La droite avec Nicolas Sarkozy, le retour des socialistes avec François Hollande, l'irruption des marcheurs avec Emmanuel Macron... Depuis 15 ans, la composition de l'hémicycle du Palais-Bourbon a profondément changé. Analyse de l'évolution de la physionomie de l'Assemblée nationale, infographies et commentaire du politologue Benjamin Morel à l'appui, avant les élections législatives des 12 et 19 juin.
Le contexte. Après un septennat et un quinquennat, la présidence de Jacques Chirac se solde par l’élection de Nicolas Sarkozy, qui réussit à éviter l’alternance à l’Élysée. Le nouveau président de la République appartient toutefois à une autre génération et incarne une droite différente de celle que portait son prédécesseur. Ancien disciple d’Édouard Balladur, Nicolas Sarkozy veut remettre le travail mais aussi la sécurité et l’identité, au cœur du projet de la droite républicaine, dont le principal parti est l’Union pour un mouvement populaire (UMP).
Les résultats. L’UMP et ses alliés remportent les législatives de juin 2007, mais la vague bleue est moins forte qu’en 2002, lorsque Jacques Chirac avait remporté haut la main son duel inédit face à Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national. Après un très bon premier tour, qui voit 108 députés de droite se faire élire directement, la droite perd du terrain, sans doute affaiblie par l’évocation au cours de la campagne de la “TVA sociale”, qui ne verra finalement jamais le jour. La majorité présidentielle reste malgré tout solide avec 308 députés UMP ; le vote d’une réforme constitutionnelle en 2008, qui nécessite de rassembler trois cinquièmes des voix du Parlement, en atteste.
La leçon politique de Benjamin Morel. "Sous la Ve République, les reconductions de majorité sont extrêmement rares depuis De Gaulle. Les élections de 2007 ont été un rendez-vous électoral expérimental, puisque c’est le premier quinquennat sans reconduction du Président sortant. Les législatives témoignent ici d’un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui s’affirme avec le quinquennat : la surmobilisation de l’électorat présidentiel et la démobilisation des électorats d’opposition. Au-delà du renouvellement générationnel et idéologique, le récit politique prend une nouvelle tournure : les ‘rois fainéants, c’est fini’, comme l’a dit Nicolas Sarkozy au sujet de son prédécesseur. Ce qui place de fait le chef de l’État en première ligne, et atténue le rôle de ‘fusible’ parfois attribué à son Premier ministre."
Le contexte. Dix-sept après la fin du deuxième septennat de François Mitterrand et dix ans après le bail de Lionel Jospin à Matignon, la gauche revient au pouvoir et reprend l'Élysée. François Hollande l'emporte face à Nicolas Sarkozy sur le thème du “Président normal” et l’imposition des très hauts revenus.
Les résultats. La vague rose a bien lieu quelques semaines après l’élection présidentielle. Les députés socialistes obtiennent la majorité absolue à eux seuls, en occupant 295 des 577 sièges en jeu au Palais-Bourbon. Le PS, principal force de gauche, peut aussi compter sur l’appui d'un groupe écologiste (une première sous la Ve République à l’Assemblée nationale) et du groupe radical de gauche. La droite limite les pertes en faisant élire ou réélire 196 députés UMP et 29 UDI.
La leçon politique. "On assiste à une configuration beaucoup plus classique d’alternance. 2012 confirme le nouveau modèle politique du quinquennat : une fois le Président élu, les législatives sont un peu la confirmation 'bête et méchante' du scrutin présidentiel, avec un électorat content qui fait face à un électorat groggy. On laisse la majorité avoir la majorité, sous l’effet presque magique du scrutin à deux tours. D’ailleurs, la confirmation de l’élection présidentielle dans les urnes sonne comme une évidence et personne ne se pose la question de savoir si François Hollande allait avoir une majorité ou non."
Le contexte. Ministre de l’Économie de François Hollande, Emmanuel Macron, remporte l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, alors que le Président socialiste a estimé qu’il n’était pas en mesure de se représenter. Pour la première fois, le candidat de la droite, en l’occurrence François Fillon, pénalisé par l'affaire d’emploi fictif concernant sa femme à l’Assemblée nationale, ne passe pas le premier tour. Plus jeune candidat à remporter le scrutin présidentiel, Emmanuel Macron cherche une majorité présidentielle à travers des candidats pour la plupart novices en politique, et bénéficie du soutien actif de François Bayrou, patron du Mouvement démocrate et trois fois candidat à l’élection présidentielle.
Les résultats. Le jeune parti présidentiel, La République en marche, réussit à s’imposer lors des élections législatives en remportant une majorité absolue de sièges, avec 314 députés. Avec l’appoint des élus MoDem et d’un groupe de centre-droit dit constructif, la majorité présidentielle est très large et donne les coudées franches au pouvoir élyséen pour lancer les réformes promises pendant la campagne, à commencer par celle du marché du travail ou de la fiscalité des plus aisés. Le Parti socialiste est décimé, Les Républicains (ex-UMP) se maintiennent tout juste au-dessus de la barre des cent députés.
La leçon politique. "On aurait pu penser cette fois qu’il y aurait une vraie rupture entre la présidentielle et les législatives puisque le Président élu sortait de nulle part, et que son parti n’avait été créé que six mois avant son élection ! Le phénomène de participation différentiel, entre un électorat vainqueur surmobilisé et un vaincu démobilisé, se confirme de nouveau. Le quinquennat a aussi neutralisé le rôle du parti politique, celui-ci est d’abord une écurie présidentielle et n’est plus nécessaire pour se faire élire. Programmées dans la foulée de la présidentielle, les élections législatives ne sont plus considérées comme un scrutin intermédiaire et l’effet de vague est bien établi."
Le contexte. Vainqueur pour la deuxième fois face à Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron est toutefois moins bien élu qu’il y a cinq ans. Rentré tard en campagne, le président de la République doit patienter sept semaines entre le scrutin présidentiel et les législatives, un délai inédit sous la Ve République. Alors que la gauche se présente unie sous les couleurs de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) et que le Rassemblement national a signé son meilleur score lors d’une élection nationale en avril, le verdict des urnes apparaît incertain pour la majorité présidentielle sortante réunie sous la bannière Ensemble. À quelques jours des élections législatives, les projections en sièges établies par les instituts de sondages indiquent qu'Emmanuel Macron disposerait, à ce stade, d'une majorité, mais sans certitude d'obtenir une majorité absolue. Rendez-vous dans les urnes les 12 et 19 juin.