sens de notre engagement", a considéré le député de la majorité. Il a ensuite exhorté le gouvernement à "adopter une stratégie d'une autre dimension sur le sujet de l'immigration", estimant que "la réponse européenne n'était pas à la hauteur car elle laisse trop seuls les pays du sud de l'Europe". "La Méditerranée et la Manche ne peuvent plus être d'immenses cimetières", a-t-il conclu.
Gérald Darmanin a cependant estimé que la solution se situait bel et bien au niveau de l'Europe, plaidant notamment pour une "demande unique d'asile". Le ministre de l'Intérieur a également appelé de ses vœux une collaboration accrue avec la Grande-Bretagne, une proportion non négligeable d'exilés tentant la traversée de la Manche depuis les côtes françaises, avant de suggérer de "dire aux Anglais de réformer leur Code du travail, pour rendre moins attractive l'arrivée des migrants chez eux".