Lors des journées parlementaires du groupe "Démocrate" (MoDem et indépendants), le ministre de l'Intérieur a défendu l'équilibre du projet de loi sur l'immigration que le gouvernement veut faire voter, répondant au passage aux Républicains, qui s'opposent à la création d'un titre de séjour "travail des métiers en tension".
Trouver le bon équilibre. Invité aux journées parlementaires du groupe "Démocrate" (MoDem et indépendants), lundi 11 septembre à Chenevelles (Vienne), Gérald Darmanin est revenu sur les grandes lignes du projet de loi portant sur l'immigration, dont l'examen a été repoussé à plusieurs reprises par l'exécutif. "On est dur avec les gens qui commettent des actes de délinquance et plus intégrateurs avec les gens qui travaillent et respectent les règles", a notamment expliqué le ministre de l'Intérieur pour résumer la philosophie générale du texte.
Le projet de loi, qui devrait être débattu en février prochain à l'Assemblée nationale, après un examen en novembre au Sénat, fait l'objet d'une âpre bataille politique à propos de la régularisation de certains travailleurs sans-papiers. Le texte, adopté en commission par les sénateurs avant l'interruption de son parcours législatif en raison du contexte lié à la réforme des retraites, vise à créer à titre expérimental un nouveau titre de séjour "travail des métiers en tension". Celle-ci est vivement contestée par les députés Les Républicains qui affirment qu'ils ne soutiendront pas le projet de loi à l'Assemblée si elle figure dans la version présentée.
Inversement, des députés de la majorité, dont le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), ainsi que des députés de la Nupes et du groupe Liot, viennent de publier une tribune accordée à France Info et Libération pour réclamer, notamment, le maintien du dispositif dans le projet de loi.
Devant la quarantaine de députés MoDem présents, Gérald Darmanin a évoqué sa volonté de "faire sortir" certains travailleurs sans-papiers "de la spirale infernale" dans laquelle ils sont enfermés : inexpulsables puisqu'ils sont "là depuis longtemps" et qu'ils "font vivre notre économie".
Dans la version actuelle du texte, le titre de séjour serait délivré de plein droit si les trois conditions suivantes sont réunies :
La question de savoir si l'ensemble des critères seront inscrits dans le texte final n'est pas encore tranchée. Gérald Darmanin a évoqué la possibilité de renvoyer à une circulaire pour un certain nombre d'entre-elles. Le ministre de l'Intérieur a également évoqué un possible allongement de 3 à 5, voire 7 ans, le temps de présence ininterrompue sur le territoire nécessaire à l'obtention du titre de séjour.
Enfin, Gérald Darmanin a estimé nécessaire de permettre aux travailleurs de faire leur demande de titre de séjour seul : il ne serait donc pas nécessaire de solliciter l'accord de l'employeur, comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui donne selon le ministre, "un avantage absolument inacceptable de pression sur l'employé".
Gérald Darmanin a profité de l'invitation de la tribune offerte par le groupe "Démocrate" pour répondre, à distance, aux Républicains en rappelant que les secteurs économiques en manque de main-d’œuvre, comme la restauration, l'agriculture ou le BTP étaient traditionnellement "assez proches de l'aile droite". "On ne peut pas demander à la fois moins d'étrangers sur le territoire national et plus d'étrangers pour travailler", a-t-il tranché.
"Nous avons un débat qui est un débat idéologique puisque tout le monde me demande des régularisations" a confié Gérald Darmanin, affirmant être sollicité par des députés LR, mais aussi RN, en la matière. Pour l'heure, le ministre de l'Intérieur souhaite temporiser avant de reprendre les discussions avec la droite : "Une fois les sénatoriales passées, on trouvera le chemin de l'intelligence collective", a-t-il ironisé.
Annoncée depuis plusieurs jours, la tribune transpartisane signée par une trentaine de députés et de sénateurs, dont quelques élus MoDem, pour réclamer des mesures "humanistes et concrètes" en matière d'immigration, a été diversement appréciée dans les rangs du groupe "Démocrate" : "Cela ne change rien au fond du problème", regrette le député Bruno Millienne, interrogé par LCP. Même s'il est favorable à la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, il juge que la tribune "n'amène rien" au débat public, puisque les signataires n'ont "pas la même vision de la régularisation des immigrés en France".
Le président du groupe "Démocrate", Jean-Paul Mattéi, affirme n'être "pas scandalisé" même s'il indique qu'il n'est "pas un fan des tribunes". "Moi, je ne suis pas sectaire" a, quant à lui, éludé le chef de file du MoDem, François Bayrou. Au sein du parti et de son groupe à l'Assemblée, un point semble en tout cas faire consensus : pas question de recourir au 49.3. "Je ne crois pas que le passage forcé soit une bonne méthode, il y a des sujets sur lesquels moins on verse d'essence sur le feu et mieux c'est", a expliqué François Bayrou. Selon lui, "le 49.3 ne peut se jouer que sur des textes vitaux, essentiels", mais pas sur "les textes utiles".
Au risque de voir le projet de loi repoussé par l'Assemblée nationale ? "Il y a des défaites qui peuvent être salvatrices", juge Bruno Millienne, convaincu qu'une telle issue engagerait avant tout la responsabilité et la crédibilité des oppositions.