Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 16 novembre, l'activation à distance des téléphones portables et appareils électroniques à des fins de captation audio et vidéo dans certaines enquêtes. Cette mesure était prévue par la loi de programmation et d'orientation du ministère de la Justice portée par Eric Dupond-Moretti.
C'était l'une des mesures les plus sensibles de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice, adoptée par le Parlement au mois d'octobre. Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 16 novembre, la disposition du texte qui autorisait l'activation à distance des téléphones portables et appareils électroniques pour écouter et filmer, à leur insu, des personnes visées dans certaines enquêtes.
Les Sages considèrent que la mesure est de nature à porter "une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté détenue par une personne privée peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers".
"Dès lors, en permettant de recourir à cette activation à distance non seulement pour les infractions les plus graves mais pour l’ensemble de celles relevant de la criminalité organisée, le législateur a permis qu’il soit porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi", précise le Conseil constitutionnel.
La présidente des députés de La France insoumise, Mathilde Panot, s'est félicitée sur X (ex-Twitter), de cette décision, alors que son groupe était à l'origine du recours déposé sur la loi portée par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
Dans le cadre de la mesure qui a donc été censurée, le gouvernement entendait autoriser cette technique d'enquête dans des affaires relevant du terrorisme, ainsi que pour des affaires concernant des crimes et délits passibles d'au moins cinq ans de prison. Lors des débats, au Parlement des voix s'étaient élevées à gauche pour dénoncer une "pente très dangereuse", voire une "dérive autoritaire".
Estimant à quelques "dizaines d'affaires par an" le nombre d'enquête potentiellement concernées par cette technique, Eric Dupond-Moretti avait rétorqué que la mesure prévue par sa loi était "loin du totalitarisme de 1984", le roman de George Orwell.
En revanche, le Conseil constitutionnel a validé d'autres mesures contestées, comme l'activation à distance de téléphones et d'appareils électroniques à des fins de géolocalisation, ainsi que l'élargissement des possibilités en matière de perquisitions de nuit.