Dans un rapport, Véronique Louwagie (Les Républicains) montre les limites du premier plan de lutte contre la maladie de Lyme lancé en 2016. La députée l'Orne préconise notamment de tripler le budget annuel dédié à la recherche, le faisant passer d'un million et demi à cinq millions d'euros.
Plus de 50.000 nouveaux cas en 2019 en France et plus de 650.000 cas en Europe... La maladie de Lyme est l'une des maladies infectieuses les plus fréquentes dans l'Hexagone, relevait en septembre 2020 le député Vincent Descoeur (Les Républicains), auteur d'une proposition de loi sur le sujet. Mercredi 3 mars, sa collègue Véronique Louwagie a rendu les conclusions du rapport d’information portant sur le financement et l’efficacité de la lutte contre cette maladie, qui se transmet lors d'une piqûre de tique infectée.
Si la députée salue "d'incontestables progrès" depuis l'engagement d'un plan national de lutte contre la maladie de Lyme en 2016 (notamment sur sa reconnaissance et la prévention auprès du public, ndlr), elle estime qu'il est "temps d'en tourner la page." Pour Véronique Louwagie, le constat est clair. "Sous dotée, peu pilotée et déséquilibrée, la recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est en situation d'échec", explique-t-elle.
Plusieurs raisons expliquent cet état de fait, avance la députée. D'abord, le financement actuel de la recherche sur la maladie de Lyme pose problème selon elle. Selon les calculs de la députée, le budget de la recherche en la matière est inférieur à 1,5 millions d'euros par an. Face à l'ampleur de la maladie, "le compte n'y est pas", se désole-t-elle. Si 46 projets différents existent, ils ne sont que deux à être dotés d'un montant supérieur à 500.000 euros, relève Véronique Louwagie. "Très modeste", le financement est aussi "totalement éclaté, avec 31 financeurs différents !" déplore la députée.
Ainsi, Véronique Louwagie propose de porter le montant annuel de la recherche publique "de 1,5 million à 5 millions d’euros et maintenir cet effort dans la durée." Sans effort conséquent, "nous ne nous en sortirons pas", prévient-elle, insistant sur l'importance d'investir dans la recherche, et en particulier dans la "recherche en santé humaine." (De nombreux projets sont centrés sur l'étude des tiques et de leur évolution, ndlr)
"Je souhaite que le gouvernement nous entende", dit Véronique Louwagie. "A défaut, je crois que la commission des finances (qui a voté à l'unanimité la publication du rapport, ndlr) aura un rôle à jouer lors de la prochaine discussion budgétaire", prévient la députée
Mais tripler le budget est-il possible ? "Oui, j'y crois", confie Véronique Louwagie, qui rappelle qu'en 2018, un amendement gouvernemental au projet de loi de finances accordant cinq millions d'euros supplémentaires par an à la recherche fondamentale sur les cancers pédiatriques avait été voté à l’unanimité. Deux semaines plus tard, la majorité LaREM avait cependant refusé d'instaurer une taxe prélevée sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques afin de financer cette mesure, comme le proposaient des députés de tous bords, y compris MoDem.
Si le gouvernement ne reprend pas directement les préconisations du rapport de Véronique Louwagie, le débat aura donc lieu lors des discussions budgétaires de l'automne. Et la bataille pourrait être âpre, mais gagnante, estime la députée LR. "Nous avons montré à l'Assemblée que lorsque nous voulions, nous pouvions", martèle-t-elle. Et à entendre certains élus de la majorité en commission des finances, une alliance transpartisane semble possible sur le sujet. "Cinq millions, ce n'est vraiment pas grand-chose par rapport au coût de la maladie de Lyme", argumente Véronique Louwagie.
"Il faut augmenter les crédits, mais il n'y a pas que cette question là", pointe par ailleurs la députée. La gouvernance est une question centrale, avance l'élue qui estime que la France doit se doter d'un chef de file ou d'un "pilote" en matière de recherche. Ce chef de file pourrait être l'Inserm, une nouvelle agence, ou l'ANRS Maladies infectieuses émergentes, explique-t-elle, se disant plutôt favorable à cette troisième et dernière option.
Cette agence cheffe de file et l'accroissement des crédits pourraient créer un "effet d'entrainement" positif, plaide Véronique Louwagie, afin d'augmenter le nombre de chercheurs travaillant sur la maladie, tout en améliorant la réponse aux projets de recherche européens. "Il y a eu un certain nombre de projets européens et la France n'a pas été présente", déplore la députée.
Sans attendre la fin de la crise sanitaire, Véronique Louwagie préconise donc l’engagement d’un deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme. "Afin de consolider les acquis et corriger les carences du premier plan et dans le but d’améliorer durablement la situation des malades", justifie-t-elle. La gouvernance de ce nouveau plan devra intégrer les collectivités territoriales, l’Éducation nationale et les associations, plaide la députée, qui suggère également qu'un "référent Lyme" soit désigné afin de favoriser le dialogue entre les différents ministères.
On ne peut pas attendre la fin de la crise sanitaire, l'enjeu est trop important
Outre le développement du financement de la recherche sur la maladie de Lyme, la députée appelle renforcer les efforts de prévention, en établissant notamment une "météo des tiques" qui présenterait l'état hebdomadaire des risques de piqûres. Prendre en compte les publics jeunes, considérés comme absents du plan en 2016, est également à l'ordre du jour.
Enfin, il est proposé d'expérimenter une déclaration obligatoire de la maladie de Lyme dans certains territoires. Cela permettrait, justifie Véronique Louwagie, "de confirmer et d'infirmer les estimations de Santé publique France" sur le nombre de contaminations. Aujourd'hui, les capacités de recensement sont très disparates : en 2018, pointe la députée, dans son département de l'Orne, seul un médecin avait fait remonter des données à l'Agence régionale de Santé.