Les députés ont voté, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels sans modification par rapport à la version transmise par le Sénat. Le texte est donc définitivement adopté.
C'est la fin d'un parcours législatif, débuté en octobre 2021. Initialement portée par le sénateur Jean-Noël Cardoux (Les Républicains), la proposition de loi visant à "limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée" a été adoptée en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, mercredi 25 janvier, par 98 voix contre 2. Le texte ayant été approuvé par les députés dans les mêmes termes qu'au Sénat, il est donc définitivement adopté par le Parlement.
[Certains propriétaires] pratiquent du ball trap vivant par lequel les animaux sont tués sans aucune chance de s’échapper. Cette pratique n’est pas de la chasse mais une tuerie organisée ! Richard Ramos, député Démocrate, dans son rapport.
Comme son nom l'indique, l'objectif du texte est de lutter contre un phénomène bien connu en Sologne : l'installation, par les propriétaires terriens, de très hauts grillages le long de leurs domaines. Afin d'empêcher les intrusions, mais surtout la libre circulation des animaux sauvages, relève le rapporteur Démocrate de la proposition de loi à l'Assemblée, Richard Ramos. Pour certains propriétaires, c'est l'occasion de s'adonner à la chasse sans laisser aucune chance aux animaux piégés. "Du ball trap vivant, contraire même à l'esprit de la chasse", a commenté le député à la tribune.
Au-delà de cet aspect, la proposition de loi revêt d'autres enjeux. À savoir, faciliter l'intervention des sapeurs-pompiers et la fuite des animaux lors des incendies. Mais également permettre aux promeneurs de circuler librement, alors que leur parcours est parfois rendu difficile, y compris sur des chemins communaux.
Concrètement, les clôtures installées dans des espaces naturels devront être situées à au moins à 30 centimètres et au plus à 120 centimètres du sol, afin de laisser un passage aux animaux. Elles devront en outre être fabriquées en matériaux naturels et traditionnels. Et toute installation datant de moins de 30 ans à compter de la publication de la loi devra être remplacée afin de respecter ces critères. Les nouvelles installations ne devront être "ni vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune". En parallèle, les moyens de la police de l’environnement seront renforcés et les agents de l'Office français de la biodiversité pourront librement contrôler les espaces concernés.
Quelques exceptions sont prévues par le texte, de manière de prendre en compte l'existence d'élevages, d'exploitations agricoles, ou dans le but de favoriser la régénération forestière. La secrétaire d'État chargée de l'Écologie, Bérangère Couillard, s'est engagée à ce que ces exceptions soit très strictement encadrées dans les faits.
En contrepartie, la proposition de loi renforce les sanctions prises à l'encontre des personnes qui pénètrent sans autorisation au sein de propriétés privées rurales ou forestières, comportement puni d'une contravention de 4ème classe - ce qui correspond à une amende forfaitaire de 135 euros. Cette mesure a été critiquée par Lisa Belluco (Écolosgiste) et Manon Meunier (LFI), qui se sont finalement abstenues au moment du vote.
La dernière mesure qui restait encore à examiner au cours de l'étape de cette navette concernait le champ d'interdiction de la pratique de "l’agrainage" et de "l’affouragement". Soit le fait d'attirer et de fixer du gibier dans une zone donnée avec de la nourriture, . Comme l'a proposé le Sénat, cette pratique sera interdite dans les enclos empêchant le passage des animaux sauvages. Des exceptions pourront toutefois être prévues par décret.
Un député mis en examen
Le texte ne réjouit pas certains grands propriétaires terriens adeptes de l'engrillagement, et a fortiori de la chasse. François Cormier-Bouligeon (Renaissance), qui se bat de longue date contre la pratique de l'engrillagement, s'en est fait l'écho lors du débat.
À la tribune, l'élu chérien a indiqué avoir été mis en examen pour diffamation et injure publique, après que l'un des "engrillageurs" a porté plainte contre lui. "Serions-nous coupables de vouloir protéger notre nature et notre Sologne ?", a-t-il questionné. Il a conclu sa tirade en faisant part de sa "fierté" de faire partie des "avocats de la forêt française".