Les députés de la commission des affaires économiques ont adopté à l’unanimité une proposition de loi pour "renforcer la lutte contre la maltraitance animale". Des nouveaux animaux de compagnie (NAC) aux élevages de visons, le texte balaye un large spectre. Si certains élus y ont vu une loi historique, pour d'autres elle n'est qu'un premier pas qui devra être complété.
L'enjeu est vaste : faire reculer la maltraitance animale en France. Chaque année dans le pays, ce sont près de 100 000 chats et chiens qui sont abandonnés, un triste record en Europe. Et ce n’est pas le seul mal qui touche les animaux : torture, vente illégale, trafic, abattage, le panel des sévices est large. L'inscription de l’animal en tant qu’être vivant doué de sensibilité dans le code civil en 2015 n’a en rien mis fin à ces pratiques.
Partant de ce constat le texte prévoit, en son article 1, la création d’un certificat de sensibilisation (devenu "certificat de connaissance" au cours des débats) délivré avant toute acquisition d’un animal de compagnie. Ce certificat verra son contenu précisé par décret mais l’idée générale a satisfait sur tous les bancs : en cas de manquement, le propriétaire d’un animal ne pourra plus se défendre "de ne pas savoir".
Le texte prévoit aussi de généraliser la stérilisation des chats errants. Il dispose également que "chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale" doit disposer d’une fourrière ou d’un refuge disposé à accueillir les chiens et chats errants ou perdus. Une mesure saluée dans l’esprit, mais qui pour certains, comme le député Sébastien Jumel (GDR) pose la question des moyens financiers.
Autre volet, la lutte contre les sévices envers les animaux. Déjà punis par le code pénal, les actes de cruauté infligés à un animal se verront assortis d’une circonstance aggravante s’ils entraînent sa mort (peine portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende). En cas de condamnation pour maltraitance envers les animaux, le texte créé également un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale. Les débats se sont étendus sur les cas d’accidents, au court d’une partie de chasse ou d’un saut à cheval où les animaux seraient blessés, mais les rapporteurs ont tenté de rassurer, la mesure vise à punir la cruauté uniquement.
Les débats ont aussi porté sur les peines visant à sanctionner la production et la diffusion d’images zoopornographiques. La sanction ira jusqu'à 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende en cas de diffusion en ligne. Elle a été étendue à la seule production de ces images pour "consultation à titre personnel".
Enfin, par souci de protection toujours, les députés ont adopté des amendements créant de nouveaux articles. L’un d’eux permet la levée du secret professionnel auquel est soumis le vétérinaire, en cas de danger pour les animaux, une avancée importante saluée. L’autre prévoit d’inscrire dans le fichier national des personnes recherchées au titre de décision judiciaire les personnes ayant commis des délits contre les animaux.
Le texte traduit aussi des annonces du gouvernement. Ses deux derniers chapitres visent à inscrire dans la loi les mesures présentées par Barbara Pompili, le 29 septembre dernier, à l’Assemblée "en faveur du bien-être de la faune sauvage captive". Quatre articles sont consacrés à l’application de chacun des buts fixés par l'exécutif. Ainsi, le texte prévoit la fin des animaux sauvages dans les cirques itinérants en interdisant leur achat et leur reproduction. Une mesure qui devra être mise en place dans un délai de 5 ans, le temps de permettre à la fois l’accompagnement des circassiens mais aussi de trouver un refuge adéquat pour chaque animal.
Au même titre, l’État aura 2 ans, à compter de la promulgation de la loi, pour décider de l’avenir des 29 dauphins et 4 orques que comptent les delphinariums de France. Si aucune solution n’est trouvée d’ici là, le délai sera alors porté à 10 ans (délai que la rapporteur a en vain tenté de réduire de moitié). Source de biens des débats au cours de la séance, l’interdiction des delphinariums n’a rien d’inédit : elle existe déjà au Chili, au Royaume-Uni, en Hongrie ou encore en Australie.
L’exhibition des animaux sauvages sera également proscrite dans les discothèques ou à la télévision. Dans le premier cas, cette interdiction interviendra dès la promulgation de la loi. Dans le second, les députés se sont accordés sur un délai d’application de 2 ans (contre les 5 ans initialement prévus). Il est à noter que cette deuxième interdiction vise en premier lieu l’émission Fort Boyard : le délai doit permettre de trouver un refuge aux tigres du célèbre Fort. La même logique vaut pour l'interdiction de la détention d’ours et de loups à des fins de présentations au public, le temps de permettre aux "montreurs" de s’adapter, et à l’État de trouver des places disponibles pour ces animaux.
Enfin le dernier article de la proposition de loi prévoit la fin des élevages des visons pour leur fourrure. Actuellement, la France compte 3 élevages, le quatrième ayant été abattu après la contamination des animaux par le Covid-19. Les éleveurs auront 5 ans pour mettre fin à cette production. Malgré une tentative d’étendre cette interdiction à d’autres animaux, comme le renard, l’amendement de la rapporteure Laëtitia Romeiro Dias a été rejeté.
Parmi les sujets restés en suspens pendant les débats, l'interdiction de la vente des animaux en ligne, dans les foires et les brocantes, voire en animalerie, devra être retravaillée en vue d'une adoption espérée en séance publique, à compter du 26 janvier. Il en est de même de la définition de "sanctuaires" pour animaux,
Reste, la grande absente du texte, relevée par plusieurs députés de l’opposition : la chasse. Un sujet sur lequel le député Matthieu Orphelin a dénoncé un refus de débattre de la part de la majorité. Une "décision politique" selon l'élu, qui a critiqué le recours à l’article 45 de la Constitution qui permet au président de commissions de retoquer des amendements s’ils constituent des "cavaliers législatifs".
Déjà à l'origine de l’irrecevabilité de 246 amendements sur le projet de loi confortant les principes de la République, l’article 45 a cette fois-ci fait tomber 28 des 218 amendements déposés sur le texte. Le président de la commission des affaires économiques, Roland Lescure, s'en est justifié au cours d'une longue mise au point sur cette question sensible.